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Oussekine, la mini-série qui revient sur une affaire d’État de près de 40 ans

Sayyid El Alami interprète le rôle de Malik Oussekine dans la mini-série Oussekine diffusée à partir du 11 mai sur Disney + / © Disney +
Sayyid El Alami interprète le rôle de Malik Oussekine dans la mini-série Oussekine diffusée à partir du 11 mai sur Disney+ / © Disney+

Depuis ce 11 mai, Disney+ diffuse « Oussekine », mini-série en quatre épisodes qui revient sur l'assassinat par des policiers du jeune Malik Oussekine, tué en 1986 à 22 ans en marge d'une manifestation étudiante. Co-scénariste, Julien Lilti revient sur les coulisses de cette mise en récit d'une affaire d'État qui a laissé son empreinte sur les années 80.

Pourquoi avoir choisi comme titre Oussekine plutôt que Malik ou L’Affaire Oussekine ?

Julien Lilti : Nous voulions justement casser ce côté « Malik, l’icône » : c’est-à-dire un symbole dont tout le monde s’empare, que ce soit la gauche et SOS Racisme – qui en fait un martyr – ou la droite de l’époque – qui le présente comme un garçon fragile et inconséquent. La voix qui nous intéressait le plus était celle de la famille. On parle de filiation, au sens de « fil » : les fils qui tissent un parcours de migration, qui disent le réel de la France post-coloniale. L’histoire de Malik Oussekine, c’est celle d’une famille déchirée par le deuil, mais aussi d’un souvenir confisqué.

Malik Oussekine est devenu une sorte de mythe. Alors qu’on ne sait pas vraiment qui il était…

C’est vrai que tout ce qui ne rentrait pas dans le portrait idéal du symbole a été effacé. Malik Oussekine n’était, par exemple, pas du tout politisé. C’est d’ailleurs ce qui nous intéresse dans la série : l’entreprise de falsification mise en œuvre. Une autre chose qu’on sait peu et que nous avons découverte au moment de nos recherches, c’est que Malik envisageait de se convertir au catholicisme. Comme ce détail important ne rentre dans aucune case, il a été évacué. Cette quête spirituelle a un côté mystérieux, mais, en fait, Malik Oussekine était surtout un gamin de 22 ans qui aimait le jazz, flirtait avec les filles et était plein de promesses.

Avez-vous rencontré la famille pour préparer le scénario ?

Grâce à Antoine Chevrillon, le créateur de la série, nous avons beaucoup travaillé avec Ben Amar et Mohamed, deux des frères de Malik, et aussi un peu avec l’une de ses sœurs, Sarah. Ils nous ont accordé de longs entretiens, donné accès aux archives familiales. C’était important pour nous de comprendre la trajectoire de la famille. Ils habitaient à Meudon-la-Forêt (Hauts-de-Seine). Les membres de la fratrie ont suivi des études, voyagé, accédé à une certaine forme d’embourgeoisement. Ils appartiennent à cette deuxième génération qui croyait en l’intégration. Nous avons aussi rencontré Me Kiejman, l’avocat de la famille, Paul Bayzelon, le témoin oculaire de l’assassinat, ainsi qu’Agathe Logeart, alors journaliste au Monde, qui a révélé le nom des policiers responsables de la mort de Malik. En parallèle, nous avons mené un travail de documentation très exhaustif, coordonné par Lina Soualem, à partir de la presse de l’époque. Même si c’est l’histoire de la famille qui demeure au premier plan de notre récit.

À quoi Oussekine peut-il faire écho près de 40 ans plus tard ?

La série parle d’occasions ratées. D’abord, celle de dire que personne n’est au-dessus des lois. Quand les policiers se retrouvent devant la cour d’assises en 1990, ils sont condamnés mais… à rien. Ils ne passent même pas une nuit en prison. Depuis, on retrouve fréquemment la même grille sur toutes les affaires policières : le procès devient celui de la victime, les policiers sont relaxés. Et puis c’est aussi une occasion ratée entre la gauche et les jeunes Français issus de l’immigration. La mort de Malik Oussekine aurait pu être l’occasion, sur des bases douloureuses, de parvenir à une forme de convergence. Elle n’a pas eu lieu. Aujourd’hui, à part le foot de temps en temps, il n’y a plus de grands mouvements de rassemblement à l’échelle nationale qui transcendent les couleurs, les classes sociales… Que ce soit le créateur de la série ou les scénaristes, Faïza Guène, Cédric Ido et moi,  nous avons grandi dans les années 80, dans une France qui nous semblait plus apaisée qu’à l’heure actuelle. Peut-être que, à travers Oussekine, nous posons aussi cette question : pourquoi en est-on là aujourd’hui ? Pourquoi n’arrive-t-on pas à faire converger les bonnes volontés ?

Infos pratiques : Oussekine, mini-série en quatre épisodes sur Disney+, disponible à partir du 11 mai

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