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Pour un renouveau des gares rurales en Île-de-France

La gare de Montgny-sur-Loing en Seine-et-Marne abrite désormais une conciergerie-café, Le Local de Montigny / © Le Local de Montigny
La gare de Montigny-sur-Loing en Seine-et-Marne abrite désormais un café/conciergerie, Le Local de Montigny / © Le Local de Montigny

Elles sont 150 au total sur tout le territoire francilien. Les gares rurales ont plusieurs rôles à jouer, à la fois comme porte vers la ville pour les habitants de ces territoires et comme porte ouverte sur la campagne pour ceux qui vivent dans le cœur de l'agglomération. Ce qu'a analysé Stéfan Bove, urbaniste au sein de l'Institut Paris Region.

Parmi les quelque 390 gares réparties sur l’ensemble de l’Île-de-France, 150 sont des gares rurales. Rien d’étonnant à cela lorsque l’on sait que la région, loin de l’image que l’on peut en avoir, se compose à 50 % de terres agricoles. Mais alors, pourquoi est-il urgent de s’intéresser à ces gares ? Si elles sont moins fréquentées que les gares du cœur d’agglomération, elles jouent, chacune dans des proportions variables, trois rôles importants : un rôle de « porte vers la ville » pour les habitants de ces territoires, mais également un rôle de « porte vers la campagne » pour les habitants du Grand Paris souhaitant se rendre, non pas quotidiennement mais plus occasionnellement, « à la campagne », pour se promener, se ressourcer, se dépayser, en favorisant par exemple des itinéraires de gare à gare ; enfin elles jouent un rôle de « pôle d’animation » de l’espace rural, y compris pour les Franciliens qui ne les utilisent pas pour leurs déplacements quotidiens.

S’intéresser aux gares rurales, plus encore que développer l’offre ferroviaire, c’est l’opportunité de répondre conjointement à de nombreux enjeux d’aménagement pour les territoires ruraux : garantir fluidité, sécurité, et accessibilité à la gare, améliorer la diffusion de la gare vers la ville ou vers des espaces naturels remarquables, ou encore expérimenter, préfigurer les futurs usages, recréer davantage de lien social et d’échanges entre les habitants, valoriser le patrimoine historique local.

« De nombreux exemples de balades accessibles par le réseau ferré RER ou Transilien existent, dont les gares rurales constituent déjà des points de départ ou d’arrivée »

Pour quiconque souhaite se lancer dans l’exploration de la ceinture verte francilienne, qui fête ses 40 ans cette année, de nombreux exemples de balades accessibles par le réseau ferré RER ou Transilien existent, dont les gares rurales constituent déjà des points de départ ou d’arrivée. À Montigny-sur-Loing (Seine-et-Marne), gare de la ligne R du Transilien située au sud de la forêt de Fontainebleau, on découvre une gare datant de 1860 qui, après avoir été fermée pendant trois ans, a été réinvestie par un entrepreneur pour y établir le Local de Montigny. Ce café/conciergerie solidaire et connecté sert à la fois de lieu d’échanges entre habitants de Montigny et voyageurs des communes voisines, d’épicerie locale, et de pôle de services implanté au cœur de la ville de Montigny-sur-Loing. On y partagera autant un apéro organisé autour de produits locaux du terroir qu’on y louera un vélo pour parcourir la vallée du Loing ou la forêt de Fontainebleau

À Sermaise (Essonne), gare du RER C située au cœur de la haute vallée de l’Orge, le panneau de sortie qu’on trouve sur le quai voyageur indique « grande randonnée » et désigne une porte à travers la clôture qui mène directement sur le GR 1 et le PR 60, dans un paysage qui ouvre sur une vaste prairie fleurie de coquelicots en été. À Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines), en bout de ligne du RER B, on peut trouver immédiatement à la sortie de la gare une location de vélos, électriques ou musculaires, afin d’explorer le territoire ou pédaler sur une partie de la Véloscénie, un itinéraire de promenade à vélo de Paris au Mont-Saint-Michel. De nombreux sentiers pédestres donnent également accès à des parcours autour de Chevreuse, du canal de l’Yvette, etc…

« Des frictions peuvent exister entre les différents rôles, entre porte ouverte sur la ville et porte ouverte sur la campagne »

Au-delà des grandes fonctions que peuvent exercer les gares rurales, des frictions peuvent exister entre les différents rôles, entre « porte ouverte sur la ville » et « porte ouverte sur la campagne », par exemple pour les randonneurs du dimanche qui, en sortant de la gare à leur arrivée, commencent par traverser en plein soleil un immense parc de stationnement vide, ou constatent que le bâtiment de la gare est muré et ne propose plus aucun service aux voyageurs ; ou encore que le café de la gare où ils auraient aimé prendre une collation en attendant le train du retour est fermé le week-end. Des frictions existent également entre les fonctions de « porte ouverte sur la ville » et de « pôle d’animation de l’espace rural », par exemple pour le gérant d’une supérette proche de la gare dont le parc de stationnement est régulièrement monopolisé, dès l’ouverture du matin, par les usagers de la gare toute proche, ou à l’inverse par le chauffeur de car qui est fréquemment gêné, dans son accès à la gare, par les camions de livraison des cafés-restaurants ou commerces du centre-ville ; autre type de frictions, cette fois entre « porte ouverte sur la campagne » et « pôle d’animation de l’espace rural », par exemple quand le développement d’une centralité aux abords de la gare se traduit par des extensions urbaines (zones commerciales, zones d’activités…) qui rendent plus long et moins agréable le cheminement entre la gare et les espaces ruraux les plus proches.

Plusieurs ingrédients peuvent être mis en œuvre pour limiter ces frictions potentielles entre chacun de ces rôles et, mieux encore, les transformer en synergies : réinvestir le bâtiment gare souvent muré ou le patrimoine ferroviaire situé à proximité par de l’urbanisme transitoire permettant de préfigurer des usages et d’associer les habitants dans un projet susceptible de dynamiser leur territoire, développer une approche d’urbanisme tactique sur l’espace public afin d’expérimenter et d’encourager les usages vélos et piétons, limiter les surfaces occupées par des parkings relais et en conditionner l’usage. Avec à la clé la possibilité de recréer davantage de lien social et d’échanges entre les habitants tout en valorisant le patrimoine historique local.

Stéfan Bove, urbaniste au sein de l’Institut Paris Region

Infos pratiques : L’étude « De nouvelles opportunités pour les gares rurales franciliennes » est téléchargeable gratuitement sur institutparisregion.fr

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