Culture
|

La gratuité rend-elle la culture plus accessible ?

Le MAC VAL à Vitry multiplie les propositions pour attirer le public le plus large possible comme ici avec les visites multisensorielles / © Martin Argyroglo⁠
Le MAC VAL à Vitry multiplie les propositions pour attirer le public le plus large possible comme ici avec les visites multisensorielles / © Martin Argyroglo⁠

Gratuité le premier dimanche du mois, gratuité pour les moins de 26 ans depuis la loi de 2009, festivals gratuits comme Nuit Blanche... Le monde de la culture ne ménage pas ses efforts pour se rendre accessible par le plus grand nombre. Mais d'autres critères rentrent en compte pour attirer le public.

Ce n’est pas un scoop : l’Île-de-France est un gros chaudron de culture qui bouillonne à feu vif. Quelques chiffres suffisent à s’en convaincre : sur 2,2 % du territoire national, on trouve notamment 27 % des compagnies dramatiques, 13 % des scènes nationales, 11 % des musées ainsi que 9 % des monuments inscrits et classés. Et, pour y avoir accès, il n’est pas forcément nécessaire de sortir le porte-monnaie. Certes, comme le souligne Séverine Albe-Tersiguel, chargée d’études à l’Institut Paris Region et coautrice avec Olivier Mandon de l’étude « Les Équipements culturels franciliens, quelles accessibilité et attractivité ? », la gratuité concerne davantage « les personnes jeunes ou en difficulté sociale », à l’image des scolaires et étudiants, des personnes en recherche d’emploi ou en situation de handicap. On peut ainsi penser à la loi qui, depuis 2009, permet aux moins de 26 ans d’accéder aux musées et aux monuments nationaux sans débourser un centime. Pourtant, quelle que soit votre situation, vous pouvez avoir accès gratuitement à des offres culturelles dans le Grand Paris.

Premier rappel avec le grand classique : la gratuité des musées nationaux le premier dimanche du mois. Bonne nouvelle : le prochain tombe justement ce dimanche. L’occasion de profiter, par exemple, des derniers jours de la passionnante exposition sur la Nouvelle Objectivité autour de l’art allemand des années 20 au Centre Pompidou. Et donc de garder les 14 € qu’il aurait fallu débourser pour un billet plein pot. Autre bon plan auquel on ne pense pas forcément : les collections permanentes des musées de la Ville de Paris comme celles de Carnavalet ou du musée de la Vie romantique. Certains musées sont même complètement gratuits à l’instar du musée de la Préfecture de police (oui, dit comme ça, ça n’a pas l’air forcément sexy, mais on vous assure que c’est bien) ou le musée Curie situé dans le dernier labo occupé par Marie Curie.

Les prochaines Journées européennes du patrimoine, les 17 et 18 septembre prochains (pensez à réserver pour ne pas vous retrouver le bec dans l’eau), la Nuit européenne des musées ou la Nuit blanche (la nuit du 1er au 2 octobre prochain), qui s’étend désormais au-delà du périphérique et fêtera cette année ses 20 ans, seront aussi l’occasion de faire le plein de visites. N’oublions pas non plus le site d’exposition du FRAC (Fonds régional d’art contemporain) à Paris et ses réserves flambant neuves à Romainville (Seine-Saint-Denis), ainsi que les nombreuses galeries et centres d’art contemporain.

Coupler accessibilité en transports et offre tarifaire peut faciliter l’accès à la culture

Les expos ne sont pas trop votre truc ? « En termes de cinéma, l’offre est aussi intéressante avec notamment le cinéma en plein air à la Villette ou le festival Silhouette au parc de la Butte du Chapeau Rouge à Paris, souligne Séverine Albe-Terisguel. Côté arts numériques, la biennale Bains numériques à Enghien (Val-d’Oise) permet de découvrir des propositions artistiques dans toute la ville pendant une semaine. » Pour les amateurs de musique, il est toujours bon de jeter un œil du côté de la Maison de la radio à Paris (16e) qui propose régulièrement des concerts gratuits. Et les médiathèques permettent de faire le plein de livres sans y laisser un rein.

La gratuité, c’est bien. Mais suffit-elle à déplacer le public ? « Il est clair que, quand des lieux culturels proposent la gratuité, c’est aussi pour faire venir des gens qui ne viennent pas forcément habituellement », note Séverine Albe-Tersiguel. Encore faut-il pouvoir le faire. « L’offre est énorme mais très concentrée à Paris et dans la petite couronne », poursuit-elle. Aussi, qu’en est-il pour les enfants non accompagnés et les personnes n’ayant pas de voiture ? Un rapport de 2015 du Ceser (Conseil économique, social et environnemental régional) intitulé « Favoriser l’accès des Franciliennes et des Franciliens à l’ensemble de l’offre culturelle » soulignait ainsi que, « malgré les efforts engagés sur le terrain par l’ensemble des acteurs, une partie trop importante de la population francilienne reste exclue de la proposition culturelle ». Et d’ajouter que « concernant les transports, le Ceser espère que les décisions récentes relatives à la carte Navigo et au Grand Paris Express auront des conséquences bénéfiques quant au rapprochement des Franciliens avec l’offre culturelle ». En effet, coupler accessibilité en transports et offre tarifaire peut faciliter l’accès à la culture. Depuis janvier dernier, le Passe Navigo culture permet ainsi, grâce à son abonnement, de bénéficier de l’accès sinon gratuit, tout du moins à tarif réduit, à de nombreuses activités culturelles. Quant au Pass Malin yvelinois, il permet lui aussi de bénéficier de réductions.

Au-delà de la gratuité, la nécessité de lever les inhibitions

Faciliter l’accessibilité, certes, mais aussi communiquer sur le lieu. « On constate que, quand un endroit est gratuit, les gens initiés en profitent pour revenir, prendre le temps de visiter », note Séverine Albe-Tersiguel. Ce qui est plus compliqué pour ceux qui sont moins habitués à franchir les portes des institutions. « Dans notre étude, nous avons entre autres travaillé sur l’abbaye de Royaumont (Val-d’Oise), raconte Séverine Albe-Tersiguel. Le lieu est gratuit pour les habitants de la communauté de communes et organise de nombreuses visites scolaires afin de faciliter son appropriation. Son directeur nous a dit regretter cependant que les élèves ne reviennent pas ensuite avec leur famille. Il identifiait un problème d’accès, car Royaumont est essentiellement accessible en voiture ; il nous a également confié que, malgré cette politique, nombreuses sont les personnes convaincues que l’endroit, à la programmation artistique exigeante, n’est « pas pour eux »»

Au-delà de la gratuité, il faut donc lever les inhibitions. La chercheuse cite ainsi l’exemple du MAC VAL à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), étudié au cours de son enquête. « Gratuit le premier dimanche du mois, le musée avait organisé à cette occasion un pique-nique dans son parc. Étaient invités des partenaires acteurs du champ social et le musée avait aussi beaucoup communiqué auprès des habitants. Les gens étaient venus, le moment avait été pensé de façon conviviale et, au cours de la journée, des visites du musée étaient proposées. Les gens étaient libres d’y participer ou non. » Car, au-delà de la gratuité, « il faut mener un travail de communication pour que les gens soient au courant. Mais aussi assurer un travail de médiation pour les aider à venir comme à revenir ».

Lire aussi : Sept lieux culturels alternatifs à Aubervilliers

Lire aussi : Douze façons de profiter du passe Navigo culture

Lire aussi : Faisons du passe Navigo l’instrument de l’identité francilienne