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Le théâtre de La Commune ressuscite un club mythique de Mexico

Le théâtre de La Commune à Aubervilliers / © Théâtre de La Commune
Le théâtre de La Commune à Aubervilliers / © Théâtre de La Commune

Dans les années 80, El Nueve est à Mexico ce que le Palace est à Paris. Fondé par un Français, Henri Donnadieu, ce club mythique a inspiré une pièce à voir du 15 au 26 mars au théâtre de La Commune à Aubervilliers. Henri Donnadieu confie ses souvenirs à Enlarge your Paris.

Rendre hommage à un club mythique des années 80 de Mexico : c’est la proposition de la metteuse en scène Monika Gintersdorfer avec le collectif La Fleur. Du 15 au 26 mars, la troupe prend possession du théâtre de la Commune à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) pour redonner vie via happenings, projections et concerts à El Nueve.

Dans les années 80, El Nueve est à Mexico ce que le Palace est à Paris. Le club, tourné vers la culture gay, a été fondé par Henri Donnadieu en janvier 1977. « J’étais arrivé depuis quatre ou cinq semaines quand nous avons ouvert le lieu, raconte Henri Donnadieu, aujourd’hui âgé de 79 ans. Auparavant, je passais fréquemment mes vacances au Mexique. Mais j’en avais une vision de touriste. J’ignorais complètement la répression qui s’exerçait contre les homosexuels. Dès qu’une boîte gay ouvrait, les autorités la fermaient… » El Nueve ne subit pas le même sort. « Sans doute pensait-on que je bénéficiais de connaissances haut placées en France. Ce qui n’était absolument pas le cas ! Mais ils nous ont laissés travailler. »

Au départ très élitiste – « on avait surtout une clientèle d’hommes mariés, « in the closet » » –, le club s’ouvre peu à peu à d’autres publics. « À une seule condition, précise le propriétaire : que chacun respecte les autres. » El Nueve devient ainsi un lieu d’effervescence festive et culturelle. Il faut dire qu’Henri Donnadieu est allé à bonne école. Proche d’Andy Warhol, il a fréquenté la Factory et le Studio 54. Il a aussi comme référence le Sept, club fondé en 1968 à Paris par Fabrice Emaer et auquel le nom El Nueve (Le Neuf) rend hommage. Dans les 200 m2 du club de Mexico, musique d’avant-garde, ciné-club, édition de revues, performances, événements en tous genres en font un endroit magique de la nuit. Le jeudi, Henri Donnadieu ouvre le lieu aux jeunes groupes de rock et plusieurs formations phare de la scène mexicaine débutent chez lui. David Hockney peint un bout de mur lors d’un passage dans la capitale mexicaine. À El Nueve, la contre-culture trouve un terreau fertile dans lequel s’épanouir. « Les années 80 constituent un tournant au Mexique : on y découvre une nouvelle liberté sexuelle, mais aussi de pensée, on jouit tranquillement de la nuit », résume Henri Donnadieu.

« Il y avait le besoin de se divertir ensemble, une très forte envie de vivre aussi ! »

L’épidémie de SIDA fait partie de l’histoire du lieu. « Très rapidement, nous avons pris conscience de la gravité de la situation, raconte Henri Donnadieu. Nous avons été les premiers à Mexico à mettre des préservatifs à la disposition des clients à l’entrée. Ce qui nous a d’ailleurs valu une ou deux semaines de fermeture administrative car on nous a accusés d’organiser de la prostitution… » Des soirées sont montées pour lever des fonds à destination d’une clinique destinée aux malades. Et Henri Donnadieu lance la Kitch Company, une petite troupe qui donne un show d’une quinzaine de minutes chaque mercredi soir. « J’ai créé la Kitch Company pour un ami qui était un maquilleur de grand talent. Le jour du grand tremblement de terre de Mexico, en 1985, il découvre sa séropositivité. Il était complètement désespéré. Aussi, j’ai imaginé la Kitch Company pour l’occuper, lui donner quelque chose à faire. »

Paradoxalement, ces années où la maladie emporte des dizaines de proches sur son passage sont aussi celles où, note Henri Donnadieu, « on fait la fête plus que jamais. Il y avait le besoin de se divertir ensemble, une très forte envie de vivre aussi ! » El Nueve ferme ses portes en 1989. Aussi Henri Donnadieu voit-il la proposition de Monika Gintersdorfer de ressusciter le club comme « une surprise merveilleuse et un honneur ». Lui-même fera le déplacement depuis le Mexique pour assister à cette renaissance. « Aujourd’hui, j’ai un peu l’impression que chacun est retourné dans son propre ghetto. Alors que, plus que jamais, nous devrions être tous ensemble », regrette-t-il. Les 12 jours à La Commune d’Aubervilliers devrait permettre de faire mentir ce constat…

Infos pratiques : « El Nueve » au théâtre de la Commune, 2, rue Édouard-Poisson, Aubervilliers (93). Du 15 au 26 mars. Tarifs : de 7 € à 24 €. Accès : métro Aubervilliers – Pantin Quatre Chemins (ligne 7). Plus d’infos sur lacommune-aubervilliers.fr

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