
Quand on pense à la Seine-Saint-Denis, on imagine volontiers des paysages urbains denses. Et pourtant, ce département est en train de devenir l’un des terrains d’expérimentation les plus surprenants de la nature en ville comme nous le dépeint, depuis les hauteurs du Mont Guichet, entre Chelles et Montfermeil, Gauthier Malherbe, technicien chez Île-de-France Nature.
Le cycle « J’irai randonner dans la Métropole du Grand Paris » est proposé par Enlarge your Paris en partenariat avec la Métropole du Grand Paris pour faire découvrir le Plan biodiversité métropolitain et les projets qui renforcent la place de la nature dans le Grand Paris.
Quand on vous entend parler de la Seine-Saint-Denis, on est très loin des clichés. À quoi ressemble ce territoire quand on prend le temps de le découvrir autrement ?
Gauthier Malherbe : Il y a en Seine-Saint-Denis une vraie ceinture verte. C’est un chapelet de forêts, de coteaux et de vallons qui relient la Marne au canal de l’Ourcq. Rien qu’à l’échelle d’Île-de-France Nature, nous gérons plus de 15 000 hectares d’espaces protégés, dont la forêt régionale de Bondy et le mont Guichet qui offre un panorama saisissant avec ses anciennes falaises de gypse, ses coteaux ensoleillés et ses clairières qui sentent la menthe sauvage.
Quel est le rôle d’Île-de-France Nature ?
Nous sommes la “main verte” de la Région Île-de-France. Nous acquérons, restaurons puis entretenons des sites pour qu’ils échappent à l’urbanisation. Depuis les années 1970, des périmètres régionaux d’intervention foncière (les PRIF) nous donnent une priorité d’achat sur ces terrains. Nous ne mettons pas la nature sous cloche. Nous la laissons respirer, nous la mettons à disposition du public tout en garantissant sa pérennité.
Vous dites acquérir et restaurer des sites. Comment cela s’est-il passé pour le mont Guichet ?
Au départ, le paysage ressemblait à la Lune. On a d’abord laissé la nature reprendre la main. Ensuite, avec des bénévoles et des agriculteurs, nous avons planté de jeunes boisements, rouvert certaines parcelles et installé un vignoble expérimental. Aujourd’hui le site accueille 13 espèces d’orchidées – un record en Seine‑Saint‑Denis – et même la falconelle (chevêche d’Athéna) qui chasse au crépuscule. Les anciennes falaises, inaccessibles mais visibles, servent de mur chaud pour les lézards tandis que les prairies de fauche fournissent du foin aux éleveurs voisins. Bref, un laboratoire de nature à 20 minutes du RER E !
Comment maintenir l’équilibre entre accès du public et protection de la biodiversité ?
Chez Île-de-France Nature, nous pratiquons une gestion douce. Taille raisonnée des lisières, fauche tardive pour laisser fleurir, pâturage itinérant sur les pelouses. Sur le Mont Guichet, nous laissons aussi des zones en libre évolution. L’effet patchwork multiplie les niches écologiques et ajoute du relief à la balade. Il faut bien noter que nos espaces ne sont pas des parcs mais des espaces naturels ouverts au public. C’est une grande différence.

Est-ce qu’il existe un fil conducteur entre les espaces naturels situés entre la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis ? Pourquoi ce lien entre Marne et canal de l’Ourcq est‑il stratégique ?
C’est une autoroute biologique Est‑Ouest : elle croise les routes migratoires de centaines d’oiseaux et relie plusieurs réservoirs de biodiversité — forêt régionale de Bondy, parc de la Poudrerie, berges de l’Ourcq. Pour les riverains, c’est aussi un fil d’Ariane vert : on peut marcher d’une gare à l’autre en restant sous les arbres presque tout le long.
Et sur ces espaces, la nature n’est pas seule à reprendre ses droits. Il y a aussi des agriculteurs…
Absolument. Les baux ruraux signés avec les agriculteurs installés sur les terres régionales les encouragent à maintenir l’ouverture paysagère, à favoriser les pollinisateurs et à vendre en circuits courts. Un vigneron produit déjà un vin blanc et rouge, distingué par la revue des Vins de France, sur les coteaux gypseux ; un maraîcher fournit les AMAP de Chelles. Quand un sol nourrit l’homme, il nourrit aussi la curiosité des visiteurs.
Pour que ces lieux vivent, il faut que les habitants s’en emparent. Comment les y incitez-vous ?
Nous mettons en place des sentiers balisés, des chantiers participatifs, des visites guidées mais aussi des événements comme des pique‑niques zéro déchet ou des soirée météo‑bats pour écouter les chauves‑souris avec un détecteur.
Et quand les visiteurs viennent pour la première fois au mont Guichet… Qu’est-ce qui les étonne le plus ?
Outre les orchidées, la chevêche d’Athéna reste un symbole. Cette chouette minuscule, active même de jour, niche dans les vieux vergers du plateau. Et puis il y a ces nuages de libellules au‑dessus des mares d’extraction, un rappel poétique que l’eau revient toujours là où l’homme l’a oubliée.
La préservation de la nature dans une métropole aussi dense reste toutefois semée d’embûches…
Il y a le sujet de la pression foncière mais aussi de la méconnaissance. Quand on ignore qu’un trésor existe, on ne le défend pas ! La bonne nouvelle, c’est que chaque visiteur qui repart émerveillé devient un ambassadeur. Et plus nous classons les sites, plus ils gagnent en protection juridique.
Infos pratiques : plus d’infos sur iledefrance-nature.fr

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8 juin 2025