Culture
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En attendant avril, découvre-toi cinéphile

Militant, d'avant-garde, social, ethno, arty, funky... Novembre, c'est un peu la fête de "l'autre ciné", celui du documentaire et des films d'art & essai. Des festivals et des associations font traditionnellement vivre ces genres dits mineurs, à l'automne, dans les salles extra-périphérique. Si bien que la banlieue parisienne est, en réalité, une vraie capitale du 7e art.

Idée #1 : Un shoot de documentaires (Arcueil, 94)

 

Cela fait 20 ans que les Ecrans documentaires permettent aux Grand-Parisiens de faire le point sur la création cinématographique « non fiction », comme on dit maintenant. Avec une programmation plutôt « arty ».  Dans cette cuvée 2016, nous avons repéré Caroline Champetier, directrice de la photo de tant de grands cinéastes et qui livre avec son dernier film un message d’amour au cinéma. Parmi nos autres coups de coeur, l’insolent court métrage de Lionel Soukaz, Notre trou du cul est révolutionnaire ; l’éternel Homme d’Aran, de Flaherty, tourné en 1936 et d’une beauté saisissante ; ou encore le buzz du moment, Swagger, un long métrage docu d’Olivier Babinet. Dimanche, on n’oubliera pas d’aller écouter  le portrait de João Bénard da Costa, directeur de la cinémathèque de Lisbonne qui, avec ses ex alter-ego de Lausanne (Freddy Buache) et de Paris (Henri Langlois), hissa au sommet l’amour du cinoche pré-digital. Un signe que les temps ont changé, alors que le festival est aujourd’hui menacé par une coupe surprise et drastique des subventions publiques. Rappelons tout simplement qu’il a permis à des centaines de films de trouver, en banlieue, leur premier public. Rendez-vous dimanche pour découvrir le palmarès de cette année !

Infos pratiques : Les Ecrans documentaires, jusqu’au 9 novembre à l’Espace municipal Jean-Vilar, à Arcueil (94). Plus d’infos sur www.lesecransdocumentaires.org. A signaler aussi le festival Jean Rouch, dont la 35e édition ouvre ce vendredi, et qui permettra de faire pendant 10 jours le point sur la création ethno-mondiale.

 

Idée #2 : Voyage au pays de la censure (Pantin, 93)

 

Comment filmer le monde quand y règne la censure ? C’est le sujet exploré tout le week-end au Ciné 104 à Pantin avec l’excellente programmation concoctée par l’association Documentaire sur Grand Ecran. A ne pas rater l’avant-première du dernier doc du cinéaste israélien Avi Mograbi qui entend donner une voix aux migrants africains parqués dans un camp au cœur du Néguev ; l’hommage à René Vautier et Yann Le Masson, deux figures du combat contre la censure pendant la guerre d’Algérie, et récemment disparues (avec un gros coup de cœur pour le premier) ; le court métrage du cinéaste et producteur chinois Zhu Rikun, qui a filmé en cachette une descente de police dans sa chambre d’hôtel ; ou encore une leçon de genre inspirée du cinéma de l’Iranien Kiarostami – mort cet été, et qui a livré avec Ten une ode aux femmes iraniennes et à leur liberté sentimentale. Bref, encore une belle démonstration de la capacité du doc à penser et panser le monde.

Infos pratiques : « Jouer déjouer l’interdit, le cinéma documentaire à l’épreuve de la censure » au Ciné 104, 104 avenue Jean Lolive, Pantin (93). Vendredi, samedi et dimanche. Plus d’infos sur www.cine104.com

 

 

Idée #3 : Le  must see des cinéphiles (partout dans le Grand Paris)

 

Chaque mois, l’Association des Cinémas de recherche d’île-de-France (ACRIF) soutient trois à cinq long métrages, en finançant leur diffusion dans le réseau art et essai. En général, l’ACRIF voit juste, et son « programme » est le must-see des cinéphiles. La preuve s’il en est avec la sélection ce mois-ci : Le jouissif Apnée de Jean-Christophe Meurisse, véritable perle piochée dans la production cinématographique française, film à la fois déjanté et impeccable dans sa forme comme dans son propos ; Soy Nero de Rafi Pitts, qui dresse la géopolitique du monde en 2016 par le prisme des Green Card Soldiers – les immigrés clandestins aux Etats-Unis qui s’engagent dans l’armée afin d’obtenir la nationalité américaine. Mais notre coup de coeur va au dernier film de Wang Bing, Ta’ang. Wang Bing… ce génie du cinéma mondial a bien failli y passer lors du tournage de son unique fiction, un long-métrage sur les camps de déportation maoïstes, tourné clandestinement en Chine il y a quelques années. Cette fois-ci, il offre avec Ta’ang un mémorial anthume à une ethnie musulmane de Birmanie, exterminée dans la quasi indifférence du monde. Témoin silencieux et impeccable, la caméra de Wang Bing nous place au cœur d’un insoluble dilemne moral.

Infos pratiques  : Les films soutenus par l’ACRIF, et les salles qui les projettent, sont à retrouver www.acrif.org

 

 

Idée #4 : Un festival très Orienté (Romainville, 93)

 

Le Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec (93) débute ce vendredi avec pendant douze jours près de 60 projections formant un voyage de la France à la péninsule arabique, en passant par le Maghreb, la vallée du Nil et le Croissant fertile. Et pour sa 5e édition, le festival s’est offert un parrain de luxe en la personne du réalisateur Costa-Gavras. 

Infos pratiques : Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec, du 4 au 15 novembre. Attention il y a un piège ! Les projections ont lieu au cinéma Le Trianon, place Carnot à Romainville (93) et non pas à Noisy-le-Sec. Un bon prétexte pour découvrir un cinoche qui servit de lieu de tournage pendant 15 ans à la Dernière séance présentée par Eddy Mitchell. Plus d’infos sur www.fffa.fr

 

Idée #5 : A voir une fois le week-end échu

 

Lundi soir, en attendant de savoir qui de l’âne ou de l’éléphant l’emportera, on s’offre une nuit américaine au Kosmos à Fontenay-Sous-Bois (94) avec Les hommes du président (1976) d’Alan J.Pakula ; ou l’histoire d’un Watergate qui fait désormais pâle figure rapporté aux péripéties des serveurs web de Trump ou aux méga-fuites des mails de Clinton. On pense et on pleure le 14 novembre toujours au Kosmos avec la soirée débat autour de Fuocoammare, le formidable film de Gian Franco Rosi, réalisateur révélé il y a presque 10 ans avec son inoubliable portrait d’un Sicaire colombien, tourné en huis-clos dans sa chambre d’hôtel. A partir de mercredi et jusqu’au 18 novembre à Saint-Denis (93) et Paris, on swag et on rit avec le Festival Cinébanlieue. A voir entre autres le film d’Olivier Babinet (cf idée #1) et surtout celui de Dominique Cabrera, Corniche Kennedy, qui raconte l’âge tendre dans les banlieues de Marseille. Quant au Magic Ciné à Bobigny (93), il servira d’écrin au 16e festival de ciné citoyen Résonances, du 22 au 29 novembre. On en reparlera.