Depuis un an, le journaliste John Laurenson et correspondant pour la BBC partage avec nous son regard sur la banlieue à travers la série « Le Grand Paris est une fête », en hommage au Paris est une fête d’Ernest Hemingway.
C’est la saison des marrons, on y va, on y va ! Aucun risque de revenir bredouille, aucun risque de se tromper (ou presque). Pas comme les champignons… Dans le Transilien, vous pouvez quand même dire à vos enfants qu’il y a marrons et marrons. Ceux qu’on vend tout chauds dans les cornets de papier journal, les coques noircies, la chair toute jaune, sont en fait des châtaignes. Dans une grande désinvolture botanique, on appelle « marron » la châtaigne transformée (crème de marrons, marrons glacés, marrons chauds…) et la châtaigne cultivée. Mais tout ceci est un abus de langage qui prête à confusion. Les vrais marrons viennent des marronniers d’Inde et sont toxiques.
Heureusement, dans la nature, les deux se distinguent facilement. Les châtaignes (qui se mangent) ont des pointes touffues ; les marrons (qui ne se mangent pas) sont tout lisses. Pointe touffue : good for you ; no pointe touffue : pas bon du tout.
Alors où trouve-t-on des châtaignes en région parisienne ? On est sûr de tomber dessus (si ce n’est pas elles qui vous tombent dessus) dans la forêt de Montmorency (Val-d’Oise), par exemple. Dans ces 2 200 hectares que le philosophe Jean-Jacques Rousseau, en grand exalté de la nature, considérait comme son « cabinet de travail », une large majorité des arbres sont des châtaigniers. Chercher la châtaigne ici, c’est à peine du sport ; c’est un peu comme chasser le poireau dans un potager.
Les œufs de Pâques de la forêt
Dans la plupart des autres forêts d’Île-de-France, vous en trouverez aussi. En fait, une fois qu’on a bien repéré ces arbres si généreux en fruits à coque, on les voit un peu partout. Il est beau à regarder, le châtaignier, avec ses longues feuilles dentées. Son écorce nacrée et lisse quand il est jeune se fissure en vieillissant avec des stries qui montent en torsade. On trouve de magnifiques et très anciens spécimens dans le parc du château de Dampierre (Yvelines).
Dans la forêt de Rambouillet (Yvelines) en ce jour d’octobre, les feuilles mortes bruissent et les glands craquent agréablement sous nos pieds. Même si le ciel est bas, la mousse luit de son vert vif. On n’a pas à attendre longtemps pour voir les premiers châtaigniers et, par terre, nos premières bogues brunes comme de petits hérissons.
Nous sommes, au fond, des chasseurs-cueilleurs. Et les châtaignes, il faut bien le dire, nous rendent la tâche facile. Ce sont les œufs de Pâques de la forêt. Elles brillent comme le vieux cuir bien ciré d’un fauteuil de Gentlemen’s Club anglais. On en a bientôt ramassé une petite centaine et puis, c’est toujours comme ça, quand on a des poches pleines comme les joues d’un hamster goulu et qu’on se dit « bon, je m’arrête », on tombe sur des vraiment belles, des encore plus grosses, et on ne peut pas résister.
Des dures à cuire
Facile à la cueillette (une fois sortie des bogues archi-piquantes qu’il vaut mieux éviter de toucher), la châtaigne se révèle notoirement revêche quand vient le moment de la cuire. Les châtaignes crues se mangent, bien sûr, mais il faut avoir faim : c’est âpre et la texture n’est pas très agréable en bouche. Il faut les cuisiner, donc, mais c’est là où les choses se corsent. Le problème, c’est d’enlever la peau… Que dis-je ? LES peaux ! Puisqu’après la carapace marron foncé semblable à du cuir, vous en avez une autre, rousse-rose, très fine, duveteuse, mais qui colle encore plus à la chair de la châtaigne.
Les astuces pour les enlever sont légion. J’en ai essayé plusieurs qui commencent toutes, nota bene, avec une incision quelconque parce que, avant de la cuire, il faut toujours entailler la châtaigne sinon elle risque d’éclater :
– Le choc thermique : incision, 40 minutes au congélateur puis 5 minutes dans de l’eau bouillante. Résultat : ça ne marche pas.
– La laiteuse : incision, 5 minutes dans l’eau bouillante puis tremper dans du lait pendant la nuit. Résultat : la première peau s’enlève avec seulement un peu de mal mais la deuxième ne bouge pas.
– L’huileuse : incision le long de la lunule (la base plus claire de la châtaigne), 30 minutes dans l’eau bouillante avec une goutte d’huile. Résultat : la châtaigne est si ramollie qu’il faut l’extraire de sa coque à la petite cuillère.
– La végétale : incision, 30 minutes dans l’eau bouillante avec du fenouil. Résultat : le même que pour l’huileuse.
– Le bain finlandais et la douche écossaise : incision le long de la lunule, jeter dans de l’eau froide qu’on porte à ébullition pendant 5 minutes, égoutter et arroser d’eau froide. Résultat : la coque, très ramollie, s’enlève facilement mais la deuxième peau reste.
30 minutes au four
Bref, rien ne fonctionne vraiment. LA bonne idée, LE truc qui marche, c’est de les griller et de les manger comme ça. Si vous n’avez pas de cheminée ou de poêle à châtaignes (ce qui est fort probable), le four classique marche très bien, voire encore mieux, parce que c’est tellement facile et tellement net ! Vous chauffez votre four à 210°, entaillez vos châtaignes et les posez sur votre plaque protégée d’une feuille de papier cuisson (sinon l’eau rejetée par les châtaignes va les coller dessus).
Le temps de cuisson varie selon la taille des châtaignes mais je trouve les 20 minutes préconisées dans la plupart des recettes insuffisantes, même pour les petites. 30 minutes devraient vous donner des châtaignes un peu croquantes et vraiment délicieuses, que vous allez pouvoir manger un peu à la façon des graines de tournesol, en cassant la coque entre les dents. C’est rustique. Ce n’est peut-être pas à proposer à l’apéro pour un premier rendez-vous amoureux. Mais la cueillette en forêt, peut-être bien que si.
Où chercher des châtaignes : en forêt de Montmorency (95), descendre en gare Bouffémont-Moisselles (ligne H) / en forêt de Saint-Germain (78), descendre en gare d’Achères – Grand Cormier (RER A) / en forêt de Meudon (92), descendre en gare de Chaville Rive Gauche (ligne N)
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24 octobre 2024