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Massy, future place forte culturelle du Grand Paris ?

Répétition à l'opéra de Massy, l'un des trois opéras d'Île-de-France avec l'opéra Bastille et l'opéra Garnier à Paris / © Opéra Massy
Répétition à l’opéra de Massy, l’un des trois opéras d’Île-de-France avec l’opéra Bastille et l’opéra Garnier à Paris / © Opéra Massy

Bien qu'elle abrite déjà un opéra ainsi que l'une des salles de concert les plus en vue du Grand Paris, Massy n'est pas encore perçue comme une place forte culturelle au-delà de ses frontières. Ce que l'arrivée conjuguée des réserves du Centre Pompidou et du métro du Grand Paris Express devrait changer.

Ce reportage a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la Société du Grand Paris

C’est un carrefour tout simple, à la lisière d’Antony (Hauts-de-Seine) et de Massy (Essonne). De part et d’autres des routes qui se croisent, des résidences contemplent placidement le trafic peu dense en ce matin de semaine. Pourtant, il y a bien quelque chose qui titille le regard. Un écriteau en forme de flèche sur lequel sont inscrits ces mots : Opéra de Massy. Car oui, la ville de grande couronne abrite l’un des opéras du Grand Paris (avec l’opéra Garnier, l’opéra Bastille, l’opéra Royal de Versailles ou encore l’Opéra-Comique), et cela depuis presque trente ans. Le pari initial était sacrément osé. Voulu par le maire de l’époque Claude Germon, il est édifié au beau milieu du quartier des Franciades, « alors le plus problématique de Massy, rappelle Philippe Bellot, actuel directeur de l’opéra. C’était le lieu des guerres de bandes entre Antony et Massy ». Maire adjoint à la culture depuis 2008, Pierre Ollier confirme : « c’était un pari un peu étrange que de créer un opéra aux portes d’un Quartier prioritaire de Politique de la ville (QPV). »

Cela n’empêche pas la grande mezzo-soprano espagnole Teresa Berganza de venir inaugurer les lieux le 9 octobre 1993 par un récital. Si, reconnaît Philippe Bellot, « le remplissage a été difficile les trois premières années », l’opéra s’est depuis largement installé dans le paysage. « Les habitants de Massy représentent 30 à 40% du public quand, dans une grande ville de France, 12 à 18% de la population locale fréquente le théâtre », rappelle le directeur.

Miser sur les jeunes artistes

De sa faiblesse budgétaire – 4 millions d’euros annuels, bien en deçà des grandes maisons d’art lyrique – l’opéra de Massy a su faire une force. Il fait ainsi la part belle aux jeunes chanteurs français en leur servant de rampe de lancement. Le célèbre contre-ténor Philippe Jaroussky y a fait sa première prise de rôle. La saison prochaine, la prometteuse mezzo Adèle Charvet se produira devant la salle de 900 places. Soucieux de demeurer accessible, le lieu n’hésite pas à programmer des mises en scène classiques. « Enfin, on n’en est quand même pas restés à Carmen avec ses castagnettes! », rassure Philippe Bellot. 

A quelques rues de là, il est aussi question de musique. Même si elle n’est pas tout à fait la même. Niché au beau milieu d’une résidence dans un bel écrin de bois, Paul B met à l’honneur les musiques d’aujourd’hui. Ce jour-là, dans une des deux salles où se sont succédé avant eux Juliette Armanet, Eddy de Pretto ou Clara Luciani, un groupe répète. « Notre mission, c’est de travailler au développement des artistes émergents, explique le directeur Christian Maugein. De les aider, de les accompagner pour qu’ils rencontrent leur public. » Une audience là aussi largement locale : « 35 à 40% sont des habitants de la ville, avec aussi une présence forte de la population d’Antony et de Palaiseau ». Comme à l’opéra de Massy, l’action culturelle a permis de fidéliser un public « pour qui la musique n’était pas quelque chose d’évident »

Une ambition métropolitaine

Et des synergies se nouent entre les différents acteurs locaux. Paul B a délocalisé en mai un de ses concerts à Arborescence, la librairie ouverte en centre-ville par Elise Guillaume en 2018. Laquelle organise des ateliers avec le cinéma d’art et essai Cinémassy et a installé dans sa cour un potager participatif pris en main par les bénévoles de l’association Permapolis. A l’opéra, à l’occasion d’un prochain spectacle, elle tiendra un stand de livres. L’opéra justement : les générales y sont réservées aux collégiens et aux lycéens des alentours. Un partenariat a également été noué avec Zoov, société de partage de vélo électrique, pour permettre aux étudiants du plateau de Saclay (qui abrite entre autres Polytechnique, HEC, AgroParisTech) de rentrer après les représentations. Enfin mi-juin, dans le cadre de la 10e édition de Bus Opéra, une version de poche de Carmen a été donnée dans les rues de Massy, Longjumeau et Les Ulis. Une politique d’ouverture qui porte ses fruits. Mais qui souhaiterait aller un peu plus loin. « Il faut donner à ces équipements leur véritable échelle ! », s’exclame Pierre Ollier. Avant d’expliciter : « Aujourd’hui, nos infrastructures rayonnent au niveau de la ville et du département. Demain, il faut que ce soit au niveau de la région. »

Sieste électronique chez Paul B à Massy / © Paul B
Sieste électronique chez Paul B à Massy / © Paul B

L’arrivée des réserves du Centre Pompidou

Deux éléments pourraient aider à faire de Massy un pôle culturel d’envergure grand-parisienne. Fin 2025, le Centre Pompidou va installer ses réserves dans le quartier de l’opéra. Mais l’endroit dépassera le simple espace de stockage. « L’idée est que ce qui est dans les réserves sorte des réserves », résume Pierre Ollier. Un espace sera donc ouvert au public pour présenter certains fonds de la collection. Dans son appel à manifestation d’intérêt, le Centre Pompidou précise que « travaillant sur de nombreux formats d’association du public, (le pôle) développera des propositions innovantes de médiation ». Pierre Ollier y voit aussi une bonne façon « de sensibiliser les jeunes aux métiers des musées ». Toujours penser aux habitants. Sans oublier de faire venir une population plus éloignée, que rebute les temps de transport.

C’est là que l’implantation de la gare du métro du Grand Paris Express, prévue en 2027, peut s’avérer un second joker dans la manche de la ville. Les réserves seront en effet situées « à deux pas de la future station Massy Opéra », rappelle Pierre Ollier. De Versailles à Massy Opéra, le voyage s’effectuera en 24 minutes contre 56 actuellement. De Châtelet, le temps de trajet dépassera à peine la demi-heure contre 45 minutes aujourd’hui. De quoi motiver les troupes, car, pour l’instant, comme le reconnaît Christian Maugein, « à Paul B, en termes d’abonnement, les Parisiens, c’est peanuts. » De son côté, Philippe Bellot se projette déjà : « Sur tous les plans de transports d’Île-de-France, on verra écrit Massy Opéra ! ». On hésite à lui proposer d’entonner Vittoria, mio core (Victoire, mon cœur, ndlr) du compositeur Giacomo Carissimi. Cela tomberait bien : Teresa Berganza l’a interprété… 

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