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Il y a 40 ans, Mickey croquait une grosse tranche de brie

Le chantier d’Eurodisney en 1991. IGN

Il y a 40 ans, la souris signait pour s'installer dans la plaine betteravière de Seine-et-Marne. Aujourd'hui, le royaume enchanté a bien grandi — Mickey a bâti bien plus qu'un parc d'attractions. Qu'est-ce que Disney a fait de la campagne briarde ? On s'est penché sur la question, et ça valait la peine.

Il y a dix ans, dans la rédaction d’Enlarge your Paris, on s’agaçait de voir deux pictogrammes résumer la culture en banlieue sur les cartes de transport : le château de Versailles et celui de la Belle au bois dormant. Comme si le Grand Paris n’avait à offrir qu’un roi et une souris. Aujourd’hui, quarante ans après l’arrivée de Mickey en Seine-et-Marne, on se dit que l’histoire du picto souris mérite d’être racontée. Il était donc une fois… Le 18 décembre 1985, il y a quarante ans exactement, la souriante souris californienne signait un protocole d’accord à l’Hôtel de Matignon. Ce jour-là, la Walt Disney Company choisissait de s’installer dans la plaine betteravière de Seine-et-Marne, préférant l’Île-de-France au soleil d’Espagne. On pourrait dire que Mickey s’est payé une belle tranche de brie de Meaux.

Quarante ans plus tard, difficile d’imaginer à quoi ressemblaient ces terres avant l’arrivée du royaume enchanté. Des champs à perte de vue, des fermes briardes, un bout de campagne remembrée, à 30 kilomètres de Paris. Dans le « secteur IV » de Marne-la-Vallée, dernière-née des villes nouvelles voulues par l’État, Disney est arrivé comme la pièce maîtresse d’un projet d’aménagement qui allait transformer ce coin de Brie en quelque chose d’inédit : une ville bâtie par une entreprise de divertissement. Il est vrai qu’à l’époque, les usines fermaient (déjà), les chantiers navals fermaient (il y en avait encore), les mines et les hauts fourneaux s’éteignaient. Alors on a parié sur l’industrie du tourisme — dont on sait aujourd’hui qu’elle est devenue essentielle à l’économie francilienne et française.

Ce qui est moins connu, c’est que Disneyland Paris, ce n’est pas qu’un parc à thèmes. C’est aussi une ville. Val d’Europe, avec ses quartiers résidentiels, ses immeubles de bureaux, son centre commercial, ses écoles, son campus universitaire en construction. C’est aussi le RER A prolongé jusqu’à Chessy, une gare TGV, des échangeurs autoroutiers. Tout un morceau de métropole sorti de terre en trois décennies, dans un style architectural que certains qualifient de « pastiche » — ce néo-traditionnel à l’américaine qu’on retrouve désormais ailleurs dans le Grand Paris, à Clamart ou au Plessis-Robinson.  

En 2025, la souris a-t-elle encore faim de foncier ? À l’est du royaume de Mickey, on s’inquiète en tout cas du grignotage. Les terres agricoles seine-et-marnaises, parmi les plus fertiles d’Île-de-France, ne veulent plus être les réserves foncières de l’urbanisation galopante. « Notre objectif est clair : stopper le béton qui vient de l’Ouest », nous expliquait en février dernier l’agriculteur bio Éric Gobard, président du syndicat de préfiguration du futur parc naturel régional Brie et deux Morin. D’ici deux à trois ans, ce cinquième Parc naturel régional (PNR) francilien — 84 communes, 100 000 hectares, dix fois la surface de Paris — viendra rappeler que le conte de fées a trouvé ses limites.

Quarante ans après la signature de Matignon, le territoire seine-et-marnais se trouve donc à un point d’équilibre. D’un côté, une multinationale du loisir devenue premier employeur privé du département et machine à créer de la ville. De l’autre, des paysans qui veulent rester paysans, protéger leurs champs de blé et continuer à fournir les boulangers de Paris comme ils le font depuis des siècles. Les sols de Seine-et-Marne ne sont plus un fromage à croquer. 

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