
À Chelles, Pierric Petit cultive sept hectares de vignes bio. Son domaine, Les Coteaux du Montguichet, vient d'être salué par Revue des vins de France, qui dans son édition 2025 reconnait les qualités de son rouge et de son blanc. Est-ce le signal d'un renouveau du vin dans l'ancienne plus grande région viticole de France, ou une délicieuse exception ?
Comment vous est venu l’idée de planter des vignes à Chelles, à deux pas de Paris ?
Pierric Petit : À l’origine, j’étais menuisier. Je me suis reconverti dans le vin en 2010. J’ai beaucoup travaillé en Bourgogne, puis, avec ma femme et une poignée de passionnés, nous avons répondu à un appel à projet de la région Île-de-France aux alentours de 2017. On souhaitait réintroduire des vignes dans un ancien territoire viticole et travailler près d’une grande ville pour interagir avec le tissu urbain et ses habitants. Aujourd’hui, nous avons sept hectares de vignes avec des cépages de pinot noir et gris, de savagnin, de syrah… La région nous loue des terres et la commune nous soutient en nous prêtant un peu de matériel. Dans l’ensemble, les acteurs et les habitants sont très contents de retrouver une activité agricole sur une terre qui a longtemps été viticole !
Vous avez intégré l’édition 2026 de la Revue des vins de France 2026. C’est une reconnaissance, mais de quoi exactement ? Du vin en lui-même ou de votre approche globale du projet ?
Il faut le dire sans prétention, c’est beaucoup de travail. Rien que le projet de planter des vignes aux abords d’une ville, c’est assez fou. Je m’intéresse beaucoup à la philosophie des terroirs, c’est-à-dire le fait de comprendre toutes les caractéristiques d’un lieu pour s’y conformer au mieux. Cela m’a beaucoup aidé dans la construction du projet, et ça fait qu’aujourd’hui on produit du vin bio à des prix corrects (entre 16 et 22 €) accessibles à tous. Il répond aussi à l’air du temps. Les amateurs sont ravis de consommer près de chez eux et ils savent qu’ils peuvent aussi découvrir le domaine en participant à nos événements. Chez nous, le vin est avant tout un prétexte à la convivialité, au partage et surtout à la rencontre.
Pour entrer dans le Guide des meilleurs vins 2026, on m’a demandé des échantillons afin de goûter mes produits, mais je pense que les professionnels ont aussi été sensibles à notre démarche en général. Faire renaître le vin d’Île-de-France crée une vraie curiosité et attire du monde. Pour nous, cette nomination dans le guide est un gage de confiance, et une reconnaissance qui nous apaise un peu dans un milieu où l’on peut beaucoup douter…
Le climat change, l’Île-de-France n’a pas le terroir bourguignon… A quels enjeux spécifiques devez-vous faire face ?
Je suis assez anxieux face aux conditions météorologiques. Le climat change, donc quand on a planté nos vignes, on en a choisi d’assez basses pour qu’elles s’adaptent au réchauffement climatique. Cela nous permet d’avoir un vin très correct qui correspond aux désirs actuels, plus axés sur le vin de plaisir un peu léger que sur des bouteilles très puissantes, dont les consommateurs sont fatigués.
L’enjeu économique est aussi très important, on essaie de se maintenir dans le temps. Mais, avec la crise générale, le pouvoir d’achat baisse, et c’est l’industrie du vin (qui n’est pas une nécessité) qui trinque. On est aussi face à un fort lobby anti-alcool qui confond un peu tout. Nous, ce qu’on veut, c’est remettre en avant le vin comme un produit de culture et une vraie boisson de plaisir. Pas un outil avec lequel on se rend malade…
Où peut-on trouver votre production ? Le domaine est-il ouvert aux curieux et aux amateurs ?
On produit environ 30 000 bouteilles que l’on vend aux cavistes indépendants, aux restaurants et aux particuliers. On tient un événement mensuel, « le rendez-vous du samedi », où il est possible de visiter le domaine, d’acheter sur place, de déguster des planches de fromages et charcuterie de 11 h à 19 h Le tout accompagné d’une exposition, d’un concert ou d’une conférence. On souhaite toujours lier le domaine – et le vin en général – à la culture. On propose aussi des visites pour des groupes (8 à 10 personnes) et des événements d’entreprise à la demande.
On commence à entendre parler d’autres vignerons qui s’installent en Île-de-France. Est-ce vraiment un mouvement de fond, selon vous ? Quels domaines ou producteurs nous recommanderiez-vous ?
Pour ce qui est des producteurs locaux, il y a Agathe Maury près de Coulommiers qui gère le domaine du Chasne. Dans le même coin, il y a le domaine Bois Brillant, qui était à l’origine une toute petite parcelle et qui est aujourd’hui un acteur important du 77. Sinon, le Pif à Papa possède une parcelle de vigne dans le 95 et s’est engagé dans un projet assez alternatif puisqu’il fabrique son vin à Courbevoie (92) et il le vend. Dans l’ensemble, beaucoup de céréaliers diversifient leurs activités et lancent leurs productions. C’est une activité qui se développe beaucoup dans la région. On devrait donc avoir plein de nouveaux noms de bouteilles en vente dans les prochaines années !
Plus d’infos sur le profil Facebook de Pierric Petit
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6 novembre 2025 - Chelles