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Des histoires de femmes d’hier et d’aujourd’hui pour faire l’Histoire

Les Journées du matrimoine se déroulent jusqu'au 18 septembre en parallèle du festival Empow'her / © Ariane Mestre
Les Journées du matrimoine se déroulent jusqu’au 18 septembre en parallèle du festival Empow’her / © Ariane Mestre

D'un côté les Journées du matrimoine, qui rendent hommage aux créatrices d'hier trop souvent oubliées ; de l'autre le festival Empow’her à la Cité Fertile à Pantin, qui célèbre les femmes inspirantes d’aujourd’hui. Deux festivals qui se déroulent jusqu'au 18 septembre et qu'Enlarge your Paris a fait se rencontrer à travers une interview croisée de Marie Guérini, instigatrice des Journées du matrimoine, et Joséphine Py, directrice d’Empow’her France.

Comment est-ce que les Journées du matrimoine et Empow’her rendent hommage aux grandes oubliées de l’Histoire et d’aujourd’hui ?

Marie Guérini : La plupart des créatrices des siècles passés ont été connues et reconnues de leur vivant, mais effacées par la suite. Les Journées du matrimoine (JDM) essayent de réparer cela. Le mot « matrimoine » n’est d’ailleurs pas un néologisme, il existe depuis le Moyen Âge ; il a tout simplement été enlevé du dictionnaire par les académiciens ! Avec l’association HF Île-de-France, dont la vocation est de repérer les inégalités femmes-hommes dans les arts et la culture, nous essayons de mieux comprendre le présent en nous tournant vers le passé.

Joséphine Py : Au sein de l’ONG Empow’her, qui promeut l’autonomisation des femmes notamment par l’entreprenariat, nous découvrons beaucoup de parcours inspirants mais invisibles. Il y a trois ans, nous avons eu l’idée de ce festival pour mettre en lumière ces femmes qui contribuent à changer le monde. Nous partageons finalement le même objectif que les Journées du matrimoine !

Pourquoi les femmes restent-elles encore si invisibles dans la société et dans l’Histoire ?

Marie Guérini : Il existe une amputation de notre héritage culturel. C’est un système qui perdure de siècle en siècle. Car ce sont des hommes qui écrivent l’Histoire. Et c’est un cercle vicieux : plus les femmes sont rayées des livres, moins elles sont crédibilisées, à tous les niveaux de la société. On parle de George Sand et Colette mais pas de toutes les autres parce que la matière n’existe plus. Il est par exemple pratiquement impossible de se procurer les partitions de nombreuses œuvres composées par des femmes, comme celles de la pianiste Louise Farrenc. Comment un conservatoire peut-il alors la faire connaître aux enfants ? Autre exemple : si l’on peut se réjouir aujourd’hui que 61 % des étudiants en art soient des étudiantes, sur le marché professionnel, elles ne sont plus que 40 %. Ce système efface 51 % de la population des livres d’Histoire, c’est loin de constituer une minorité !

Joséphine Py : Les femmes désirent autant entreprendre que les hommes mais beaucoup plus d’hommes osent se lancer. Quand on se penche sur la proportion des femmes présentes dans les médias et les raisons de cette présence, cela questionne vraiment. Davantage de références féminines pourraient pourtant faire évoluer la société dans le bon sens.

Voyez-vous une évolution dans la mise en valeur des figures féminines au sein de la société ?

Marie Guérini : Lors de la première édition des JDM en 2015, nous nous sommes fait descendre par le public et les institutions qui considéraient qu’un tel évènement n’était pas nécessaire, que le patrimoine incluait le matrimoine. Après trois éditions, le mot « matrimoine » s’est mis à circuler, la presse a commencé à s’y intéresser, et le public a commencé à comprendre notre démarche. Puis les institutions leur ont emboîté le pas. Nous sommes désormais soutenues par de nombreuses mairies, dont celle de Paris. Les petits cailloux forment parfois des chemins praticables.

Joséphine Py : Aujourd’hui, on donne davantage la parole aux femmes ; de nouveaux modèles sont mis en avant, notamment grâce aux réseaux sociaux. Le festival Empow’her n’est d’ailleurs plus le seul festival qui célèbre l’entreprenariat au féminin. Nous en sommes très fières !

Le plafond de verre commencerait-il à se fissurer ?

Marie Guérini : On est encore loin de la parité, les résistances persistent. Même si on a l’impression que la société se montre plus mûre sur le sujet, il faut continuer à militer et travailler pour que les femmes soient présentes comme elles devraient l’être.

Joséphine Py : Le plafond de verre reste tenace. On le ressent dans les témoignages de femmes que l’on rencontre : cette impression de manque de légitimité ou les refus de financement. Comment s’émanciper dans ces conditions ? Si j’avais un conseil, ce serait de ne jamais douter de ses capacités à avoir un impact positif sur le monde. Les femmes ont un vrai rôle à jouer dans les changements de société à venir. Il faut qu’elles prennent leur place.

Infos pratiques : « Les Journées du matrimoine », jusqu’au dimanche 18 septembre dans toute l’Île-de-France. Plus d’infos sur lematrimoine.fr. Festival Empow’her, du vendredi 16 au dimanche 18 septembre à la Cité Fertile, 14, avenue Édouard-Vaillant, Pantin (93). Accès : gare de Pantin (RER E), métro Hoche (ligne 5) ou Aubervilliers-Pantin-Quatre Chemins (ligne 7), tram Ella Fitzgerald (ligne T3b). Plus d’infos sur empow-her.com

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