Société
|

Le Grand Roissy à l’épreuve du coronavirus

L'aéroport de Roissy dans le Val-d'Oise / © NASA (Creative commons)
L’aéroport de Roissy dans le Val-d’Oise / © NASA (Creative commons)

Avant la crise sanitaire, le Grand Roissy était l’un des pôles les plus dynamiques de la région parisienne avec 280.900 salariés. Les mesures de confinement ont suspendu la plupart des activités et paralysé un territoire structuré autour de l'aéroport Charles-de-Gaulle. Khader Berrekla, architecte à Goussainville et auteur du blog "Au-delà du périf", nous livre son analyse de l'avenir du territoire.

Khader Berrekla, architecte à Goussainville (Val-d’Oise) et auteur du blog « Au-delà du périf »

Avant la crise sanitaire, le Grand Roissy était l’un des territoires les plus dynamiques de la région parisienne avec 280.900 salariés. Les mesures de confinement décidées à la mi-mars ont suspendu la plupart des activités, comme dans le reste du pays. L’activité économique du territoire est toutefois marquée par une forme de spécialisation dans certains domaines d’activités : en premier lieu l’aérien mais également l’événementiel, avec le parc des expositions de Villepinte et celui du Bourget (Seine-Saint-Denis), et enfin l’hôtellerie-restauration, qui est un maillon indispensable à proximité de telles infrastructures.

A l’heure actuelle, le secteur aérien traverse une crise sans précédent : Air France, premier employeur privé de la plateforme de Roissy, perd 25 millions d’euros par jour compte-tenu de l’arrêt quasi-complet de son activité. Les grands rassemblements tels que les salons, conventions ou conférences sont suspendus jusqu’à la mi-juillet au moins. Les hôtels sont pour la plupart à l’arrêt, les rares restés ouverts fonctionnent au ralenti ou sont réquisitionnés par l’Etat. Quant aux restaurants, ils sont tous fermés et pour longtemps.

« A proximité immédiate de l’aéroport, dans le Val-d’Oise et en Seine-Saint-Denis, les taux de chômage sont déjà parmi les plus élevés de la région »

Alors que ces trois domaines d’activité constituaient jusque-là un important vivier d’emplois de proximité et relativement accessibles pour les habitants du territoire, la crise économique va avoir un impact très fort (et sans doute durable) sur l’activité aéroportuaire. Il faut rappeler qu’à proximité immédiate de l’aéroport, dans le Val-d’Oise et en Seine-Saint-Denis, les taux de chômage sont déjà parmi les plus élevés de la région ! Il atteint 17,6% à l’échelle du territoire, soit le double du taux national, et bien plus dans certains quartiers et chez les jeunes. Cette situation peu reluisante a de grandes chances de se dégrader dans les mois à venir …

Alors, quelles perspectives pour le territoire alors que le secteur aérien risque de mettre plusieurs années à se remettre de cette situation sans précédent ? A l’issue de la crise, l’enjeu de la formation et de l’accès à l’emploi des jeunes mais aussi des adultes va s’avérer encore plus prégnant. Sur ce point, les carences du territoire sont connues depuis de nombreuses années. Alors que Cergy (Val-d’Oise), Massy (Essonne) ou Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) disposent d’équipements de formation et d’enseignement supérieur d’importance, ce n’est absolument pas le cas du secteur de Roissy. Il est urgent d’investir enfin dans un équipement universitaire qui permettrait à nos jeunes d’entrevoir de meilleures perspectives d’avenir. Cet équipement pourrait être complété d’actions dédiées à d’autres publics éloignés de l’emploi. 

« Le tourisme de proximité est promis à un développement certain »

Par ailleurs, des tendances émergentes vont probablement se confirmer et s’accroitre. On constate de manière générale une démarche de retour au local de la part des citoyens, qui a de grandes chances de se prolonger après la crise. Cela peut constituer une aubaine tant pour les commerces de proximité que pour l’agriculture, cette dernière étant présente de manière non négligeable dans le territoire. A ce titre, d’un point de vue urbain, la réhabilitation et la valorisation des centres-villes constituera un enjeu de plus en plus important. Ces espaces devront devenir les lieux privilégiés d’une intensité urbaine, avec des espaces publics largement dimensionnés et une mixité de fonctions favorisant la présence d’un flux régulier.

Mais cette logique ne se limite pas au commerce. Au regard des contraintes sans doute prolongées liées aux limitations de déplacement, « le tourisme de proximité » est promis à un développement certain. A ce titre, les nombreuses richesses (parfois méconnues) du territoire, tant en termes de patrimoine que de ressources naturelles, gagneraient à être valorisées. Le secteur de l’hôtellerie pourrait également profiter de cette embellie.

Enfin, la crise actuelle met en exergue la vulnérabilité économique du territoire, basée sur le secteur de l’aérien. A moyen terme, il semble indispensable d’opérer une diversification des secteurs d’activité présents sur le territoire afin de limiter sa dépendance au secteur aérien. Cette diversification semble d’autant plus importante, si les tendances émergentes liées à la réduction de l’usage de l’avion compte tenu de son empreinte carbone prennent de l’ampleur. Même si pour l’instant nous en sommes loin, elles pourraient à long terme, remettre en cause les perspectives de développement du secteur.  

Lire aussi : « Le confinement fait la preuve qu’une démobilité est souhaitable et qu’une déconsommation est possible »