Alors que les yeux du monde seront rivés cet été sur la Seine où des épreuves de nage des JOP devraient se tenir, une autre initiative – moins médiatique – vise, elle aussi, à se réapproprier le fleuve et ses canaux. Depuis 2018, l’Odyssée réussit à transformer des néophytes en constructeurs de bateaux et en navigateurs. Les chantiers navals seront ouverts aux curieux dans quelques jours.
Masques anti-poussière, combinaison de protection et ponceuses en main, en cet après-midi de début de printemps, Fatoumata, Céléna et Louis font partie de la dizaine de jeunes réunis dans un atelier de menuiserie, au sein du tiers-lieu Césure, dans le 5e arrondissement de Paris. Orientés par France Travail ou par leur mission locale, ils ont été sélectionnés parmi une cinquantaine de candidats pour rejoindre ce chantier d’insertion encadré par Etre Paris – une école de la transition écologique qui propose des formations gratuites aux 16-25 ans dans les métiers « autour des métiers verts et verdissants » pendant une semaine à un an.
La mission de ce groupe pendant six semaines : construire un petit bateau à voile qui s’élancera sur le canal de l’Ourcq en juin, et sur la Seine en septembre. Âgés de 15 à 21 ans, ces jeunes n’avaient jusqu’ici aucune expérience en menuiserie. Le modèle en bois qu’ils construisent n’en nécessite d’ailleurs pas particulièrement. Conçu par l’atelier de conception navale BOW, ce bateau en kit prédécoupé se monte un peu comme un meuble Ikea, à partir d’un plan de construction, d’un manuel de fabrication, de colle et de résine. Léger et maniable, il est tractable sur une remorque à vélo… qui le conduira jusqu’à l’eau. En l’occurrence sur le canal de l’Ourcq à Pantin le samedi 22 et le dimanche 23 juin, et sur la Seine le 22 septembre prochain.
À l’origine de ce projet un peu fou : l’association La Guinguette pirate, qui a eu pour douce utopie il y a cinq ans d’œuvrer à une meilleure appropriation du fleuve et des canaux par les Franciliens. Si les berges sont devenues de nouveaux territoires, que la baignade devient progressivement envisageable, pendant longtemps les seules options qui s’offraient étaient d’aller boire un verre sur une péniche ou de jouer les touristes sur un bateau-mouche. Le champ des possibles s’élargit avec l’Odyssée, à la fois régate et grosse fiesta. Au programme notamment : balades en kayak, concerts flottants, ateliers créatifs, conférences, ateliers, grand air…
Du côté des stagiaires du jour, l’horizon se dégage aussi. Louis pensait un temps devenir directeur artistique ; Fatoumata, elle, avait décroché une licence en communication visuelle. Tous deux envisagent désormais une reconversion vers un métier plus manuel, le chantier les ayant confortés dans leur souhait d’entreprendre un CAP menuiserie ou ébénisterie. D’autres apprentis connaîtront peut-être aussi une révélation lors de la suite du chantier à L’Île-Saint-Denis, où deux bateaux doivent encore voir le jour. Avec à chaque fois une identité graphique ultra-singulière. Ainsi, le bateau construit dans le 5e arrondissement a été baptisé Aguila (aigle en espagnol). Il aura comme notamment pour concurrents Perla (et ses carpes rouges japonisantes), Belle Étoile (reconnaissable à ses tentacules) ou Belle Luga (recouverte de végétaux). Une course qui s’annonce particulièrement graphique.
Infos pratiques : Portes ouvertes du chantier de L’Île-Saint-Denis le mercredi 17 avril de 16 h 30 à 17 h 30, à l’Espace du futur tiers-lieu, 8, rue Berthelot à L’Île-Saint-Denis (93). Parade du bateau le 27 avril et cérémonie de mise à l’eau le 6 juillet. La Régate : acte I sur le canal de l’Ourcq le samedi 22 et le dimanche 23 juin, place de la Pointe à Pantin. Acte II sur la Seine, le 22 septembre du 13e arrondissement à Sèvres (92). Toutes les infos sont à retrouver ici.
Lire aussi : « La baignade est un moyen de se réapproprier l’espace public »
Lire aussi : Avec « Ménage ton canal », la propreté devient l’affaire de tous
Lire aussi : La baignade urbaine : le grand défi
7 avril 2024 - L'Ile Saint-Denis
