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« Grand Paris », un buddy movie en passe Navigo façon Goonies

"Grand Paris", de et avec Martin Jauvat, sort en salles ce 29 mars / © Ecce Films
Grand Paris, de et avec Martin Jauvat, sort en salles ce 29 mars / © Ecce Films

Sur l’un des chantiers du Grand Paris Express, deux jeunes banlieusards trouvent une étrange pièce couverte d'une écriture mystérieuse. Voici le point de départ de « Grand Paris », une comédie signée Martin Jauvat en salles ce 29 mars qui met à l'honneur une banlieue empreinte de fantastique. Promis, vous ne verrez plus jamais la tour de Romainville de la même façon. En attendant, rencontre avec Martin Jauvat.

Si on qualifie Grand Paris de « buddy movie en passe Navigo » ou de « Goonies en Île-de-France », ça vous va ?

Martin Jauvat : Mais c’est parfait ! Pour moi, ce film, c’est « Indiana Jones et les aventuriers du RER perdu ». Indiana Jones, les Goonies, ce sont des films qui ont bercé mes jeunes années et m’ont donné envie de m’intéresser au cinéma. J’aime ce retour au cinéma de l’enfance parce qu’il permet aussi de faire un pas de côté dans le traitement de la banlieue à l’écran.

Pourquoi avoir intitulé votre film « Grand Paris » ? On sait que cette expression, encore très institutionnelle, demeure assez floue dans l’esprit des Franciliens…

Déjà parce que ça claque ! C’est un bon titre de communication pour un projet urbain et politique. Et puis parce que je trouve que cela pourrait être le nom d’une période archéologique. Les tunneliers, on peut les voir comme les vestiges d’une civilisation en train de mourir ou de naître. Le titre s’est imposé dès le début de l’écriture. Et puis c’est aussi un hommage à la chanson de Médine. Le Grand Paris, on a un peu l’impression que c’est la longueur maximale des tentacules de Paris.

On a aussi le sentiment qu’il vous tenait à cœur de montrer une diversité de paysages. Que l’Île-de-France peut désigner aussi bien du périurbain, la tour de Romainville qu’un coin de campagne…

Oui, j’avais envie de capter aussi bien des pylônes électriques que des champs ou des gares peu fréquentées. Comme dans ces films d’aventures où les héros traversent de nombreux décors en fait. Le lien entre tous ces espaces, ce sont les transports en commun, qui portent quand même très bien leur nom parce que c’est une expérience qui nous unit sur le territoire. Moi, je n’ai pas le permis. Les transports constituent le métronome de mon existence. Ce sont eux qui décident de ma vie, de l’heure à laquelle je peux partir ou rentrer de soirée.

Dans le film, votre personnage dit à un moment : « Les Yvelines, c’est le monde de Narnia ! »

Cela peut paraître inattendu mais, en créant une brèche dans le réel via le fantastique, on montre que tout devient possible. Moi ça me fatigue qu’on ne voie que des choses négatives sur la banlieue !

D’où aussi la mise en avant de ces curiosités architecturales que sont la tour de Romainville et la pyramide de Cergy…

D’autant que même les locaux connaissent mal ces monuments. Moi, je suis passionné par l’ésotérisme, l’archéologie, les mythologies disparues. Mon environnement naturel regorge de mystères. Parce qu’en Île-de-France on est plutôt bien servis côté légendes urbaines. J’avais donc envie d’évoquer la richesse de la région, de montrer qu’elle n’abrite pas que des dealers mais aussi plein de choses insolites.

Vous n’avez pas eu envie de filmer les fameux espaces d’Abraxas à Noisy-le-Grand, eux aussi très cinématographiques ?

Bien sûr, c’est un endroit trop stylé. Mais on les a déjà vus dans Brazil et Hunger Games. Et je craignais d’être écrasé par ces bâtiments qui ont déjà été beaucoup filmés. Peut-être pour le prochain film ? Et puis l’idée, ce n’était pas non plus de faire un Guide du routard de la banlieue !

Un petit bémol : vos deux héros sont des losers flamboyants, des archétypes qu’on croise très souvent dans les films sur la banlieue. Vous n’aviez pas envie de proposer autre chose ?

Cela revient à dire que je suis un cliché vivant alors ! Parce que ce personnage que j’interprète, c’est vraiment moi. Jusqu’à 25 ans, j’étais perdu et défoncé. Perdu, je le suis toujours encore un peu, même si j’ai un métier aujourd’hui. Mais, quand j’ai écrit Grand Paris, c’était ma réalité. La seule chose que je connaissais. Vous dites que c’est un archétype qu’on retrouve souvent dans les films sur la banlieue. Peut-être alors que nous aussi on se complaît dans l’image que le cinéma renvoie de nous. Il y a sans doute un côté cercle vicieux dans tout ça.

Pour vous, existe-t-il une identité de banlieusard ?

À mes yeux, cette identité varie en fonction de la ville, voire de son quartier. Si je prends mon exemple, puis-je dire que je suis un banlieusard ? Non, parce que je ne viens pas du 93 mais de Chelles, en Seine-et-Marne. Pour autant, puis-je dire que je suis du 77 ? Non, parce que je ne viens pas de Coulommiers, par exemple. En fait, j’ai l’impression d’être plusieurs choses différentes et rien vraiment. D’un quartier à l’autre, on peut avoir le sentiment d’arriver sur une autre planète. Je crois que ce qui nous rassemble, c’est l’horaire du dernier train.

Si vous deviez partager avec nous quelques adresses qui vous tiennent à cœur en Île-de-France…

Évidemment, la tour de Romainville, l’éclat de science-fiction le plus évident en Île-de-France. Ensuite le kebab Le Paradis à Chelles, le meilleur kebab du monde. Enfin la gare de la Hacquinière (Essonne). Elle est trop mignonne, elle a un côté maison des Schtroumpfs et gare du bout du monde. Et puis il y a aussi les bords de M… Ah non, cette adresse, je la garde pour moi, parce qu’après, tout le monde va se ramener et ce n’est pas l’idée !

Infos pratiques : Grand Paris. Sortie le 29 mars au cinéma. De et avec Martin Jauvat, et aussi Mahamadou Sangaré, William Lebghil, Sébastien Chassagne…

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