Société
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Le Grand Paris, une cocotte-minute à imaginaires

Pour le premier anniversaire de la métropole du Grand Paris, nous avons demandé à des Grand-Parisiens de partager, tout au long du mois de janvier, leur vision de ce Paris élargi. Et cette fois, ce sont les dealers d'imaginaires de chez pop-up urbain qui s'y collent.

Margot Baldassi, Philippe Gargov et Chloé Rotrou de pop-up urbain, cabinet de conseil en prospective urbaine

Qu’est-ce que l’imaginaire sinon ce qui donne corps aux territoires ? Et de fait, comment donner corps à quelque chose d’insaisissable ? L’enjeu est de taille, et l’on tend secrètement à penser que les décideurs n’en perçoivent pas l’importance cruciale.

Alors, quels sont les imaginaires du Grand Paris ? La question nourrit, depuis des années voire des décennies, les débats relatifs à la cohésion symbolique de ce territoire particulièrement hétérogène. Mais existe-t-il seulement un imaginaire du Grand Paris ? A cette interrogation les réponses sont diverses, mais frôlent plus souvent le scepticisme que l’affirmative. « Il manque un imaginaire au Grand Paris », assénait ainsi Rémi Babinet, cofondateur de l’agence de pub BETC récemment installée à Pantin, dans une interview publiée en septembre dernier.

Montreuil / © Manolo Mylonas
Montreuil / © Manolo Mylonas

 

Une grande diversité d’imaginaires

Il suffit pourtant d’effectuer une rapide recherche sur les œuvres de fiction (du cinéma à la bande dessinée, en passant par les créations musicales en tous genres) incarnant les territoires franciliens pour s’en convaincre en un clic : l’agglomération parisienne regorge d’imaginaires divers et variés. Allant du tissu pavillonnaire aux utopies de béton rétrofuturistes, en passant par la toponymie de la banlieue rouge ou les espaces verts les plus méconnus, ce foisonnement topographique et culturel attire et draine les créateurs du monde entier. Depuis le plus modeste écrivain jusqu’aux immenses blockbusters hollywoodiens (Hunger Games : la révolte partie 2, dont quelques scènes ont été tournées à Ivry et Noisy-le-Grand) ou même indiens (Befikre, sorti fin 2016, premier Bollywood entièrement tourné en France, dont l’essentiel à Paris et en Picardie), le Grand Paris s’écrit et s’exporte comme des petits pains.

 

Ce n’est pas qu’il « manque un imaginaire » au Grand Paris, mais plutôt que celui-ci se révèle bien trop foisonnant pour qu’on puisse l’embrasser d’un seul tenant. L’imaginaire du Grand Paris existe déjà et n’attend que d’être redécouvert, compris, alimenté pour se propager.

D’ailleurs, quelle métropole pourrait raisonnablement se cacher derrière un seul masque englobant ? Réduire la figure de Paris à une avenue Haussmannienne ou une péniche voguant en direction de la Tour Eiffel est aussi simpliste que d’abréger Tokyo au carrefour Hachikō de Shibuya. Les métropoles du monde entier regorgent de caractères et de lieux, aucune n’oserait dissimuler ses sublimes et multiples aspérités.

Le Grand Paris n’a pas attendu la métropole pour exister

Que l’on dénonce à tort et à travers le fait que Paris s’est faite devancer par Londres, New York ou Tokyo ne fonctionne qu’en termes administratifs et politiques. Le projet de développement du Grand Paris est en marche. On lui demande donc avant tout de répondre à ses ambitions formelles en corrigeant certains défauts ancrés dans l’Histoire du territoire. Pour le reste, on le redit : le Grand Paris préexiste culturellement, socialement et géographiquement à cette unité administrative et politique en construction.

Pourtant, le fait qu’il ait fallu attendre la fin des années 2000, avec feu la revue Mégalopolis puis Enlarge Your Paris, pour qu’il existe un média dédié à la cohésion de notre insularité parisienne en dit long sur ces lacunes qui persistent. Sur un plan plus prospectif, on rappellera que les scénarios les plus intéressants n’ont pas été imaginés par des Franciliens, mais par les provinciaux géniaux de l’agence Deux Degrés avec leur Petit Paris, fascinant plaidoyer qui aurait dû interroger les élus du sérail.

Le Grand Paris est un peu comme une cocotte-minute à imaginaires, dans lequel on a jeté tous les ingrédients du territoire pour concocter la meilleure tambouille possible. A ceci près que personne, pour l’heure, n’a décidé d’allumer les plaques. Ou, pour paraphraser nos camarades d’Enlarge your Paris : L’imaginaire du Grand Paris « reste encore à raconter ». Qui s’en chargera ?

 

A lire également les autres tribunes publiées à l’occasion du premier anniversaire du Grand Paris : Pour un Grand Paris ploufable, Pour un  Grand Paris qui joue collectif