Culture
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Quand Rosselini filmait Beaubourg : l’ovni oublié du cinéma

Il y a 40 ans, le Centre Pompidou ouvrait ses portes et Roberto Rosselini immortalisait l’atterrissage de ce vaisseau de l'art moderne en plein Paris. Pour l'anniversaire du musée, ce film inédit est projeté à la Ferme du Buisson jusqu'en juillet.

Roberto Rossellini, tournage du film "Le Centre Georges Pompidou", 1977 / Crédit : Fondation Genesium, Jacques Grandclaude

31 janvier 1977 : Beaubourg, le navire amiral de l’art moderne tant rêvé par Georges Pompidou ouvre ses portes en plein coeur de Paris. La presse se déchaîne, les Parisiens s’insurgent tandis que l’ancien Président, lui, n’est plus là pour défendre son projet fou. L’histoire de cette polémique est connue. Ce qui l’est moins en revanche, c’est qu’elle a offert au réalisateur italien Roberto Rosselini, quelques mois avant sa mort, l’opportunité de tourner son dernier chef-d’oeuvre. Durant 15 jours, il va poster sa caméra et planquer une armée de micros pour capter l’événement. Le film, resté quasi-inconnu, est présenté à la Ferme du Buisson à Noisiel (77) jusqu’au 16 juillet à l’occasion des 40 ans du musée.  

Ce qui au début ne devait être qu’un court-métrage fut commandé par le ministère des Affaires étrangères. Si Alain Resnais était pressenti, c’est finalement le maestro italien qui est choisi pour cette drôle d’expérience cinématographique. Rosselini accepte moyennant deux conditions : il veut choisir lui-même son producteur et la durée du film. “Nous avons parlé pendant deux heures de tout sauf de cinéma et notre collaboration fut scellée. C’était un homme simple et curieux de tout”, se souvient Jacques Grandclaude, producteur du film. 

Roberto Rossellini, tournage du film "Le Centre Georges Pompidou", 1977 / Crédit : Fondation Genesium, Jacques Grandclaude

« Rosselini voulait filmer comme Michel-Ange peignait »

Face aux exigences de l’Italien, le budget de la production double et le ministère n’assume plus sa commande. La société de Jacques Grandclaude décide alors de financer seule le film, au risque de se ruiner. Rosselini est audacieux et déterminé : il filme sans scénario et sans moniteur pour observer le rendu de ses prises. Autre anecdote révélatrice de son caractère bien trempé : avant le premier jour du tournage, le réalisateur ne connaît rien du projet du Centre Pompidou. Sa fascination pour le musée d’art moderne se développe au fur et à mesure du tournage.

Afin d’immortaliser cet ovni cinématographique, Grandclaude décide de filmer pas à pas le travail du réalisateur. Plus qu’un simple making-off, Rosselini au travail, également présenté dans le cadre de l’exposition, témoigne avec précision des méthodes de création d’un des plus grands cinéastes de l’histoire. “Rosselini voulait filmer comme Michel-Ange peignait. Il avait créée une télécommande pour manier la caméra à distance et l’utilisait avec précision, tel un pinceau”, témoigne le producteur. Ce n’est pas tous les jours que vous pourrez voir un tel génie au travail.

 

« SoixanteDixSept, quand Rosselini filmait Beaubourg » à la Ferme du Buisson, allée de la ferme, Noisiel (77). Juqu’au 16 juillet. Entrée libre du mercredi au dimanche. Plus d’infos sur www.lafermedubuisson.com