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Depuis 10 ans, le tourisme prend un autre essor en banlieue

Dans le Domaine de Saint-Cloud lors du Tour piéton du Grand Paris organisé par Enlarge your Paris et la Société des Grands Projets pour permettre de se familiariser avec les paysages de la métropole / © Jérômine Derigny pour Enlarge your Paris
La vue sur la tour Eiffel depuis le Domaine de Saint-Cloud dans les Hauts-de-Seine / © Jérômine Derigny pour Enlarge your Paris

Il y 10 ans, en 2015, le 92, le 93, le 94 et Paris s'associaient au sein d'un contrat de destination afin de faire en sorte que le tourisme s'étende davantage outre-périphérique. Une dynamique à laquelle a participé Hélène Sallet-Lavorel, ancienne directrice de Val-de-Marne Tourisme, qui nous partage sa vision de cette offre touristique hors des sentiers battus.

Il semble que cela ne fait pas si longtemps que la banlieue de Paris est devenue une destination touristique. Comment expliquez-vous cet intérêt tardif ?

Hélène Sallet-Lavorel : Ce retard est lié à la présence de Paris. Il y a tellement de choses à y voir… Et, forcément, quand on est la banlieue de la Ville Lumière, on peut avoir tendance à rester un peu dans l’ombre. D’autant que les acteurs touristiques ont mis du temps à s’y intéresser, alors que les touristes expérimentaient déjà la périphérie de Paris ; leurs hôtels s’y trouvaient ! Mais la banlieue était alors vue comme un simple dortoir. Hormis certaines exceptions comme Versailles, Vincennes, Saint-Denis ou Nogent-sur-Seine qui ont toujours eu le tourisme en ligne de mire, les autres communes avaient avaient tellement d’autres sujets de préoccupations et ne se percevaient pas comme des réels espaces touristiques. Je me souviens de maires, étonnés, qui me disaient : « Ah bon ? Il y a vraiment des choses qui peuvent intéresser des visiteurs dans ma ville ? » Les territoires se sont donc alliés, en l’occurrence Paris, le 92, le 93 et le 94, via un contrat de destination signé en 2015. Cela a donné lieu notamment à la plateforme de visites Explore Paris. Paris avait besoin de renouveler son image et, en parallèle, on constatait le dynamisme de sa banlieue. Les acteurs parisiens du tourisme ont longtemps eu un regard condescendant sur la périphérie, il a fallu tout un mouvement pour changer cela chez les professionnels. Ce contrat de destination visait à montrer que, justement, la banlieue était riche de ses différences et que celles-ci étaient dignes d’intérêt pour les touristes. Et ce n’était pas compliqué car plein d’initiatives existaient déjà. Je pense par exemple aux visites street art à Vitry-sur-Seine conduites par une association de la commune. En fait, il suffisait de dire à ces passeurs que ce qu’ils faisaient était super et que cela pouvait intéresser au-delà de l’échelon local. Et ce n’était pas si évident car la richesse de l’offre touristique de Paris pouvait intimider la banlieue.

La banlieue a-t-elle aussi profité du fait qu’une envie de voyager autrement, hors des sentiers battus, a émergé chez les touristes ?

Il est clair que cela a eu un effet. C’était d’ailleurs l’un des éléments du contrat de destination : répondre aux demandes de touristes qui avaient évolué. Désormais, ils veulent davantage se différencier, découvrir « la » pépite. Les réseaux sociaux ont évidemment accentué cette tendance. Et je crois que c’est aussi ça, la promesse de la banlieue : dire au visiteur qu’il ne sera pas qu’au milieu des touristes ! Qu’il fera d’autres types de rencontres. C’était d’ailleurs l’idée d’Explore Paris : s’adresser aussi bien aux habitants du territoire qu’aux voyageurs venant de l’autre bout du monde et donc, au sein même des groupes de visites, créer ces échanges.

La banlieue, c’est aussi une diversité de paysages plus variés que dans l’intra-muros

C’est vrai qu’il y a de tout en banlieue ! Vous y trouverez aussi bien des centres-villes anciens similaires à certains quartiers parisiens que des friches incroyables où écouter de l’électro. Et puis, juste en cheminant quelques kilomètres, vous pourrez faire du kayak dans un décor qui évoque les paysages de la Loire ou de l’Allier. Sans oublier la dimension économique : la banlieue est moins chère donc ouverte à tous. Je pense par exemple à la Guinguette du Port à Ivry-sur-Seine : on peut y passer la journée sans dépenser trop d’argent. Il faut aussi évoquer la diversité sociologique et un côté cosmopolite qu’on trouve aujourd’hui bien moins intra-muros. Et puis en banlieue on ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Tout est toujours à réinventer. C’est un territoire qui bouge, qui évolue. Il ne faut surtout pas que cela se normalise.

À titre personnel, quels endroits de banlieue inciteriez-vous les gens à découvrir ?

En Seine-Saint-Denis, je pense à la salle des mariages de l’hôtel de ville de Bobigny, visible, notamment, lors des Journées du patrimoine. Réalisée par l’artiste Hervé Di Rosa, elle dit bien ce que signifie être banlieusard mais aussi être Français avec sa Marianne noire, sa petite exposition d’arts modestes et ses fauteuils en forme de cœur. Je pense aussi aux canaux de l’Ourcq et de Saint-Denis le long desquels a émergé un vrai dynamisme. Dans le Val-de-Marne, j’aime beaucoup le domaine de Grosbois. Ce lieu, au cœur de la forêt, est tout simplement fou. C’est ici que s’entraînent les chevaux trotteurs qui vont courir à Vincennes. Sur 410 hectares on a vraiment une ville dans la ville avec la meilleure clinique équine du monde, un lieu de formation aux métiers du cheval… Sans oublier, au milieu de tout cela, le château du Maréchal Berthier, un bijou à visiter avec ses meubles d’époque. Et puis comment passer à côté du street art à Vitry-sur-Seine et du festival Phénomén’art qui se déroule chaque mois d’octobre ? J’ai aussi un coup de cœur pour le plateau briard du côté de Villecresnes et Marolles. À 20 minutes de Paris, vous voilà en pleine campagne ! Côté Hauts-de-Seine, j’aime beaucoup la cité-jardin de Suresnes et, dans un registre très différent, le quartier de La Défense, un lieu où se perdre… ou pas. Il faut aussi aller voir le port de Gennevilliers et les bords de Seine. Ce ne sont là que quelques endroits au regard de la quantité d’autres merveilles… De l’art, de l’agriculture, des forêts, mais aussi des rencontres sincères à faire. Ce n’est pas tout à fait la même chose quand on habite le 7arrondissement !

Infos pratiques : retrouvez les visites guidées d’Explore Paris de part et d’autre du périphérique sur exploreparis.com

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