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Après 45 éditions, le Festival de films de femmes toujours aussi indispensable

© Keso s (Creative commons - Flickr)
© Keso s (Creative commons – Flickr)

Depuis 1979, le Festival de films de femmes, qui se déroule à Créteil du 24 mars au 2 avril, met à l'honneur les réalisatrices alors qu'encore aujourd'hui il existe un déséquilibre entre hommes et femmes en termes de reconnaissance. Enlarge your Paris s'est entretenu avec Jackie Buet, fondatrice et directrice du festival.

Pouvez-vous nous raconter la naissance du Festival ?

Jackie Buet : Le Festival naît en 1979 d’un constat : le cinéma français est très déséquilibré et penche en faveur des hommes. De même, on ne sait pas qu’en Allemagne, au Canada ou en Suède, il existe de nombreuses femmes réalisatrices. On connaît Wim Wenders ou Volker Schlöndorff, mais beaucoup moins le travail de Margarethe von Trotta ou de Helma Sanders-Brahms. Le Festival voit le jour à Sceaux (Hauts-de-Seine) au Théâtre des Gémeaux, où nous travaillons alors, Élisabeth Tréhard et moi-même. Nous nous étions rencontrées à Caen où nous participions ensemble aux grandes luttes féministes des années 70. Nous nous retrouvons donc à Sceaux et avons l’idée de ce festival qui n’est pas « sur » les femmes mais « par » les femmes, ce qui permet de brasser toutes les thématiques possibles. À partir de 1985, le Festival prend ses quartiers à Créteil (Val-de-Marne).

En 1979, quand le Festival débute, où en est-on des luttes féministes ?

La loi Veil sur l’IVG est passée en 1975. Quand elle est votée, elle suscite une forme de soulagement. Mais d’autres luttes prennent le relais, notamment concernant l’égalité professionnelle. Et celle-ci est beaucoup plus longue à mener. C’est une phase qui bouscule plus la société d’un point de vue économique. Dans les années 80, les féministes s’attaquent à de gros morceaux !

Quel bilan tirez-vous de ces 45 premières éditions ?

Quand nous avons démarré le Festival, nous imaginions qu’il durerait cinq ou six ans. Le temps d’agiter le milieu du cinéma, que les professionnels se rendent compte que les femmes existent. Au bout de 45 ans, on constate que les institutions sont dures à faire bouger. Prenons l’exemple de Cannes : seules deux femmes – Jane Campion et Julia Ducournau – ont obtenu la Palme d’or. Alors certes, dans les années qui ont suivi le mouvement #MeToo, on a connu un coup d’accélérateur, les portes se sont ouvertes. À l’occasion de cet anniversaire, il s’agit de les ouvrir davantage, de pousser encore plus loin la question de l’égalité. Parce que les femmes ne bénéficient pas encore des mêmes budgets que les hommes pour réaliser leurs films, par exemple. Le Festival est une plate-forme qui permet la reconnaissance et la valorisation de leur travail. À ce sujet, il faut insister sur le rôle de notre public. Parce que ce n’est pas rien de se sentir reconnue. Les « cinéfilles », comme je les appelle, sont très importantes car elles ont su regarder les films que nous leur proposions. Dans Cher connard, Virginie Despentes adresse d’ailleurs toute une page de compliments au Festival. À la page 96, pour être tout à fait exacte !

Quels sont les temps forts de cette 45e édition ?

On a fait le maximum ! Nous recevons Agnès Jaoui comme invitée principale, elle qui est à la fois actrice, scénariste, réalisatrice, chanteuse, et présidente de la Cinémathèque de Toulouse ! On peut d’ailleurs faire un parallèle entre elle et Musidora, grande figure du cinéma des années 1910, actrice et réalisatrice, à qui nous rendons hommage cette année. L’écrivaine et Prix Nobel Annie Ernaux sera des nôtres pour une soirée spéciale, sans oublier Rebecca Zlotowski et Coline Serreau qui seront également présentes. On pourra aussi compter sur la venue de l’historienne Michelle Perrot qui ouvre notre colloque consacré à la fabrique de l’émancipation. Bref, toutes les générations de femmes seront représentées pour cette édition 2023 !

Infos pratiques : « Festival international de films de femmes de Créteil » à la Maison des arts et de la culture, 1, place Salvador Allende, Créteil (94). Du 24 mars au 2 avril. Accès : métro Créteil-Préfecture (ligne 8). Plus d’infos sur filmsdefemmes.com

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