Artdevivre
|

Une soirée à Bauer, l’antre à l’ancienne du Red Star à Saint-Ouen

La tribune principale du Stade Bauer, l'antre du Red Star à Saint-Ouen / © Mael_alz
La tribune principale du Stade Bauer, l’antre du Red Star à Saint-Ouen / © Mael_alz

Si le Paris FC fait la une de la presse cette semaine après son rachat par la famille du milliardaire Bernard Arnault, il est un autre club de Ligue 2 qui fait parler de lui depuis beaucoup plus longtemps. Créé en 1897 et implanté à Saint-Ouen depuis 1909, le Red Star est une institution outre-périphérique. Journaliste pour Enlarge your Paris, Joséphine Lebard a pris place dans les tribunes du mythique Stade Bauer.

Sale journée pour les Françaises que le 8 novembre… C’est en effet à partir de cette date – à 16 h 48 très précisément – que les femmes se mettent à travailler « gratuitement » en raison de l’écart salarial qui existe avec les hommes. Sur mon fil Instagram, une proposition surfe sur la mauvaise nouvelle. Pour s’élever contre cette inégalité, le Red Star, la mythique équipe de foot de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) se propose de faire gagner des places à 23 représentantes de la gent féminine pour le match qui l’oppose ce soir à Troyes. 23, c’est-à-dire le pourcentage qui sépare les revenus masculins des revenus féminins…

Bon, on peut aussi imaginer que c’est une habile opération marketing, afin de favoriser davantage de mixité dans les tribunes. Mais à l’instar du club de Sankt Pauli à Hambourg, le Red Star draine dans son sillage la réputation d’un club engagé aux valeurs sociales fortes. Créé en 1897, il s’implante en 1909 à Saint-Ouen, l’année même où est inauguré le stade qui ne prendra le nom de Bauer qu’après la Seconde Guerre mondiale, en hommage au docteur Jean-Claude Bauer, résistant communiste. Durant la saison 1942-1943, le club compte dans ses rangs Rino Della Negra, membre du groupe Manouchian qui sera fusillé en 1944 au mont Valérien. Et, en 2010, Patrice Haddad, l’actuel président du club revendiquait dans un article le fait que le Red Star est « naturellement à gauche ».

En attendant, je clique sur mon téléphone pour participer au tirage au sort. Bingo, quelques heures plus tard, un DM m’apprend que j’ai gagné deux des places mises en jeu. Je propose à mon ado de m’accompagner et là, bizarrement, il est prêt beaucoup plus rapidement que quand il s’agit d’aller au musée. Son maillot du Red Star sur le dos, il fonce vers le tram, direction la porte de Clignancourt. Forcément : quand on grandit dans le 93, le Red Star, on l’a dans le sang…

Le HLM surnommé la quatrième tribune

Si les abords du marché aux Puces sont évidemment silencieux en ce vendredi soir, au fur et à mesure qu’on approche du stade, la rumeur de la foule monte. Nous nous dirigeons vers les tribunes. Le stade est en cours de rénovation, ce qui n’est pas rien quand on sait qu’en 2016 sa destruction était encore envisagée. La page est tournée. Nous voici donc dans cette tribune Est fraîchement rénovée, inaugurée en janvier dernier, avec vue plongeante sur la pelouse. Merci le format « stade à l’anglaise ». D’autres sont également bien lotis : les habitants de Planète Z. Cet ensemble HLM surplombe littéralement le stade au point que l’immeuble a été surnommé la quatrième tribune. Dans l’encadrement des fenêtres, on aperçoit des silhouettes avec, autour du cou, la fameuse écharpe du Red Star.

En attendant que le match commence, je regarde autour de moi. Le public est plutôt familial. Je croise même un jeune couple avec un nouveau-né dans son porte-bébé. Des grands-parents sont là avec leurs petits-enfants, des quadras, comme moi, remorquent des ados pour une fois pas mécontents de cette sortie avec papa et maman. « Ça se voit qu’il y a des bobos du 11e, persifle mon fiston, me désignant des trentenaires avec la panoplie barbe de trois jours/casquette cachant un début de calvitie. Pourquoi ils viennent en banlieue, sérieux ? » Oui, le gars n’est pas super partageur de son club de foot. Alors, à sa décharge, c’est vrai que la hype qui entoure désormais le Red Star – revenu en Ligue 2 depuis quelque mois après cinq années d’absence – peut avoir un côté un brin exaspérant, voire effet de mode pour les aficionados de longue date. Mais, en même temps, où trouver du vrai bon foot populaire en région parisienne quand le clinquantissime PSG semble prendre toute la place sur la photo ?

La pelouse du Red Star à Saint-Ouen / © Red Star
La pelouse du Red Star à Saint-Ouen / © Red Star
Un soir de liesse au stade Bauer / © Romain Canault
Un soir de liesse au stade Bauer / © Romain Canault

Et un, et deux et Troyes zéro

De fait, dans le Kop, les chants de supporters et les drapeaux agités dans la nuit assurent une ambiance de feu qui infuse dans l’ensemble du stade. Régulièrement, en début de partie, des balles de tennis atterrissent sur le terrain. « Le foot, c’est le week-end », protestent les supporters qui apprécient modérément que beIN Sport, le diffuseur, impose des rencontres en semaine. Après deux rappels à l’ordre et autant de jets de balles, l’arbitre décide, lors de la troisième offensive, de suspendre la rencontre. Elle ne reprendra que trente minutes plus tard, le temps d’aller récupérer un sandwich merguez à la buvette.

Malheureusement, le résultat du match ne sera pas à la hauteur de la ferveur des supporters. Tuons tout de suite le suspens : le Red Star en prendra trois… par Troyes. Et pourtant, on a vécu une chouette soirée. En dépit du score, on a vu sur le terrain de belles actions. À la mi-temps, les enfants qui habitent dans les résidences du bailleur social local viennent tirer quelques buts sous les encouragements du public. De fait, dans les tribunes, l’ambiance est bon enfant. Un peu distraite, j’avoue avoir manqué un but. Mon voisin, constatant ma déconvenue, me le montre sur son téléphone. Non sans m’avoir avertie : « Eh madame, ici, c’est pas comme à la télé. Y a pas les ralentis. Faut rester attentive ! » Je me le note pour la prochaine fois. Car, il faut bien l’admettre : qu’on soit fan ou non du ballon, il y a quelque chose d’addictif au royaume du Red Star…

Infos pratiques : Stade Bauer, 92, rue du Docteur-Bauer, Saint-Ouen (93). Accès : métro Garibaldi (ligne 13) ou mairie de Saint-Ouen (lignes 13 et 14). Prochain match le 6 décembre contre Bastia. Plus d’infos sur redstar.fr 

La buvette du stade Bauer / © Romain Canault
La buvette du stade Bauer / © Romain Canault
Le stade Bauer est actuellement en plein chantier de rénovation / © Joséphine Lebard pour Koikispass
Le stade Bauer est actuellement en plein chantier de rénovation / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Lire aussi : Voyage dans un autre monde aux Puces de Saint-Ouen

Lire aussi : À Saint-Ouen, on a mangé pour moins de 25 euros chez Thierry Marx

Lire aussi : Après les avoir vus à la télé, si vous testiez les sites olympiques ?