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Les propositions de 9 associations pour mieux se déplacer dans le Grand Paris

Marquage au sol de la ligne V1 du projet de réseau Vélopolitain à Paris le 12 décembre par un collectif d'associations / © Paris en selle
Marquage au sol de la ligne V1 du projet de réseau Vélopolitain à Paris le 12 décembre par un collectif d’associations / © Paris en selle

A trois mois des élections municipales, et alors que les grèves continuent d'impacter la mobilité des Grand-Parisiens, nous publions le manifeste de neuf associations ayant souhaité interpeller les candidats au sujet de la place du vélo, de la marche, des transports en commun et de la voiture dans la métropole.

Manifeste signé par France Nature Environnement, Rue de l’Avenir, 60 millions de piétons, Mieux se déplacer à bicyclette, l’Association des usagers des transports, la Fédération française de randonnée pédestre, Paris en selle, Alternatiba Paris et La Seine n’est pas à vendre

Les habitants de Paris et de son agglomération souhaitent, dans leur grande majorité, vivre et travailler dans des villes apaisées, en favorisant pour cela la pratique de la marche, du vélo et l’usage des transports collectifs. Les propositions qui suivent concernent un partage plus équitable de l’espace public et des déplacements plus frugaux et plus respectueux de l’environnement. Elles s’inscrivent dans une recherche de transparence et de dialogue entre les acteurs parisiens et métropolitains et la participation des habitants en mettant en œuvre des procédures de concertation adaptées.

Elles ont pour objectif de soutenir les décisions qui seront prises après les Municipales, notamment à travers les documents d’urbanisme, le plan de déplacement urbain d’Île-de-France, les plans climat air énergie et la mise en œuvre des zones de circulation restreinte, les opérations d’aménagement, les arrêtés municipaux dans le cadre des pouvoirs de police des maires.

Apaiser la ville

La réduction du nombre et de la vitesse des voitures et des deux-roues motorisés permet de fluidifier la circulation, réduire les embouteillages et les nuisances environnementales et favoriser le vivre ensemble en limitant l’usage de la voiture aux déplacements et aux personnes pour lesquelles elle est absolument nécessaire.

Le plan de circulation parisien actuel, qui a été conçu en référence à la voiture, oppose entre eux les modes alternatifs : si on en favorise un, c’est souvent au détriment de l’autre, du fait que l’espace qui leur est réservé est limité. Il faut concevoir un « plan de circulation » organisé essentiellement en fonction des trois modes les mieux adaptés à la ville qui sont la marche, le vélo et les transports collectifs. Les déplacements motorisés individuels, qui occupent encore aujourd’hui 50% de la voirie tout en ne couvrant que 15% des déplacements, prendront la place qui reste après mise en place d’une nouvelle hiérarchie des modes de déplacement.

En complément d’une communication indispensable sur les règles du « Code de la Rue » (nouvelles règles du code de la route en faveur des usagers vulnérables mises en place par les pouvoirs publics), une des missions essentielles de la police municipale à Paris doit être de faire respecter par la pédagogie et la sanction les règles d’usage de la voirie (trottoirs, couloirs réservés, pistes cyclables…). L’utilisation actuelle de la vidéosurveillance en matière de gestion de la circulation doit impérativement être complétée sur le terrain par le déploiement d’effectifs mobiles, visibles, jouant un triple rôle d’éducation, de prévention et de répression si nécessaire ; ils doivent être formés, sensibilisés à ces questions, et recevoir des instructions claires et précises.

Nos propositions à l’échelle de l’agglomération :

– Modérer la vitesse à 30 km/heure dans les secteurs urbanisés denses et réaliser des aménagements rendant l’environnement compatible avec cette mesure ;

– Multiplier les zones à faible circulation et les zones de rencontre et communiquer sur ces outils auprès de la population ;

– Mettre en place un plan métropolitain avec son programme de financement, de traitement des coupures urbaines et mettre en œuvre des continuités piétonnes et cyclables en cohérence avec les schémas existants ;

– Prendre en compte les usagers vulnérables à travers des audits de sécurité des aménagements;

– Offrir des équipements nécessaires au confort des usagers : bancs, fontaines, toilettes…

Nos propositions à l’échelle de Paris :

– Elaborer un « plan de circulation » ;

– Poursuivre la reconquête des grandes places parisiennes, réaménager les carrefours en prenant en compte les besoins des piétons, des cyclistes et des usagers vulnérables ;

– Faire respecter les règles d’usage de la voirie par la police municipale et verbaliser toutes les infractions ;

– Mettre en place une commission « Espace public », réunissant experts et usagers, et augmenter les budgets d’entretien de la voirie et des espaces verts ;

– Développer la piétonisation dans des nouveaux quartiers ;

– Inclure systématiquement dans la définition de tout grand projet urbain (telles que la ZAC Bercy – Charenton, la gare du Nord, la tour Maine-Montparnasse, la tour Triangle dans le 15e) son accessibilité à pied, à vélo et en transport collectif.

Les berges de Seine piétonnes à Paris / © Jeanne Menjoulet (Creative commons - Flickr)
Les berges de Seine piétonnes à Paris / © Jeanne Menjoulet (Creative commons – Flickr)

Promouvoir la marche

La marche concerne l’ensemble de la population. Elle doit être considérée comme un droit et les conditions de sa pratique assurées pour tous les citoyens, notamment pour les séniors en raison du vieillissement de la population et pour les plus jeunes en qui concerne le chemin de l’école. La pratique de la marche est nécessaire pour la santé des habitants et pour la convivialité de nos quartiers. La sécurité des piétons, par ailleurs, est une priorité.

Il s’agit de reconnaître la marche d’utilité publique, de lancer un « plan marche » et d’obtenir une meilleure prise en compte des personnes à mobilité réduite et des enfants dans les déplacements à pied, dans le cadre des plans de mise en accessibilité et lors des opérations d’aménagements des espaces publics ; appliquer ce plan à l’échelle de la métropole en concertation avec les citoyens et les associations.

Nos propositions à l’échelle de l’agglomération :

– Soutenir la mise en place d’un plan « marche » national et appliquer sa déclinaison à l’échelle de la métropole de façon à assurer les continuités piétonnes. Evaluer ce plan ;

– Sanctuariser le trottoir (pas de voitures, de deux-roues motorisés, de trottinettes motorisées ni de vélos, sauf ceux des enfants), soutenir l’inscription d’une définition du trottoir dans le Code de la route ;

– Organiser le stationnement des deux-roues motorisés en dehors du trottoir et le rendre payant ;

– Limiter la circulation aux abords des écoles ;

– Définir la « circulation au pas » et la fixer à 4km/h ;

– Créer de bonnes conditions d’éclairage la nuit notamment en traversée de chaussée (éclairer les trottoirs plutôt que la chaussée et les abords du passage piéton plutôt que le passage en lui-même).

Nos propositions à l’échelle de Paris :

– Réguler les « engins de déplacement personnels à moteur » (véhicules légers à traction électrique) de façon stricte et sanctionner les infractions au dispositif règlementaire qui doit remplacer la charte de bonne conduite mise en place par la Ville de Paris ;

– Accélérer la mise en œuvre du Plan piéton et veiller à la largeur des trottoirs.

Une rue à Paris / © Tommy Pouilly (Creative commons - Flickr)
Une rue à Paris / © Tommy Pouilly (Creative commons – Flickr)

Soutenir la pratique du vélo

Le développement de la pratique du vélo implique de répondre à la demande d’une majorité de personnes de se sentir en sécurité. Aucun débutant, aucun parent accompagné d’enfants ne souhaite rouler à vélo au milieu d’un flot ininterrompu de voitures. Sur les axes à forte circulation, il faut donc créer des pistes cyclables larges continues, séparées physiquement des piétons et des voitures. Dans les quartiers résidentiels, un partage de la chaussée est possible, à condition de rediriger le trafic de transit source de bruit, de pollution et d’insécurité vers les grands axes.

En plus d’abaisser la vitesse, la réduction du nombre de véhicules dans les quartiers résidentiels est en effet un facteur clé pour améliorer le cadre de vie. Cela suppose de modifier le plan de circulation, par la mise en sens unique de certaines rues ou la création d’impasses, tout en maintenant la possibilité pour les cyclistes de rouler dans les deux sens de circulation.

Peu d’habitants vivent dans la commune où ils travaillent. Il est donc également nécessaire de créer un réseau express vélo entre les communes du grand Paris, permettant de relier sans interruption les pôles d’activités et les zones résidentielles sur le modèle du métro et du RER, offrant ainsi une alternative crédible aux déplacements motorisés.

Après l’insécurité, le vol est aujourd’hui l’un des principaux obstacles à la pratique du vélo. Il est nécessaire de proposer systématiquement aux cyclistes du stationnement sécurisé. Cette offre doit viser en premier lieu les grands pôles d’activité et de transport. Elle favorise l’intermodalité entre le vélo et les transports en commun, mais aussi l’attractivité de ces pôles où se concentrent habitants et activités économiques.

Favoriser le vélo comme la marche implique d’encourager ces modes de déplacement dès le plus jeune âge. L’apprentissage du vélo à l’école et dans les centres de loisirs permet d’encourager une pratique physique régulière et participe à l’épanouissement et à l’autonomisation des jeunes.

Nos propositions à l’échelle de l’agglomération :

 – Créer un réseau vélo métropolitain ;

– Généraliser dans les zones 30 les double-sens cyclables ;

– Généraliser les cédez-le-passage cyclistes aux feux ;

– Proposer systématiquement du stationnement vélo sécurisé dans les gares et dans les pôles d’activités ;

– Apporter une aide aux écoles qui veulent acheter des vélos et créer des pistes d’apprentissage ;

– Aider à la mise en place de « pédibus » et de « vélobus » (groupes d’enfants accompagnés se rendant à l’école à pied ou en vélo) ;

– Favoriser le développement des vélo-écoles pour encourager la pratique du vélo.

 Nos propositions à l’échelle de Paris :

– Sur l’ensemble des grands axes, réaliser des pistes cyclables protégées (séparées des voitures et des piétons) continues et identifiables ;

– Dans les quartiers résidentiels, mettre en place un plan de circulation permettant un cadre de vie apaisé en redirigeant le trafic de transit vers les grands axes.

© Romain Kersulec (Creative commons - Flickr)
Un cycliste à Paris /© Romain Kersulec (Creative commons – Flickr)

Rendre les transports publics plus attractifs

Le métro d’une part – qui est peu accessible -, un réseau cyclable d’autre part – qui ne constitue pas une réponse pour tous et à tout moment -, ne peuvent à eux-seuls offrir une solution de rechange à la voiture. Il faut rendre le transport collectif de surface beaucoup plus attrayant qu’il ne l’est aujourd’hui sur les aspects performance, fiabilité, lisibilité, intermodalité, confort de l’attente, ouverture sur la ville.

Nos propositions à l’échelle de l’agglomération :

– Reconfigurer les voiries lourdes – notamment les radiales d’accès aux portes de Paris et les grandes rocades – en réduisant la surface dédiée au véhicules motorisés et en développant des transports collectifs sur l’espace reconquis ;

– Renforcer l’interconnexion Paris-banlieue en mettant en place dans les meilleurs délais tous les prolongements en banlieue prévus dans le plan de restructuration des bus parisiens approuvé début 2019 ;

– Améliorer l’intermodalité entre les différents modes de transport, notamment autour des nouvelles gares du Grand Paris Express ;

– Développer le transport à la demande ;

– Améliorer progressivement l’accessibilité du métro à tous, quelle que soit la capacité physique ;

– Réduire la pollution liée notamment au freinage des rames ;

– Accompagner la transformation envisagée du périphérique en boulevard urbain d’une analyse approfondie des nouveaux besoins de déplacement engendrés par la densification des quartiers desservis.

 Nos propositions à l’échelle de Paris :

– Assurer la fluidité de fonctionnement de toutes les lignes de bus en les séparant de la circulation automobile (ou en interdisant celle-ci si nécessaire) sur chaque tronçon où elle ralentit de façon sensible leur marche ;

– Ne plus dissocier les trajets aller et retour sur le réseau de bus. Leur réassociation sur de nombreux tronçons – quitte à détourner la circulation automobile – créerait une forte incitation à utiliser le bus et à alléger ainsi la charge du métro ;

– Sur les pôles de correspondance – en particulier les abords des gares, les nœuds de métro, les portes de Paris, les grandes places -, revoir l’emplacement des arrêts de bus de façon à réduire le plus possible la pénibilité des changements ;

– Mieux protéger les abris voyageurs contre les intempéries et augmenter l’offre en places assises, dans l’abri ou à proximité ;

– Inciter les touristes à utiliser les transports collectifs et beaucoup mieux réglementer les cars de tourisme, en particulier leur stationnement. 

Quai du métro parisien / © Barnyz (Creative commons - Flickr)
Quai du métro parisien / © Barnyz (Creative commons – Flickr)

De la voiture reine à la voiture utile

La réduction du trafic motorisé a pour but de limiter la pollution atmosphérique et sonore et ainsi de préserver la santé des habitants. Elle rend possible l’adoption d’une nouvelle hiérarchie des modes. Une règlementation très stricte, avec une forte incitation à utiliser des solutions économes en espace et en énergie, doit être établie pour les véhicules utilitaires, et plus généralement pour ceux qui ne peuvent se passer d’un véhicule motorisé pour leur travail ou du fait de leur situation de handicap, et qui sont les principales victimes des conditions de circulation actuelles.

Pour le déplacement motorisé individuel des personnes, toutes les formes de partage sont à encourager : autopartage, covoiturage et taxis considérés comme un service complémentaire au transport collectif.

Nos propositions l’échelle de l’agglomération :

– Limiter l’excès de l’utilisation de l’automobile en incitant au report de mode pour les trajets courts, compris entre un et trois kilomètres ;

– Limiter le transit des poids lourds, prolonger l’effort de mise en place des plateformes d’échanges et délester le boulevard périphérique ;

– Reconsidérer les conditions de fonctionnement des taxis (attractivité, visibilité, coût…).

 Nos propositions à l’échelle de Paris :

– Actualiser les réflexions en faveur d’une logistique durable et mettre en œuvre les actions prévues par une charte qui favorise l’usage de la voie ferrée et de la voie d’eau ainsi que les véhicules légers non polluants pour la desserte du dernier kilomètre.

Les Champs-Elysées à Paris / © Constantine H. (Creative commons - Flickr)
Les Champs-Elysées à Paris / © Constantine H. (Creative commons – Flickr)

Les associations signataires :

France Nature Environnement :

 FNE Paris est une fédération d’associations et de collectifs parisiens mobilisés pour la défense de l’environnement et du cadre de vie à Paris. Mais c’est aussi une structure ouverte aux adhérents individuels qui veulent rejoindre nos actions. FNE Paris est la branche parisienne de FNE Ile de France. FNE Paris adhère aux valeurs portées par l’association nationale FNE

Rue de l’Avenir :

Pour une ville plus sûre et plus agréable à vivre : Rue de l’Avenir s’engage depuis 30 ans pour une meilleure qualité de l’espace public, pour le développement de la marche et du vélo et pour la réduction du nombre et de la vitesse des voitures en ville.

60 millions de piétons :

L’objectif de notre association est de parvenir à restituer aux usagers vulnérables du trottoir (piétons, etc..) l’exclusivité de cette portion de voie publique. De nombreuses démarches ont été accomplies, par notre association, parfois seule, parfois en coordination avec des collectifs, tel le « Collectif pour une France accessible »  qui regroupe une trentaine d’associations. 

Mieux se déplacer à bicyclette :

Mieux se déplacer à bicyclette (MDB) est la première association cycliste francilienne. Nous avons la conviction que le vélo est la solution pour se déplacer dans toute l’Île-de-France. Notre objectif : que chacun puisse utiliser son vélo de manière efficace, agréable et sécurisée. Que ce soit pour aller au travail, faire ses courses, rouler avec ses enfants ou encore pour se balader.

Association des usagers des transports :

Pour des transports plus efficaces, des déplacements plus agréables et des voyageurs mieux écoutés.

Fédération française de randonnée pédestre :

La Fédération française de randonnée est délégataire de la pratique de la randonnée pédestre, en définit les normes et entretient son « stade », un réseau dense de sentiers sur le territoire national. Elle est représentée par 115 comités régionaux et départements de la randonnée pédestre, regroupant ainsi 3 500 associations ou clubs locaux dont celui de Paris. 

Paris en selle :

Depuis sa création en 2015, l’association Paris en selle agit pour faire de Paris une métropole cyclable. L’association, qui compte aujourd’hui plus de 1300 adhérents, a essaimé dans la petite couronne et des groupes locaux dynamiques font désormais bouger les politiques cyclables des villes de Pantin, Montreuil, ou Plaine Commune.

Alternatiba Paris :

Alternatiba Paris est un collectif qui s’est donné pour objectifs de promouvoir les alternatives à la transition écologique et lutter pour la justice climatique.

La Seine n’est pas à vendre :

Notre association, La Seine n’est pas à vendre, s’est donné comme objectif de contribuer à l’élaboration d’une vision respectueuse et dynamique du fleuve et de ses affluents, à Paris, dans la métropole parisienne et dans l’ensemble de sa vallée. Elle s’est définie lors de sa création, en juin 2018, à la fois comme lanceur d’alerte, force de propositions, rassembleur d’idées et de projets.

A lire : Des cyclistes proposent la création d’un réseau vélopolitain à Paris