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Participez à un « vrai-faux procès du vélo » à Paris

Cyclistes sur le pont des arts à Paris / © Carl Campbell (Flickr - Creative commons)
Cyclistes sur le pont des Arts à Paris / © Carl Campbell (Flickr – Creative commons)

Parce que les cyclistes sont de plus en plus nombreux dans le Grand Paris, la mairie du 12e arrondissement accueille samedi 18 mars un « vrai-faux procès du vélo » afin de débattre de nos manières de nous déplacer. Enlarge your Paris a rencontré l’« avocat de la défense », Stein van Oosteren, conférencier et auteur de « Pourquoi pas le vélo ? Envie d’une France cyclable » (Éd. Écosociété).

En quoi va consister ce « vrai-faux procès du vélo », organisé par la commission transport d’Europe Ecologie Les Verts, samedi 18 mars à la mairie du 12e ?

Stein Van Oosteren : Cet événement est assez cocasse dans sa forme mais en même temps, c’est un sujet très sérieux ! Le vélo est souvent sous le feu des critiques. L’idée est de pousser cette situation jusqu’au bout et d’aller jusqu’à son procès afin d’explorer les problèmes liés au vélo et ce qu’ils signifient. Le procès est une simulation, mais faite avec sérieux. De vrais professionnels de la justice sont attendus, une future magistrate dirigera les débats, une association de défense des piétons se constituera partie civile. Nous attendons aussi des candidatures pour devenir jurés, et pas seulement des défenseurs du vélo ! Il faut que toutes les sensibilités soient représentées. D’ailleurs, même si le vélo est jugé coupable, il faudra trouver la peine qui convienne.

Quel sera votre rôle ?

Je serai l’avocat-citoyen défenseur du vélo. Moi qui suis habitué à défendre le vélo – j’ai été longtemps porte-parole du Collectif Vélo Île-de-France –, le fait de débattre dans le cadre d’un procès, même factice, me procure une émotion assez spéciale. Il y a finalement peu de moments aussi officiels dans une vie hormis le baptême, le mariage et le décès. Un procès reste un moment très sérieux, même derrière ce sujet apparemment léger qu’est le vélo.

Quel est l’objectif d’une telle discussion ?

Nous allons échanger sur notre société : le vélo est-il le véritable coupable ? Derrière ce débat autour de la mobilité existe une question autour du sens de cette période chaotique que nous vivons tous actuellement ; une période de friction due notamment à la baisse du pouvoir d’achat, du manque de matières premières et d’inflation depuis la guerre en Ukraine. Nous observons aussi une densification des villes, et évidemment la crise écologique… Tout cela met notre société sous pression. Mais de ce chaos naissent des leviers de changement. Le succès du vélo est un effet positif qui en ressort. Je compare cette période à des plaques tectoniques en train de bouger. Elles créent des frictions débouchant sur une sorte de basculement. Ce procès intervient au moment de ce basculement.

Selon vous, le vélo cristallise les tensions qui traversent la société…

Le vélo reflète en effet ces tensions. Mais c’est un reflet positif car le vélo représente le besoin de bien-être dans notre quotidien. Aujourd’hui, on peut critiquer les cyclistes à bien des égards mais ce procès donne l’occasion de prendre de la hauteur et de s’apercevoir que la situation actuelle de tensions est le résultat de décisions politiques comme les routes réservées aux voitures. Les gens ont tous besoin d’espace pour les mobilités douces, de moins de pollution, de plus de vert. Ce procès sera l’occasion de dézoomer pour réfléchir à nos besoins en tant qu’humains. Nous avons besoin de cette crise pour ensuite agir. Le vélo reste un moyen d’agir, et d’agir collectivement.

Ce procès est-il également un moyen de désamorcer la haine ? Les propos sur les cyclistes sont parfois très violents…

Ce procès permet de retenir cette violence. Car on ne peut pas laisser exploser la violence dans un tribunal. C’est un lieu où l’on doit argumenter et donc se dégager de l’émotion. C’est ce qu’on cherche. L’idée de ce procès est de déclencher une prise de conscience par la réflexion, par la prise de recul. Ce procès est en effet une manière de désamorcer la violence en laissant ventiler les étincelles de haine contre le vélo. Et je pense que derrière ces critiques se cache la peur face à la société qui change. Le chaos montre bien que nous sommes dans une période de changement. Pour apaiser les tensions, il faut s’écouter. Un procès sert à cela.

Peut-on dire que ce vrai-faux procès est aussi celui de notre époque ?

Nous ne sommes pas dans une époque de changements mais dans un changement d’époque. Il faut changer notre manière de réfléchir. Ce procès va aider, je l’espère, à ne plus réfléchir sur le vélo en tant que problème mais en tant que solution. Cette réflexion est passionnante à mon sens. Nous allons d’ailleurs réaliser un film, qui va être diffusé par les associations et les citoyens qui veulent ouvrir le débat, sur la mobilité et sur la place de l’humain dans la ville ainsi que sur notre rapport au temps. Ce sujet du vélo ressemble à un petit sujet, mais il est finalement un pied de biche qui ouvre la boîte noire de notre société.

Vous êtes franco-néerlandais. On a l’impression qu’aux Pays-Bas la question du vélo est bien plus ancienne. Pourquoi suscite-t-elle tant de débats en France ?

Cette culture du vélo aux Pays-Bas n’est pas tellement ancienne ! Au début du XXe siècle, les Pays-Bas fonctionnaient comme la France : les gens marchaient, se déplaçaient à vélo ou à cheval. Puis vint la voiture. Pendant les Trente Glorieuses, l’automobile a pris une telle ampleur que le vélo a quasiment disparu. Puis les gens ont commencé à se plaindre du manque de place pour circuler dans la rue, pour que les enfants puissent y jouer en toute sécurité. Il a fallu, comme dans toutes les crises, une étincelle. Au début des années 1970, une petite fille de 6 ans est décédée à vélo, percutée par une voiture. Son père, journaliste connu, a écrit un article intitulé « Stop aux meurtres des enfants » qui a fait descendre des milliers de gens dans la rue. Les citoyens ont alors milité en faveur de la récupération de l’espace public. Un plan a même été proposé au gouvernement pour diminuer la place de voiture dans l’espace public par le biais d’un véritable réseau de voies cyclables. Ce plan n’a pas suffi mais le choc pétrolier de 1973 a mis les voitures à l’arrêt. Le gouvernement a alors agi en faveur du vélo et a récupéré ce plan pensé par des citoyens. En France, le lobby des voitures est bien plus puissant. Mais finalement, en septembre 2018, le gouvernement français a aussi accepté un Plan vélo. Ce procès sera l’occasion de prendre le temps de se demander ce que nous, citoyens, voulons comme monde. La politique est par nature en retard sur ce que veulent les gens. Ce n’est pas la culture néerlandaise qui est en faveur du vélo mais c’est au contraire le fait de laisser de la place à cette mobilité qui a fait émerger cette culture.

Restez-vous positif quant à l’avenir du vélo en France ?

Bien entendu ! Les citoyens s’organisent. Il existe aujourd’hui des baromètres des pistes cyclables. Le sujet des mobilités douces est devenu mainstream. Notre besoin de nous occuper de notre qualité de vie, de celle de nos enfants, de la qualité de l’air, de l’utilisation de nos ressources est bien présent. Il faut juste donner des moyens pour agir. Les associations contribuent à structurer la société. Le Collectif Vélo Île-de-France, créé par des citoyens, a aujourd’hui 8 000 adhérents et est devenu l’acteur de référence du vélo dans la région. Le RER Vélo – aujourd’hui appelé VIF (réseau Vélo Île-de-France) – existe grâce à la réflexion de citoyens ayant le besoin de se déplacer. Ce réseau structurant va changer le visage de la région comme cela fut le cas à Amsterdam.

Vous croyez donc en un non-lieu du vélo ?

On ne sait absolument pas ce qu’il va se passer ! Tout dépend des jurés. D’ailleurs, on a besoin de jurés de tous bords pour obtenir un débat de qualité.

Infos pratiques : Le « vrai-faux procès du vélo » à la mairie du 12e arrondissement, 130, avenue Daumesnil, Paris (12e). Samedi 18 mars à partir de 9 h 30. Entrée libre. Accès : métro Dugommier (ligne 6). Pour devenir juré, vous pouvez déposer une candidature via framaforms.org

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