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De guide à Paris à paysanne herboriste en Seine-et-Marne, Pauline Isambert raconte

Pauline Isambert dans son exploitation les Herbes libres / © Vianney Delourme pour Enlarge your Paris
Pauline Isambert dans son exploitation les Herbes libres à Liverdy-en-Brie/ © Vianney Delourme pour Enlarge your Paris

Ancienne guide-conférencière à Paris, Pauline Isambert a décidé de tout plaquer pour devenir paysanne herboriste en Seine-et-Marne. Installée depuis janvier 2020 sur une exploitation bio louée par des agriculteurs en retraite, elle nous parle de sa nouvelle vie.

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D’où vous vient cet intérêt pour les plantes ?

Pauline Isambert : Pendant la Seconde Guerre mondiale, ma grand-mère, qui vivait dans un petit village près de Bastia, s’est soignée avec des plantes médicinales et complétait parfois ses repas avec des plantes sauvages parce que tout était rationné. J’ai fait mes premières cueillettes avec elle quand j’avais six ans, pendant les grandes vacances. Elle m’emmenait dans la montagne autour de notre village familial faire des herbiers sauvages. La bourrache m’a particulièrement marquée. Ma grand-mère la cueillait pour moi à cause des petits piquants. Elle m’a aussi appris à utiliser les plantes au quotidien, à faire des tisanes, à utiliser l’argile pour se soigner. 

C’est cette histoire familiale qui vous a décidé à en faire votre métier ? 

Il y a quelques années, je faisais un stage dans une ferme aromatique, près de Nantes, et je suis tombée sur des plantations de bourrache… Est-ce que cela a été le déclic ? J’étais alors en pleine reconversion professionnelle. Mon métier de guide-conférencière parisienne ne me convenait plus et je multipliais les expériences agricoles. J’ai appris à faire du pain, je travaillé dans une ferme maraîchère, une pépinière, une exploitation de poulets…  Mon histoire familiale a sûrement joué dans le choix de devenir paysanne herboriste, mais ce qui est certain c’est que j’adore travailler avec des fleurs qui sentent bon et qui font du bien. En 2018, j’ai rencontré des jeunes qui voulaient s’installer comme agriculteurs en Île-de-France et nous avons pu louer des terrains à un couple d’agriculteurs qui prenaient leur retraite. A côté de moi travaillent deux maraîchers, un boulanger paysan, un céréalier bio et une éleveuse de brebis. Cette dimension collective me plaît beaucoup.

Est-ce difficile de trouver des terres agricoles en Île-de-France ? 

En Île-de-France, il faut au moins 10.000 euros pour acheter un hectare, et la moyenne des exploitations tourne autours de 200 hectares ! Pour mes 5.000 m2 de terres bio, je paye un loyer annuel de 70€, ce qui m’a permis de me lancer alors que je n’ai pas de capital. L’an dernier, j’ai ouvert une cagnotte en ligne qui m’a permis d’acheter une serre à plants pour pouvoir travailler debout et éviter de me casser le dos. Exploitant agricole, c’est physique. Tous mes collègues agriculteurs font du yoga pour se muscler, se délier le corps. 

Que produisez-vous ? 

Avec mes récoltes, je fabrique des tisanes, des sirops artisanaux et des pestos sauvages que je vends sur les marchés ou via des AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Je vends aussi des sels aux herbes, des fleurs et des herbes fraîches à des fromagers de Seine-et-Marne et de Seine-Saint-Denis. Cette année, j’ai déjà produit 10 kg d’aromates et de plantes séchées, ce qui est très bien pour une première année. Depuis le printemps j’ai récolté de l’aneth, du fenouil, du bleuet, de la mauve, de bourrache, des menthes marocaines, de la sauge, du souci, du romarin, de la mélisse, de la ciboulette, des reines-des-prés, de la consoude, du cassis, des framboises, de la sarriette et de la lavande. Selon la saison, je complète avec des cueillettes en forêt ou en plaine (achillée millefeuille, orties, cynorrhodon, aubépines…)

 Comment devient-on paysanne herboriste ?

J’ai appris les bienfaits des huiles essentielles à l’Ecole des Plantes de Paris et je parfais ma connaissance des plantes sauvages comestibles et médicinales avec le Chemin de la nature, créé par le naturopathe Christophe de Hody. L’année prochaine, j’aimerais bien m’inscrire à une formation sur le cycle féminin, de la puberté à la ménopause. Il faut savoir que depuis 1941, il n’y a plus en France de diplôme d’Etat ni d’enseignement public de l’herboristerie. Jusqu’à cette date, les écoles de médecine formaient aux soins avec les plantes. Aujourd’hui, on peut encore apprendre à reconnaître et à utiliser les plantes dans quelques écoles privées, très chères. Mais on n’a plus le droit de les utiliser à des fins médicinales. Du coup, le savoir se perd peu à peu. Il faudrait rouvrir des formations universitaires accessibles à tous.

Infos pratiques : Pour commander les produits des Herbes libres, rendez-vous sur lesherbeslibres.fr

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