Culture
|

Un street artiste poétise la vue de votre fenêtre pendant le confinement

Photo prise par un Parisien confiné et customisé par le street artiste Jordane Saget / ©  Jordane Saget
Photo prise par un Parisien confiné et customisée par le street artiste Jordane Saget dans le cadre de son projet « 56 jours » / © Jordane Saget

Réputé pour ses courbes à la craie qui recouvrent le sol et les murs du Grand Paris, le street artiste Jordane Saget a customisé depuis le début du confinement quelque 300 photos qui lui ont été envoyées par ses fans sur Facebook et Instagram. Il nous explique sa démarche.

Comment fait un street artiste pour continuer de créer en période de confinement ?

Jordane Saget : Dès le début du confinement, il était clair que je ne pourrais plus sortir pour continuer la réalisation de mes oeuvres dans l’espace public. De plus, il ne me restait plus que deux feuilles de papier et deux stylos pour dessiner. J’ai donc décidé d’utiliser ma tablette numérique afin de transposer mes habituels entrelacs de lignes sur des photographies. Pour ce faire, j’ai demandé aux personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux de m’envoyer des photos de la vue depuis leur fenêtre sur lesquelles je m’amuse à reproduire virtuellement mes lignes. C’est ainsi que le projet « 56 jours » a vu le jour. A ma grande surprise, les premiers avis ont été très positifs. Ces photos apportent un brin de poésie dans la routine du confinement. A l’heure actuelle, j’ai retravaillé pas moins de 300 photographies et il m’en reste encore beaucoup. Pour que ce projet reste solidaire, j’ai décidé de compiler toutes les photographies dans un recueil au profit des Restos du Coeur. Il sera disponible d’ici un mois ou deux sur mon site Internet. Ce confinement m’a en tout cas donné à voir plusieurs points de vue que je ne soupçonnais pas d’exister dans le Grand Paris. Si l’espace public parisien est déjà bien saturé, la banlieue compte heureusement bon nombre de territoires vierges qui ne demande qu’à être exploré.

Pourquoi avoir choisi la craie ?

J’ai commencé à dessiner en 2012 et je me suis attaqué à la rue en 2014. L’usage de la craie en extérieur s’est imposée d’elle-même car je ne voulais ni choquer ni déranger. Au sol, une fresque à la craie ne dure que deux jours maximum mais sur un mur, elle peut avoir une existence beaucoup plus longue, jusqu’à cinq ans parfois. Certes, l’oeuvre va se ternir mais elle ne va pas s’effacer complètement. C’est assez surprenant de constater que des oeuvres réalisées à la craie peuvent tenir parfois plus longtemps qu’un graffiti. La craie est aussi un excellent moyen de rentrer en connexion avec les passants. Ces derniers me disent souvent que mes fresques sont magiques et qu’elles leur évoquent leur enfance.

©  Jordane Saget
© Jordane Saget

Comment est née l’envie de dessiner des courbes ?

Quand j’étais petit, je cherchais comment créer du beau. J’ai essayé inlassablement de mélanger des carrés et des triangles sur papier mais cela restait imparfait. Le temps s’est écoulé et j’ai commencé à pratiquer le tai-chi-chuan et à m’intéresser de plus près à la pensée chinoise. J’ai donc décidé de m’inspirer dans mes dessins des mouvements du tai-chi-chuan et de les restituer sous forme de S. Au fil de mes croquis, j’ai bien réfléchi au sens de ces lignes courbées et j’ai trouvé diverses interprétations : le flux, l’énergie, la connexion. Les lignes sont étonnamment présentes dans tous les domaines. C’est pourquoi je souhaiterais leur consacrer un livre en y associant différents regards comme celui d’un mathématicien, d’une chorégraphe, d’un astrophysicien ou encore d’un chercheur en biologie de l’évolution avec qui j’ai d’ores et déjà construit un arbre de l’évolution à partir de mes courbes.

Vous habitez Suresnes. Quel est votre rapport au Grand Paris ?

Le périphérique est une frontière rude qu’il faudrait rendre un peu plus poreuse. Je réfléchis d’ailleurs à la manière d’utiliser mes courbes comme des outils capables de casser les frontières et de relier les territoires. Le Grand Paris regorge des richesses pour l’artiste que je suis.

Infos pratiques : Le projet « 56 jours » de Jordane Saget se poursuit jusqu’au 11 mai sur Facebook et Instagram. Pour lui envoyer vos photos, vous pouvez les poster sur Facebook et Instagram en taguant Jordane Saget  ou bien lui adresser par mail à jordane.saget@gmail.com. Plus d’infos sur Jordane Saget sur jordanesaget.com

© Jordane Saget
© Jordane Saget

Lire aussi : Des visites 2.0 pour se familiariser avec le street art à Paris