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A Paris, la mode éco-responsable veut tirer son épingle du jeu

La boutique Front de Mode à Paris dans le 3e commercialise les marques de mode écologiques et éthiques / © Front de Mode
La boutique Front de Mode à Paris dans le 3e commercialise des marques de mode écolo et éthiques / © Front de Mode

Alors que l’industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde, de nombreux créateurs à Paris défendent une mode plus éthique et plus soucieuse de l'environnement. Ils seront à l'honneur les 17 et 18 juin du festival en ligne organisé par l'association les Canaux "L'été de l'économie engagée" dont Enlarge your Paris est partenaire.

Faire face à l’enjeu climatique passera aussi par nos garde-robes. Tel est le message que de nombreux acteurs de la mode éco-responsable grand-parisiens essaient de faire passer au grand public et aux pontes du secteur depuis plusieurs années. Car il y a urgence. L’industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde. A elle seule, elle génère 10% des émissions de CO2 et 20% des eaux usées de la planète. D’où l’essor d’initiatives plus responsables pour endiguer cette pollution.

« La slow fashion, c’est tout l’inverse de la fast fashion, c’est-à-dire toutes ces collections qui sortent tous les 15 jours, analyse Anaïs Brondino, chargée de mission Commerce éthique au sein des Canaux, association impulsée par La Ville de Paris qui soutient les acteurs de l’économie solidaire et organise à partir du 17 juin le festival en ligne « L’été de l’économie engagée ». Il s’agit de repenser le rapport au vêtement, de ne pas en faire quelque chose de jetable mais quelque chose qu’on répare, qu’on customise. » Moins acheter mais mieux acheter, voici le credo de la mode éco-responsable, sachant qu’aujourd’hui nous ne portons en moyenne que 30% de notre garde-robe et jetons une quinzaine de kilos de vêtements chaque année.

Des consommateurs de plus en plus avertis

« On pense beaucoup à l’impact environnemental, mais il y a aussi l’aspect social, complète Manon Royer, responsable de la communication des Canaux. Beaucoup des acteurs de la slow fashion ont décidé de faire quelque chose après le choc de l’accident au Bangladesh en 2013. » L’effondrement du Rana Plaza, immeuble dans lequel ont péri plus de 1 000 travailleurs du textile, à Dacca, a en effet mis au jour les conditions de travail des sous-traitants des grandes enseignes de la mode. « Chaque année, de nombreux représentants issus de la mode éthique prennent la parole lors des commémorations autour de cet événement, précise Manon Royer. Et on remarque qu’il y a de plus en plus de monde qui se sent concerné. »

Car les habitudes de consommation changent, tous les acteurs de la mode éco-responsable le disent. « Les consommateurs sont de plus en plus avertis et ont envie de consommer différemment, affirme Manon Royer. On se rend compte petit à petit que la mode éco-responsable n’est pas juste un truc de bobos. Les jeunes en particulier sont beaucoup plus conscients de l’impact environnemental du prêt-à-porter et sont demandeurs de transparence ».

Le volet prix est aussi un aspect important et l’un des piliers de la stratégie initiée par Camille Brun-Jeckel, la fondatrice de Second Sew, une marque pour enfants basée aux Grands Voisins à Paris (14e). « La mode doit être accessible. Les parents ne peuvent pas forcément dépenser 75€ dans un pantalon, je le comprends totalement. C’est pourquoi je m’attache à proposer les tarifs les plus bas possibles, entre 20 et 58€ pour les collections Second Sew entièrement réalisées en s’appuyant sur les principes de l’upcyling ».

Derrière ce concept, baptisé surcyclage en français, l’objectif est de récupérer des matériaux pour leur offrir une seconde vie sans rapport avec la première. Ce que font les Récupérables, une marque parisienne qui conçoit des robes et des kimonos à partir de linges de maison vintage. Outre l’upcycling, le recycling est l’autre procédé fréquemment utilisé par la mode responsable à l’instar de Marcia de Carvalho, fondatrice des Chaussettes orphelines, dont l’un des ateliers est installé dans le quartier de la Goutte d’Or (18e). Avec nos vieilles chaussettes trouées ou orphelines, elle fabrique de nouvelles paires de chaussettes neuves, mais aussi des bonnets, des sacs et des housses.

Marcia de Carvalho, fondatrice de la marque Chaussettes orphelines / © Chaussettes orphelines
Marcia de Carvalho, fondatrice de la marque Chaussettes orphelines / © Chaussettes orphelines

Des nouvelles marques toujours plus nombreuses

Dans le Grand Paris, les créateurs responsables sont de plus en plus nombreux à l’image de 17h10 (spécialiste des tailleurs féminins), Atelier Une (prêt-à-porter féminin), Ecclo (prêt-à-porter féminin et masculin), Panafrica (baskets et accessoires pour toute la famille) ou encore Front de mode, magasin de vêtements et d’accessoires dans le 3e lancé en 2015 par la créatrice Sakina M’sa. Chaque année, l’association des Canaux à Paris sélectionne une vingtaine de nouvelles marques pour les accompagner dans leur développement et leur donner de la visibilité. « Paris est totalement légitime pour porter le message de la mode responsable, assure Manon Royer. Des grandes marques ainsi que des ambassadrices comme Caroline de Maigret, qui a été mannequin pour Chanel, rejoignent le mouvement. Certains créateurs disent même en avoir ras-le-bol de sortir 12 collections par an. »

L’écosystème de la mode éco-responsable permet aussi à des personnes en difficultés de se réinsérer. De nombreuses marques choisissent ainsi de travailler avec des établissements et services d’aide par le travail (Esat), organismes qui facilitent l’accès à l’emploi des personnes handicapées. C’est le cas de Second Sew. « Ma volonté est d’être la plus vertueuse possible, c’est pourquoi la dimension sociale est très importante, confie Camille Brun-Jeckel, la fondatrice. Je ne travaille qu’avec des ateliers qui facilitent la réinsertion professionnelle. On permet à des gens d’apprendre un métier en leur proposant un contrat de deux ans ».

Allier écologie et social

L’aspect social est l’un des critères primordiaux pour accéder au label SloWeAre, né dans les Yvelines et qui fait aujourd’hui autorité dans le secteur de la mode éco-responsable. « Des achats responsables garantissent aux travailleurs une rémunération et des conditions de travail décentes et assurent la pérennité de savoir-faire et des traditions. Nous sommes convaincus que les achats d’aujourd’hui influent le développement de demain », insiste le manifeste publié sur le site du label. Quelque 70 marques ont été labellisées à ce jour, comme Chaussettes orphelines et Ecclo en Île-de-France.

Mais la route est encore longue pour parvenir à tisser une mode toujours plus durable. Ainsi, les initiatives se multiplient pour prêcher la bonne parole auprès du grand public et des entreprises du secteur. Co-fondatrice de SloWeAre, Éloïse Moigno anime par exemple des Ecofashion tours depuis plusieurs années. « Il s’agit de visites guidées de boutiques et d’ateliers éco-responsables qui permettent de rencontrer les créateurs et de voir les collections en cours de création. C’est une façon ludique d’appréhender la mode éthique. » Et de faire en sorte que la mode ne soit pas qu’un éternel recommencement.

Infos pratiques : Festival en ligne « L’été de l’économie engagée » du 17 juin au 9 juillet organisé par les Canaux. Les 17 et 18 juin, cycle « Éthique et solidaire : à quoi ressemblera la mode de demain ? ». Plus d’infos sur Facebook

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