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Avec ses cartes postales, la graphiste Juliette Nicot montre un autre visage du 9-3

L'une des cartes postales imaginées par la graphiste Juliette Nicot / © Juliette Nicot
L’une des cartes postales imaginées par la graphiste Juliette Nicot / © Juliette Nicot

Elle a déménagé il y a près de 10 ans en Seine-Saint-Denis. Depuis, la graphiste Juliette Nicot en représente les bâtiments sous forme de cartes postales pop et de risographies. Une manière d'incarner autrement le 93, ce qu'elle explique à Enlarge your Paris.

Comment avez-vous commencé à portraiturer les bâtiments de la Seine-Saint-Denis ?

Juliette Nicot : Je suis arrivée en Seine-Saint-Denis en 2015 pour des raisons partagées par beaucoup : l’agrandissement de ma famille et l’impossibilité financière de continuer à loger dans la capitale. Je me suis installée au Pré-Saint-Gervais et, très vite, j’y ai fait des rencontres. J’ai été surprise par la facilité du contact. Cela m’a rapidement ancrée dans la commune et j’ai commencé à me balader avec des copines dans le coin. Au départ, j’ai voulu faire un blog sur le Pré-Saint-Gervais pour créer des passerelles, faciliter les mises en relation entre les habitants. Mais produire du texte, des visuels, gérer l’administratif… J’ai vite compris que tout cela était très chronophage. J’ai donc mis le blog en sourdine mais une amie m’a incitée à poursuivre mes illustrations.

Comment choisissez-vous les lieux que vous allez représenter ?

En fait, ce projet, c’est un sujet, la Seine-Saint-Denis ; et une technique, la risographie. Le risographe est une machine de reprographie qui a été détournée par des illustrateurs. Il s’agit d’imprimer un passage de feuille par couleur. C’est comme la sérigraphie, sauf que la risographie est mécanique et non manuelle, donc moins coûteuse. Concernant les sujets, j’ai commencé en m’intéressant au patrimoine de Pantin et du Pré. Je me balade, je lève le nez. Je ne cherche pas forcément la beauté, ce n’est pas tant un critère que ça. Il s’agit plutôt de représenter des lieux emblématiques de l’histoire de la commune.

Quel regard les habitants portent-ils sur votre travail ?

J’ai beaucoup de retours de gens qui sont touchés par ma démarche. Soit parce qu’ils ont un lien affectif avec le lieu représenté, soit parce qu’ils apprécient de voir un regard positif porté sur la Seine-Saint-Denis. Pour cette seconde catégorie, il s’agit en général d’habitants plus anciens qui ont souffert de la vision médiatique posée sur le département par exemple.

La graphiste Juliette Nicot / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Est-ce qu’on a pu vous reprocher cette vision un peu pop du département, qui enjoliverait la réalité ?

Jamais. Les gens savent bien qu’il s’agit d’un parti pris, que je suis dans l’exacerbation, voire l’exagération. Et je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’attachement à l’endroit où on a grandi, qu’il soit beau ou pas. On voit bien l’arrachement que constitue, par exemple, la destruction d’un grand ensemble.

Du coup, votre travail a aussi une dimension documentaire. Il garde une trace du bâti du département…

Effectivement ! Je pense à la tour La Villette dont j’ai entendu dire qu’elle allait entièrement être repeinte en blanc. Eh bien moi, j’aurai la trace de ce qu’elle a été. D’ailleurs, cela me fait penser qu’il serait intéressant que je fasse quelque chose sur les bâtiments qui vont être rasés. Quand j’ai commencé ce travail, les politiques ne mesuraient pas autant l’importance du patrimoine départemental. Ils étaient plus dans une logique de construction. Les choses ont un peu changé aujourd’hui, il me semble.

Quels sites aimeriez-vous représenter à l’avenir ?

Il y en a plein ! J’aimerais faire une risographie du tribunal de Bobigny. Je sais que pas mal de gens qui y travaillent ont acheté mon travail pour égayer les bureaux. Et puis le tribunal de Bobigny, c’est Gisèle Halimi ! J’aimerais aussi me pencher davantage sur Saint-Denis, sur les espaces d’Abraxas à Noisy-le-Grand… Il y a une quarantaine de communes en Seine-Saint-Denis et j’aimerais bien toutes les explorer. Et, pourquoi pas, m’aventurer dans d’autres territoires comme Ivry-sur-Seine par exemple. Bref, c’est sans fin !

Infos pratiques : les réalisations de Juliette Nicot sont à retrouver sur greetingsfrom.fr (cartes postales : 2 euros / risographies à partir de 6 euros)

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