
Pour trouver du muguet, vous pouvez sortir dans la rue. Ou bien prendre la direction de la forêt de Rambouillet, plus vaste que Paris avec ses 145 km2. Grâce au journaliste John Laurenson et aux merveilles cartographiques de la téléphonie moderne, on vous explique comment aller en cueillir.
Depuis 2024, le journaliste et correspondant pour la BBC John Laurenson partage avec nous son regard sur la banlieue à travers la série « Le Grand Paris est une fête », en hommage au Paris est une fête d’Ernest Hemingway.
« Venez voir, le premier jour de mai, les rues de Paris, les boutonnières des hommes, les ceintures fleuries des femmes… », écrivait Colette. Folle des fleurs, la romancière racontait aussi dans Pour un herbier sa virée dans les Yvelines afin de chercher la fleur reine du printemps. Elle y découvrit un marché au muguet aux abords du château de Rambouillet où « sur les tréteaux le muguet écume et déborde, bottelé dru ».
De nos jours à Rambouillet le 1er mai, vous trouverez bien sûr des enfants qui tiennent des stands de muguet comme dans bien d’autres villes, mais surtout, les 17 et 18 mai, se tient la fête du Muguet où vous verrez une reine (cette année elle s’appelle Tania) couronnée de fleurs et portée vers le château dans une procession de chars décorés. En attendant, le château, situé à quelques minutes à pied de la gare, est un bon point de départ pour aller chasser vous-même le muguet dans la forêt de Rambouillet, deuxième plus grande forêt d’Île-de-France derrière celle de Fontainebleau (et plus grande que Paris avec ses 145 km2).
Une tradition royale
Je choisis d’explorer un coin nommé l’étang du Coupe-Gorge car le chemin qui y mène en partant du parc du château est on ne peut plus droit (compter environ 25 minutes de marche). Pour la petite histoire (qui rejoint la grande ici), c’est un roi qui est à l’origine de la tradition du muguet. Le 1er mai 1560, Charles IX s’en est vu offrir un brin lors d’une visite dans l’est de la France. Il a tellement apprécié ce geste qu’il a décidé de le reproduire, chaque printemps, en en offrant aux dames de la cour.
Je traverse une départementale et aussitôt l’allée du parc se transforme en une petite route qui plonge dans la forêt. Il y a des violettes et des bugles bleues sur les bords du chemin et, au-dessus de ma tête, des chênes énormes dont les branches montent comme des bois de cerf. Elles sont si nombreuses que c’est comme si chaque tronc portait sa propre forêt. On en oublierait presque pourquoi on est là. Le muguet, pardi.
J’explore un peu la forêt de chaque côté de la route et trouve assez rapidement quelques brins de muguet très jeunes. Il n’y a pas de fleurs encore, pas même celles encore vertes et fermées comme des choux-fleurs de lutin, mais on voit pointer la feuille, si caractéristique, si élégante. Je cherche en vain mon or blanc dans la forêt près de la petite route qui mène au Coupe-Gorge quand mon téléphone sonne.

Une odeur symbole de l’ambiance du printemps
C’est un botaniste jardinier du nom de Giulio Giorgi, Parisien de tendance italienne, qui vient de publier un livre, Botanique olfactive, dans lequel il tente, à l’aide des grands nez de la parfumerie, une classification des plantes par leurs odeurs. Je lui avais envoyé un mail pour parler de celle du muguet et le voilà qui se manifeste alors que je suis en pleine quête. La réception n’est pas bonne dans la forêt mais il finit par me dire ceci : « C’est une odeur fine et discrète, mais aussi verte et aqueuse, qui évoque vraiment l’humidité du printemps et toute cette ambiance à la fois ensoleillée et fraîche. » J’ai bien fait de le contacter, celui-là ! Curieusement, pour une fleur qui fait figure de référence, c’est aussi une fleur « muette » dont on ne sait pas extraire le parfum, m’informe-t-il, contrairement au jasmin, à la rose ou à la tubéreuse.
Arrivé à l’étang du Coupe-Gorge, j’hésite. C’est beau à gauche, c’est beau devant, c’est beau à droite. J’opte pour la droite et me retrouve (c’est un soulagement après la droiture impériale de la route jusqu’à présent) sur un sentier qui serpente sous les chênes et les charmes. Très rapidement, je vois une petite colonie de muguet au bord du chemin. Puis une autre. Il y a même quelques clochettes. Je me baisse pour les humer mais elles sont trop jeunes encore. Dans quelques jours en revanche, quand vous lirez ces lignes…
Je quitte le chemin pour aller explorer une pente boisée menant à un ruisseau. Je le longe. Un rouge-gorge chante en duo avec un coucou. Je surprends deux chevreuils. Des fleurs, il y en a plein – anémones sylvies, violettes, euphorbes, cardamines, fraises sauvages… but no muguet, no lily of the valley (c’est joli en anglais aussi).
Des mares vertes
Et puis je le vois. Comme une sorte de mare verte au pied des grands chênes. Ces mares de verdure, j’en découvre plusieurs le long du ruisseau. Ce sont des colonies de muguet, plutôt rondes et de dix mètres de large environ. Je trouve un petit espace au milieu d’un de ces grands cercles, dans l’ombre de la forêt, et je m’assieds pour contempler les petites constellations de clochettes blanches.
Est-ce que je sens leur parfum dans l’air ? J’inspire un bon coup. Oui ! Pas comme lorsque l’on glisse son grand nez d’humain entre les deux feuilles qui entourent ces fleurs délicates. Là c’est subtil. Mais oui, je les sens. Un peu comme la présence de quelqu’un qu’on ne voit pas. Je cueille un brin. C’est une mèche de cheveux sur une tête aimée. Quand l’aimé est bien chevelu bien entendu.
Je remonte du ruisseau et me retrouve sur un chemin. « Route Sommaire » est son nom. J’adore ! S’il peut y avoir une poésie de la platitude, alors on y est. En tout cas, trouvez-la, cette route Sommaire. Elle vous mènera dans ce coin béni. Sachant que, pour le reste du parcours, je vous ai semé quelques petits cailloux numériques que vous pouvez suivre.
Infos pratiques : la forêt de Rambouillet est accessible depuis la gare de Rambouillet (ligne N, TER). L’itinéraire de la balade est à retrouver sur openrunner.com

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30 avril 2025 - Rambouillet