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15 artistes questionnent notre rapport à la terre à la Ferme du Buisson

La Ferme du Buisson à Noisiel / © Ferme du Buisson
La Ferme du Buisson à Noisiel / © Ferme du Buisson

À la Ferme du Buisson, l'exposition « Aterrir » explore notre rapport à la terre du 2 octobre au 30 janvier à travers le travail d'une quinzaine d'artistes contemporains. De quoi faire germer des idées dans la tête des urbains que nous sommes...

Comment avez-vous conçu « Aterrir » ? 

Julie Sicault Maillé : Lorsque la Ferme du Buisson m’a invitée comme commissaire, j’ai procédé comme je le fais habituellement : par intuitions. La première était de vouloir parler d’enjeux contemporains, à l’instar de l’écologie. La deuxième partait du contexte : la Ferme du Buisson est une ancienne ferme possédée par la famille Menier dont la chocolaterie était située à Noisiel (Seine-et-Marne). Sans oublier que nous sommes ici en Seine-et-Marne, terre d’agriculture, considérée comme l’un des greniers à blé de l’Île-de-France. Ma troisième intuition était nourrie du constat qu’il existe, sur la scène artistique contemporaine, un vif intérêt pour ce qui a trait à la terre. C’est ainsi qu’il faut voir le titre de l’exposition, « Aterrir ». Il n’y a pas de faute d’orthographe (le verbe atterrir prend deux T, Ndlr) ; le A est une indication d’objectif, au sens de « aller vers ». L’exposition met en avant l’attention portée au sol, avec davantage d’humilité, ainsi que les notions de territoire et de paysage. Car la terre nous renvoie à la question du bien commun. Elle permet de traiter aussi bien les thèmes de l’agriculture traditionnelle et urbaine que la notion de communauté.

Comment avez-vous sélectionné les œuvres ?

En fait, il y a un peu de tout. Certaines œuvres existaient déjà – elles nous ont été prêtées par l’artiste ou des collections publiques. Il y a aussi des œuvres qui ont été créées spécialement pour l’occasion – c’est le cas d’Étienne de France qui interroge le paysage comme lieu de résistance. Troisième cas de figure : des œuvres existent déjà mais, grâce à un soutien financier, nous avons accompagné les artistes pour qu’ils aillent plus loin dans leurs recherches. C’est ce qui s’est produit par exemple pour Anaïs Tondeur qui, avec sa série « Ici poussait… », poursuit son travail sur le plateau de Saclay.

Proposer une exposition d’art contemporain en banlieue, est-ce plus compliqué que de le faire intra-muros pour mobiliser les artistes et le public ?

Déjà, j’aimerais rappeler que la Ferme du Buisson se situe à 15 minutes en RER de Nation ! En ce qui me concerne, j’ai toujours travaillé en banlieue. Il me semble que la création y est plus vivante et plus innovante ; la prise de risques est plus importante. Laure Tixier, présente à « Aterrir », va aussi exposer à la Graineterie de Houilles (Yvelines). Quant à Rachel Labastie, elle inaugure, le même jour que notre vernissage, une exposition à l’abbaye de Maubuisson (Val-d’Oise). À Noisiel, on est dans une zone quand même assez urbaine, je ne vois pas beaucoup de différences en termes de public avec un centre d’art qui serait intra-muros. Non seulement vous avez les personnes qui habitent le territoire mais aussi d’autres qui viennent de plus loin. Non, franchement, c’est en banlieue que ça bouge le plus ! 

Nous avons demandé à Julie Sicault Maillé de commenter trois œuvres présentées dans l’exposition. Petit avant-goût de votre future visite : 

Bibliothèque des terres d’Île-de-France de Koichi Kurita : 

« Koichi Kurita est un artiste japonais qui arpente depuis trente ans différents territoires. Au fil de ses marches, il ramasse une poignée de terre, la nettoie, la met en sachet ou en flacon. Puis il classe ses échantillons, comme on le fait pour les livres d’une bibliothèque. En 2013, il a été en résidence en Île-de-France. Quand j’ai vu sa Bibliothèque des terres d’Île-de-France, j’ai été subjuguée à la fois par l’humilité de la démarche et la diversité des couleurs. C’est simple et élégant. »

Urbi et Orbi de Martin Étienne : 

« Dessinateur, Martin Étienne a travaillé avec le philosophe Sébastien Marot autour des liens entre la ville et l’agriculture. Sébastien Marot a imaginé quatre scénarios que Martin Étienne a mis en dessins. Il y a d’abord Incorporation où la métropole absorbe l’agriculture ; Négociation où, comme son nom l’indique, agriculture et ville se partagent l’espace ; Infiltration où l’agriculture colonise la ville, et enfin Sécession, la démarche la plus radicale, qui remet en cause la ville. Nous avons disposé les dessins de façon à ce que le spectateur se trouve au milieu, qu’il puisse en observer les détails et se demander quel scénario lui convient le plus. »

Potager de Laure Tixier : 

« Au départ, Laure Tixier a travaillé sur une série d’aquarelles, prémisses d’une installation pensée pour le potager XVIIIe du domaine de Chamarande (Essonne). Il s’agit de 120 petits pavillons de béton de six couleurs différentes qui vont du rouge rubis au vert mousse, disposés à la façon des différentes façons de semer : en ligne, à la volée… Ces pavillons évoquent les zones urbaines qui mangent les terres agricoles. Nous avons disposé les maisons depuis l’entrée de la Ferme jusqu’au centre d’art. C’est bien aussi que les œuvres s’exposent hors les murs ! »

Infos pratiques : exposition « Aterrir » au centre d’art de la Ferme du Buisson, allée de la Ferme, Noisiel (77). Du 2 octobre au 30 janvier. Ouvert du mercredi au vendredi de 14 h à 18 h, le samedi et le dimanche de 14 h à 19 h 30. Entrée libre. Accès : gare de Noisiel (RER A). Plus d’infos sur lafermedubuisson.com

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