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« Le Monde » publie sa sélection de 20 tables à moins de 20 euros à tester en banlieue

Isolé, le restaurant qui s'est installé au rez-de-chaussée d'un pavillon de banlieue à Montreuil / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris
Isolé s’est installé au rez-de-chaussée d’un pavillon de banlieue à Montreuil et figure dans la sélection du Monde des 20 restaurants où manger à moins de 20 € en banlieue / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Après sa sélection des 100 tables où déjeuner à moins de 20 € à Paris parue l'an dernier, Le Monde vient de publier ses 20 tables pour moins de 20 € cette fois en banlieue. Ce qui n'a pas échappé à Enlarge your Paris qui s'est entretenu avec Léo Pajon, journaliste gastronomique et co-auteur de cette sélection.

Pourquoi établir aujourd’hui cette sélection de 20 tables à moins de 20 € en banlieue ?

Léo Pajon : L’an dernier, nous avions fait une sélection de cent adresses à Paris. Cela a été l’un des articles qui ont le mieux marché sur le site. Mais nous souhaitions depuis longtemps dépasser Paris et investir la banlieue comme la province. La critique gastronomique se concentre beaucoup sur la capitale. Nous avions la volonté de sortir de cet entre-soi. Or ce sont des sujets longs à traiter, qui demandent du temps. Ce qui explique que l’article sorte maintenant, une fois que les vingt adresses ont été arrêtées.

Quelle a été votre méthodologie pour déterminer les vingt restaurants présentés dans votre sélection ?

Il n’y a pas vraiment eu de méthodologie scientifique. Je me suis plus intéressé aux adresses situées dans l’Est parisien tandis que Charlotte Engel (la journaliste qui co-signe cette sélection, NDLR) prenait en charge l’Ouest. Au départ, je connaissais déjà certains restaurants. Et puis il y a d’anciens chefs reconnus à Paris que nous suivions qui ont fait le choix de la banlieue comme Youpi au Théâtre à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), Isolé ou Gypse à Montreuil (Seine-Saint-Denis). En fait, le confinement a fait sa part : certains restaurateurs se sont remis en question. Ils voulaient continuer à bénéficier de l’énergie parisienne mais aussi avoir de meilleures conditions de travail, un loyer moins lourd, et, pour certains, se rapprocher de leur lieu de vie. On a parlé du grand mouvement post-covid vers les campagnes mais il a aussi existé vers la banlieue. Pour le reste, nous avons fait marcher le bouche-à-oreille via des confrères, des attachés de presse et d’autres cuisiniers qui nous ont indiqué des collègues qui travaillaient selon la même philosophie. Car beaucoup sont connectés en réseau, ont les mêmes fournisseurs. Par exemple, Youpi au Théâtre m’a été conseillé par la patronne du Préau au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis). En termes de « ligne », nous avons cherché ce que nous défendons au Monde : une cuisine responsable, de saison, créative, qui valorise les circuits courts. Et puis, bien sûr, il y a ce critère important que représente la limite haute de 20 € le midi.

La sélection privilégie les adresses situées en proche banlieue. Pourquoi ?

L’idée était qu’un maximum de nos lecteurs puissent se rendre aux adresses conseillées. Globalement, dans les médias, l’accent est encore beaucoup mis sur la haute gastronomie. Notre souci au Monde, c’est de parler au plus grand nombre et pas seulement du microcosme parisien. Or on constate, en banlieue mais aussi en région, une véritable ébullition, une énergie débordante qui n’est pas encore suffisamment mise en lumière. Et, pour nous, il n’y a pas de mauvais lieux pour parler de grande cuisine.

Y a-t-il une spécificité des adresses ultra-périphériques par rapport aux restaurants situés intra-muros ?

Le prix, déjà. En passant le périphérique, vous faites diminuer le prix d’une formule de 2 à 3 €. Quand, pour son travail, on va au restaurant tous les midis, ce n’est pas rien ! Et puis, globalement, les chefs sont plus sereins. Ils paient un loyer moins élevé, c’est moins compliqué de se déplacer et donc d’être livré. Et, pour l’instant, la concurrence y est moins rude alors qu’il y a un vivier de clientèle notamment avec les salariés des entreprises dont les sièges sont installés en banlieue. En fait, en rencontrant les chefs, j’ai senti des gens heureux d’être là. Cela n’empêche évidemment pas les échecs. Nous avons dû revoir un peu notre sélection car, au moment du bouclage, deux adresses que nous avions choisies avaient entretemps fermé…

Parmi toutes celles que vous avez visitées, en auriez-vous trois à recommander à nos lecteurs ?

Youpi au Théâtre à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) est un lieu incroyable. Le restaurant est situé dans le hall du théâtre, on a presque l’impression d’être sur scène. L’équipe fait de la bistronomie à des prix de cantine. Les légumes poussent sur le toit du théâtre, ils travaillent avec les gens du quartier… Je pense aussi à Gypse à Montreuil (Seine-Saint-Denis), une table incontournable. Je me souviens d’avoir mangé des cuisses de canette aux figues rôties dans un menu à moins de 20 €. Et puis il y a chez eux une modestie, une humilité ainsi qu’une proximité toute particulière avec la clientèle qui me plaisent. Enfin je parlerais de la Tréso à Malakoff (Hauts-de-Seine). Un peu comme à la Cantine de la Pagaille à Ivry (Val-de-Marne) dont vous avez parlé récemment, il y a ce côté où on se sert, où on passe commande directement en cuisine. On devient presque un collègue de la cheffe. Cette dernière, passée par l’École Ferrandi, fait partie de cette nouvelle génération tournée vers l’antigaspi. Non seulement on mange bien à la Tréso mais on est aussi face à des assiettes engagées.

Cette sélection en banlieue est-elle un « one shot » ou allez-vous réitérer l’expérience ?

Notre équipe n’est pas ultra-nombreuse et, comme je vous le disais, c’est un travail qui demande du temps. Actuellement, je travaille sur l’actualisation des cent adresses parisiennes. Mais il est clair qu’on va continuer le travail de veille sur la banlieue. En fait, c’est un mouvement d’ensemble. Si des chefs talentueux s’installent ou restent en banlieue, si la clientèle y est, alors il est normal que la critique y aille aussi !

Le bémol qu’on peut formuler, c’est que votre sélection ne met pas beaucoup en avant la diversité culinaire qui existe en banlieue. Par exemple, la Seine-Saint-Denis compte 130 nationalités ; or vos adresses tournent assez peu autour des cuisines du monde…

De la chorba, des boulettes, j’en ai vu dans des restaurants qu’on propose. Après, un vrai bon couscous à moins de 20 €, je n’en ai pas trouvé par exemple. Je connais plutôt bien la cuisine d’Afrique subsaharienne. Si on prend un restaurant réputé comme Le Coq noir à Clichy (Hauts-de-Seine), on n’y trouve pas de plats à moins de 20 €, parce qu’il y a pas mal de produits carnés, parce que ce sont des plats longs à réaliser avec beaucoup de mijotages. Mais, si les lecteurs ont de bonnes adresses à me recommander, je suis preneur !

Infos pratiques : retrouvez la sélection « Vingt restaurants en Île-de-France où déjeuner pour moins de vingt euros » établie par Léo Pajon et Charlotte Engel sur lemonde.fr

Le podium de Léo Pajon des tables à moins de vingt euros en banlieue

– Youpi au Théâtre de Gennevilliers, 41 avenue des Grésillons, Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Du lundi au vendredi le midi. Bar à vin nature et tapas les jeudis et vendredis soirs de spectacle. Tél. : 06 26 04 14 80. Accès : métro Gabriel Péri (ligne 13) / gare Les Grésillons (RER C). Plus d’infos sur youpiautheatre.hubside.fr

– Gypse, 26, rue du Capitaine Dreyfus, Montreuil (Seine-Saint-Denis). Ouvert du mardi au samedi midi et soir. Tél. : 01 88 49 47 53. Accès : métro Croix de Chavaux (ligne 9). Plus d’infos sur Facebook 

– La Tréso, 8 avenue du Président Wilson, Malakoff (Hauts-de-Seine). Ouvert du mardi au samedi le midi, du jeudi au samedi le soir. Tél. : 01 75 49 29 79. Accès : métro Malakoff – Plateau de Vanves (ligne 13). Plus d’infos sur latreso.fr

La Tréso à Malakoff / © Steve Stillman pour Enlarge your Paris
La Tréso à Malakoff / © Steve Stillman pour Enlarge your Paris

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