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Une Banque du miel pour illustrer le dialogue entre la nature et la ville

Olivier Darné, fondateur du Parti Poétique à Saint-Denis, a fondé la Banque du miel en 2010 pour illustrer le dialogue entre la nature et la ville / © Zone sensible - Parti Poétique
Olivier Darné, fondateur du Parti poétique à Saint-Denis, a créé la Banque du miel en 2010 pour illustrer le dialogue entre la nature et la ville / © Zone sensible – Parti poétique

Avec plus de 120 ruches et près de 9 millions d’abeilles élevées à Saint-Denis, la Banque du miel, créée en 2010, vise à illustrer la richesse des écosystèmes en ville. Ce qu'explique Olivier Darné, son fondateur et créateur du Parti poétique.

Cette tribune est tirée de la revue en ligne Arpenter dont le 1er numéro est sorti en septembre sous la houlette d’In Seine-Saint-Denis

Olivier Darné, créateur de la Banque du miel et fondateur du Parti poétique à Saint-Denis

Le miel est le point exact de croisement et de concentration du monde animal et végétal. Incapable d’en produire lui-même, devant le miel, l’homme en devient alors le spectateur et le prédateur ultime. Avec le Parti poétique et pour les humains qui n’ont pas encore conscience que les abeilles sont leur « assurance vie », en 2008, en synchronisation avec une crise financière mondiale, nous avons mis en œuvre les conditions d’un nouveau projet artistique, plus radical et politique, à la croisée des crises économiques et écologiques que nous vivons et dont les abeilles meurent.

Si nous imaginions un projet qui utiliserait le miel, l’argent, la mort et le temps comme les révélateurs de l’absurdité moderne du monde ? Les abeilles seraient donc les nouveaux indicateurs de richesse des territoires. Elles indiqueraient en quantité de miel la richesse des écosystèmes et leur vitalité. Car, si un paysage qui fait du miel est un paysage qui va bien, le miel ne serait alors plus la finalité du projet, mais bien le révélateur de son équilibre et de sa vitalité. Comment lire l’illisible ? Jusqu’où s’étend la mort chez les oiseaux, les abeilles, les sols et les rivières pour produire une seule unité de céréale dans le monde des hommes ?

Si l’agriculture dite conventionnelle cherche aujourd’hui à lire le paysage et sa rentabilité à travers un tableau Excel, cette agriculture industrielle qui cherche à nourrir les villes investit les lieux et produit des courbes de rentabilité proportionnelles aux courbes de mortalité des abeilles. L’argent produirait donc de la mort. Considérant que modestement un projet artistique pouvait éclairer cette relation au monde et qu’il convenait d’utiliser le monde des abeilles et le monde économique comme deux révélateurs de cette nouvelle absurdité, le projet à créer devenait une banque, une banque d’un type nouveau.

« La Banque du miel est créée en 2010 entre la France et la Suisse, à Grenoble et Genève, et avec elle un nouvel outil financier : le compte épargne abeilles »

Ainsi donc proposai-je comme pari de considérer que, si le monde contemporain considérait comme normal pour produire de l’argent de produire de la mort, un projet artistique serait-il en mesure de considérer l’inverse ? Peut-on produire de la vie avec de l’argent mort ? La Banque du miel est créée en 2010 entre la France et la Suisse, à Grenoble et Genève, et avec elle un nouvel outil financier : le compte épargne abeilles. 
Littéralement : un compte pour épargner les abeilles.

L’aventure est considérable et va au-delà de nos espérances. La Banque du miel est un projet qui produit de l’énergie et du mouvement avec plus de 2 500 sociétaires entre la France, la Suisse, les Pays-B et la Norvège. C’est aujourd’hui plus de 120 ruches, près de 9 millions d’abeilles élevées à Saint-Denis (devenu le plus grand rucher en milieu urbain d’Europe), un site de production de vie aux Pays-Bas à La Haye, au Centre d’art contemporain Stroom Den Haag, et la Banque de reines à Saint-Denis qui produit chaque année un « fonds de garantie » de reines et d’essaims pour les apiculteurs.

« La Banque du miel cherche à produire ce que nous aimerions que produise la ville : de la richesse et du collectif plutôt que de l’argent et de la solitude »

Finalement, la Banque du miel cherche à produire ce que nous aimerions que produise la ville : de la richesse et du collectif plutôt que de l’argent et de la solitude. En 2020, je reprends le projet la Banque du miel pour lui imaginer une suite logique et naturelle en pariant sur le temps long, le seul temps qui vaille quand on se relie au vivant. Cette nouvelle étape s’écrit entre deux territoires et deux départements, la Seine-Saint-Denis et les Bouches-du-Rhône. Depuis Saint-Denis et Arles, ce projet, qui s’appelle « Trésors publics », engage le Parti poétique sur un processus artistique et écologique pour les 20 prochaines années. Et c’est très enthousiasmant.

Depuis 1996 et mes premiers dialogues avec les abeilles, j’habite à présent la ville d’une façon nouvelle, en posant des abeilles et des installations sur les trottoirs des villes, comme on pose une question sur une feuille de papier. Et très souvent, c’est étonnant, les abeilles ont la réponse…

Plus d’infos sur banquedumiel.org

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