Culture
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L’ancienne usine à rêves Eclair bientôt transformée en friche culturelle à Épinay

Le site des laboratoires Eclair à Epinay en Seine-Saint-Denis va être transformé en lieu culturel par Soukmachines / © Willy Vainqueur

Laissés en friche depuis 2015, les anciens laboratoires du groupe Éclair à Épinay-sur-Seine en Seine-Saint-Denis ont été confiés par la ville au collectif Soukmachines afin qu'ils puissent donner naissance à un nouveau lieu culturel et festif. Avant l'ouverture l'été prochain, Enlarge your Paris s'est entretenu avec Yoann-Till Dimet, le directeur et fondateur de Soukmachines.

Quelle est l’histoire des laboratoires Eclair à Epinay ?

Yoann-Till Dimet : Avant leur fermeture en 2013, on y développait notamment les pellicules des films et on y trouvait de nombreux métiers du cinéma comme le doublage. C’est un site gigantesque, un ancien village industriel de 4 hectares avec 8 000 m2 de bâtiments que la ville d’Epinay (Seine-Saint-Denis) a racheté pour le transformer en lieu culturel. Pour ce faire, ils se sont fait accompagner entre autres par le Centquatre à Paris (19e) afin de monter un appel à projets que nous avons remporté. Nous avons signé la convention d’occupation il y a deux mois et depuis nous planchons sur l’organisation de ce lieu et la préparation des prochaines ouvertures.

Qu’allez-vous faire de ces gigantesques espaces ?

Nous allons y développer ce qu’on fait depuis 18 ans à travers de nombreux projets de réhabilitation, que ce soit à la Halle Papin à Pantin, à l’Orfèvrerie à Saint-Denis ou au Préàvie au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis). Nous sommes des programmateurs culturels avant tout, avec un ADN festif. Nous avons donc prévu d’implanter là-bas un lieu multiculturel autour du théâtre, de la musique et des arts plastiques. Pour l’instant, rien n’est figé. Nous sommes néanmoins à une étape cruciale : nous avons les clés et pouvons enfin projeter concrètement nos idées. Nous savons par exemple que nous allons développer une partie guinguette avec l’esprit qui va avec, comme on a pu le faire dans d’autres lieux. Ce parc immense reste idéal pour ce genre d’activité. Un restaurant devrait également voir le jour. Les bâtiments seront réservés essentiellement à des artistes en résidence. Ces derniers devront être bien entendu des spécialistes des arts vivants et visuels mais aussi des artisans qui seront force de conseils, et qui pourront participer concrètement à la construction de certaines structures pour les événements à venir.

Vous n’utilisez jamais le mot « tiers-lieu »…

C’est un mot valise qui ne veut pas dire grand-chose, comme le développement durable ou l’écoresponsabilité ! Ce n’est pas que chez Soukmachines nous n’y accordons pas d’importance, mais nous n’aimons pas trop le marketing sémantique, les mots à la mode. Nous souhaitons simplement organiser des événements qui ont du sens et une belle programmation artistique. Nous sommes attirés par la qualité esthétique plus que par les réunions de communication pour décider du nom de notre activité.

Vous utilisez néanmoins le terme d’« urbanisme transitoire »…

C’est vrai que le transitoire est notre cœur de métier. Mais cette fois nous avons signé pour une occupation des lieux pendant six ans. Cela ne relève plus trop du transitoire ! Nous, qui venons du monde des « bouts de ficelle » et de la débrouille, sommes heureux de voir que notre travail est reconnu. Pour revenir à la sémantique, j’avoue que nous employons régulièrement les termes de « lieu hybride », ou même de « lieu tiers » : le verlan de tiers-lieu ! (Rires)

Quelles sont les principales différences avec les autres lieux que vous gérez ?

Le temps ! La conception du projet s’en ressent forcément. On nous confie un site gigantesque avec des extérieurs bien plus grands que ce que nous avons connu auparavant. Et cela multiplie les possibilités. Enfin, conséquence logique de ce bel espace : Épinay n’est pas une ville limitrophe de Paris, c’est une première pour nous. Nous connaissons bien le 93 mais pas vraiment ce territoire. Le site reste bien desservi par le tramway, le bus et le RER ; on sent que la ville est à l’écoute et souhaite mettre en valeur notre projet au niveau local, donc nous sommes confiants. Nous allons toucher aussi des artistes qui seront certainement heureux de travailler dans des espaces tels que celui d’Eclair.

Quand pensez-vous pouvoir ouvrir ?

Nous espérons pouvoir ouvrir le site au public à l’été 2023. Mais cela se fera par étapes, par petites touches dans un premier temps.

En 2018, vous disiez avoir peur de « perdre votre âme » face à la multiplication des projets. Qu’en est-il à présent ?

Depuis, je vois que l’on peut aisément travailler sur divers projets mais qu’il ne faut pas non plus trop s’éparpiller, au risque de voir l’énergie se dissoudre. Tout est question de dosage. Notre ADN, c’est quand même le « souk », le mélange des genres, des énergies. Tant que l’on garde l’envie de développer des évènements, de trouver de nouvelles idées qui génèrent les rencontres et la convivialité, cela fonctionnera, je l’espère.

Soukmachines a-t-il fait évoluer la manière d’occuper des lieux désaffectés pour y proposer une offre culturelle ?

Difficile à dire… Une chose est certaine : nous avons notre marque de fabrique, notre propre esthétique, même à travers des évènements très différents. Je vois simplement que des gens nous suivent depuis 18 ans. J’espère que nous parvenons à inspirer d’autres porteurs de projets ! En tout cas, nous croyons toujours en ce que nous faisons et cela me semble central.

Qu’allez-vous faire dans six ans à la l’issue du bail ?

Nous espérons bien rester ! Le transitoire est excitant mais demeure une contrainte. Nous rêverions de développer une maison-mère. Pour cela, nous devons dès aujourd’hui trouver des financements pour ce projet d’ampleur.

Infos pratiques : plus d’infos sur le « Projet L’Eclair » sur soukmachines.com

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