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Billy la banlieue, loubard en tiags et en pixels

Alors que Street Fighter V vient tout juste de sortir, il faut se rappeler qu'avant d'en arriver là les gamers ont pu se défouler sur Billy la banlieue. Ce jeu culte, sorti sur Amstrad CPC en 1986, met en scène un loubard de Seine-Saint-Denis au look de rockeur, qui arpente les couloirs du métro pour retrouver sa copine. Nous avons rencontré son créateur.

Billy la Banlieue / DR

 

Interview réalisée en novembre 2014

Pour commencer, pouvez-vous présenter Billy ?

Jean-Philippe Biscay : Billy vient du 93, et plus précisément de Bagnolet, où je vivais lorsque j’ai réalisé le jeu. C’est un loubard, un rocker des années 70/80 coiffé d’une banane, avec un jean troué, un bon vieux cuir et des santiags… Il n’aime pas se faire marcher sur les pieds, et sait se défendre contre les voyous qui se dressent sur son chemin. Mais Billy reste un gars simple et profondément sympa.

Durant son aventure, il doit donner des coups de main à de nombreux personnages atypiques, comme par exemple en rapportant son saxophone à un musicien insomniaque qui lui demande de l’aide. Il aime vivre les opportunités que la vie lui présente, et surtout se balader inlassablement dans la banlieue parisienne ! La banlieue, avec sa multitude de gens venant de tous horizons, a été pour moi une formidable source d’inspiration. Dans le jeu, on retrouve son architecture, ses escaliers et son métro, qui étaient mon quotidien à l’époque.

Ce loubard et tous les personnages, vous les voyiez souvent dans la vraie vie ?

Oui ! C’était une caricature des personnages que je croisais à l’époque… La banlieue était comme elle est encore, peuplée d’une multitude de gens hétéroclites. Ces personnages caricaturés me semblaient mieux venus dans le jeux qu’un cadre supérieur aigri, qui n’a rien d’amusant ni de coloré.

Quel était le principe du jeu ?

L’objectif était simple : il est tard, mais Billy veut aller retrouver sa copine. En déambulant dans les rues et les couloirs du métro, il doit trouver et rapporter des objets aux personnages qu’il rencontre, vaincre les loubards qui lui barrent la route, remporter la victoire sur plusieurs bornes d’arcades, et enfin retrouver sa bien-aimée.

 

 

 

Comment on en vient, au milieu des années 80, à réaliser un jeu vidéo, secteur beaucoup moins démocratisé à l’époque ?

J’ai commencé très jeune à bidouiller mon train électrique pour synchroniser des passages à niveaux ou des signaux, et plus tard, les amplis de ma guitare électrique pour avoir un meilleur son… J’ai un jour acheté le fameux ZX81 (un des premiers ordinateurs grands public) qui m’a permis d’entrer dans l’univers de l’informatique et de la programmation. J’y ai très vite vu un moyen d’expression ludique, et me suis lancé dans la réalisation de l’un de ces petits jeux très amusants de l’époque. J’en ai réalisé plus d’une dizaine, dont une grande partie a été éditée par Loriciels.

Est-ce en raison du succès du premier que vous avez réalisé presque aussitôt un deuxième Billy, en 1987 ?

En fait, j’avais un certain nombre d’idées de jeux en tête qui étaient à l’état d’ébauche, notamment un jeu dans l’esprit du « Monopoly », où le joueur devrait acquérir des biens immobiliers pour progresser. J’en ai discuté avec mon éditeur qui pensait au contraire qu’il serait bien de surfer sur le succès de Billy. Je me suis donc lancé dans la création d’un second épisode. J’en ai profité pour retravailler les performances et le rendu graphique, c’était le véritable défi technique à l’époque. J’ai d’ailleurs utilisé pour l’arrière-plan du nouveau jeu des bâtiments dessinés initialement pour ma première idée « Monopoly ».

Et aujourd’hui, pourquoi avoir choisi de faire un nouveau volet des aventures de Billy ?

A l’époque des premiers épisodes, il n’y avait pas Internet. Il n’y avait que les fanzines et magazines spécialisés pour permettre un échange entre les joueurs et les auteurs. La toile a radicalement changé ça, et ces dernières années, j’ai régulièrement reçu des messages de fans, pour parler du jeu et me demander si une suite était possible. Il y avait aussi les commentaires passionnés et nostalgiques des joueurs sur les vidéos Youtube de Billy 1 et 2. Alors avec mon fils Charly, qui est aussi programmeur, et qui a été le premier joueur de Billy La Banlieue, nous avons décidé de réaliser un nouvel épisode, presque 30 ans après le premier.

Dans le nouveau jeu, Billy est-il resté dans les années 80 ?

C’était l’une des premières questions qui s’est posée dans la conception du jeu. Pour replonger le joueur de la première heure dans l’ambiance qu’il a connue dans les premiers épisodes, nous avons décidé que le nouvel épisode nous ramènerait dans la banlieue des années 80. Dans son nouveau périple, Billy tombe sur de nombreux clins d’oeil à cette époque : affiches, magasin d’Amstrad CPC, cabines téléphoniques…

 

Billy la banlieue / DR

 

Les deux premiers volets étaient célèbres pour leur possibilité de jouer réellement aux jeux d’arcade présents dans le décor, avez-vous repris ce principe dans le nouveau jeu ?

Oui. C’était l’originalité majeure du jeu, dès le premier épisode. Selon les amateurs de l’histoire du jeu vidéo, c’était le premier à introduire cette notion de « jeux dans le jeu », à travers les jeux d’arcade que Billy devait remporter pour avancer dans l’histoire. C’était un vrai challenge technique : la mémoire dont le jeu disposait pour fonctionner était infime, 64 Ko en tout et pour tout. 

Et pour revivre l’expérience Billy la banlieue, cliquez donc ici. Voici en prime la présentation faite à l’époque par Loriciels, l’éditeur du jeu : 

« Un jeu branché aux graphismes pas craignos où tu seras Billy, un loubard de banlieue super sympa. Balade-toi dans ton quartier, tu y rencontreras Nini jolie, Bob la musique, Baba le demeuré, Punky et bien d’autres. Au détour des ruelles, trouve les tunes qui te permettront de t’éclater sur les jeux vidéo planqués dans la ville. Mais calmos Billy… Avant d’aller pioncer, il te faudra sortir des pattes des zonards qui rodent sous les réverbères. Et fais gaffe mon pote, c’est des méchants, ça va éclabousser !!! »