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Le foot prend-il trop de place dans les cours de récré ?

Selon Édith Maruéjouls, spécialiste de la géographie du genre, la place accordée au foot dans les cours de récréation se fait au détriment des autres activités / © Pxhere
Selon Édith Maruéjouls, spécialiste de la géographie du genre, la place accordée au foot dans les cours de récréation se fait au détriment des autres activités / © Pxhere

Il a été sur le devant de la scène pendant un mois avec la Coupe du monde au Qatar. Mais le foot occupe aussi une large place dans les cours de récréation. Un sujet auquel s'est intéressée entre autres Édith Maruéjouls, spécialiste de la géographie du genre et autrice de l’ouvrage « Faire je(u) égal. Penser les espaces à l'école pour inclure tous les enfants ».

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux cours d’école et à la façon d’y intégrer davantage d’égalité filles/garçons ?

Édith Maruéjouls : C’est une opportunité qui s’est présentée. En 2010, je menais ma thèse après des années sur le terrain à travailler sur l’égalité filles/garçons dans les politiques publiques. Or, à un moment, j’ai eu besoin de m’extraire de ce champ professionnel, de prendre du recul. J’ai donc entamé ma thèse sur les loisirs des jeunes, l’écart de redistribution de l’argent public qui se manifeste dans ce domaine. Et puis une école de Mont-de-Marsan m’a appelée pour que je les accompagne dans un cheminement sur les relations filles/garçons. Pendant sept ans, j’y suis allée et j’ai pu observer la façon dont la cour d’école est une sorte de micro-espace de loisirs.

Quel est le problème dans la conception des cours d’écoles classiques ?

Elles posent la question des stéréotypes de genres. Il y a par exemple cette idée qu’une activité collective comme le foot a besoin de beaucoup de place, parce qu’« il faut que les garçons se défoulent ». Le résultat, c’est que les « grands » de CM2 utilisent la plus grande partie de l’espace. Et ce sont toujours les vingt même… A contrario, les « petits jeux » des filles auraient besoin de moins d’espace. Cela crée de l’énervement, de l’intranquillité, de l’évitement. Quand on déroule le fil, cela pose plein d’autres questions : celle des élèves plus jeunes, de ceux porteurs d’un handicap… Le constat, c’est donc la privation d’espace et le morcellement.

À partir de là, quelles solutions peut-on proposer ?

Il faut créer une cour « ambiancée ». Créer des perméabilités, des espaces où on est côte à côte. Et ainsi, imaginer des espaces calmes, des espaces intermédiaires et des espaces dynamiques.

Par exemple, dans l’espace dynamique, vous mettez en avant un usage tournant, pour qu’il ne soit pas monopolisé par le foot. Vous proposez donc une « roue du jeu » qui permette de varier les pratiques. Les élèves auraient une carte à tirer au sort, pour que les joueurs varient…

Oui, parce que peut surgir dans ces jeux collectifs le processus « je veux jouer mais je ne peux pas ». De plus, de ces pratiques collectives découlent de nombreuses questions : qui décide du jeu auquel on joue ? Qui peut participer ? En sous-texte se pose donc la question du chef, de l’égalité de valeur entre filles et garçons. Or l’idée, c’est de partager. En même temps, les récréations sont courtes ; le but est de pouvoir jouer le plus possible. Le système de la roue et des cartes permet de ne pas perdre de temps si les élèves n’arrivent pas à s’organiser.

Y a-t-il des équipements qui favorisent des cours d’école plus inclusives ?

J’ai travaillé dans des établissements complètement neufs, dans un collège où 300 000 euros étaient disponibles pour paysager la cour, ainsi que dans une école où il n’y avait pas de budget. En fait, tout est possible ! Le mobilier est un sujet stratégique. Je pense aux assises. Mieux vaut des assises seules qu’être tout seul sur un banc de trois. Nous pensons aussi nos assises à 360° pour permettre à l’enfant de choisir ce qu’il souhaite regarder. Pour contribuer à la mixité, on peut aussi imaginer la disposition de grandes tables, prisées des filles mais aussi des garçons. Il faut aussi penser à la dimension esthétique, aux couleurs… C’est important de concevoir l’égalité dès l’école car on voit les catastrophes qui peuvent advenir au collège, qu’il s’agisse de violence ou de harcèlement.

Infos pratiques : Faire je(u) égal. Penser les espaces à l’école pour inclure tous les enfants. Édith Maruéjouls. Éd. Double ponctuation. 16 €

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