Votre attention s'il vous plaît : le Mac Val organise son Festival des attentions les 23 et 24 mars. L'occasion de ralentir et d'apprendre à regarder les œuvres autrement. Anne-Sophie Grassin, responsable de l'équipe des publics, des actions culturelles, de la médiation et du développement des publics, nous en dit un peu plus.
Quel sens ce mot « attention » revêt-il ?
Anne-Sophie Grassin : C’est en effet un mot polysémique ! On peut prêter une attention, fixer son attention, être attentif ou être attentionné… Ce festival parle d’abord de penser cette attention dans une relation aux œuvres. Il faut savoir que le temps moyen d’observation des œuvres d’art est aujourd’hui internationalement évalué à moins de 8 secondes ! Derrière ces difficultés à se concentrer face à une œuvre, on assiste inévitablement à un émiettement du sens de nos visites au musée. Car, sans attention, pas de concentration ; sans concentration, il est impossible d’entrer en relation avec une œuvre. Nous souhaitons souvent des chocs esthétiques mais, pour cela, encore faut-il apprendre à regarder ! On apprend à lire au plus jeune âge mais on n’apprend pas à regarder une œuvre. Pourtant, cela force à être plus ancré, à faire une chose à la fois, ce qui n’est pas une mince affaire aujourd’hui. Le Festival des attentions propose une approche plus sensible afin de nous rendre plus présent face aux œuvres mais aussi face à nous-même. De manière très générale, le Festival des attentions consiste déjà à prendre conscience de notre attention, qui est bien trop souvent l’objet de la société de consommation. Le musée peut être un antidote à tout ça. Nous voulons apporter de la qualité de présence. Nous sommes persuadés que l’art peut faire du bien. Prendre conscience de son attention, c’est aussi prendre soin de soi, par les œuvres.
Concrètement, que proposerez-vous lors de ce festival pour améliorer notre attention face à l’art ?
Ce festival sera en réalité un laboratoire des médiations. La visite ne sera pas la visite guidée habituelle. En revanche, on proposera de ralentir le rythme, par exemple avec des « plongées » : cela consiste à se pencher sur une seule œuvre – de notre collection « L’œil vérité » – pendant une demi-heure. Il y aura aussi des « récits d’attentions », soit des capsules sonores permettant d’écouter sur son smartphone les paroles d’un philosophe, d’une écrivaine, d’une pédopsychiatre spécialiste des troubles de l’attention. Nous avons également fait appel à des performeurs qui vont nous montrer comment étirer le temps à travers des interventions dans le public. Un autre temps fort nous tenait à cœur : une « slow visit » par Juliette Verga Laliberté, hypnologue, qui utilise des outils propres à l’hypnose. Il y aura également une « cérémonie du regard » avec Véronique Andersen, une des premières historiennes de l’art à avoir théorisé la crise de l’attention au musée. Par différentes techniques, elle invitera des petits groupes à recentrer leur regard et dialoguer ainsi autrement avec les œuvres. Pour les plus jeunes – entre 6 et 10 ans –, nous proposerons des « ateliers attentionnels » le dimanche : des moments où l’on va réfléchir de manière ludique à la concentration.
Vous parlez de laboratoire. Serez-vous tentée de pérenniser ce type de médiations ?
L’attention étant un vrai sujet de société, nous avons évidemment envie de renouveler l’expérience. L’an prochain, la forme sera différente. Mais, de manière plus générale, cela fait partie de la politique d’actions culturelles du Mac Val que de penser à de nouvelles formes de médiation culturelle. Nous sommes toujours en réflexion !
Sentez-vous l’émergence d’un mouvement plus général dans les musées vers une plus grande attention du public ?
Depuis une dizaine d’années, nous observons clairement un tournant sensible dans l’approche des œuvres dans les musées. Les visiteurs continuent certes à lire les cartels mais sont également désormais en recherche d’expériences. On voit la multiplication des formats de visites davantage tournées vers les émotions, les sens, les corps, les imaginaires. Au Mac Val, nous défendons ce type de médiation sensible. C’est une tendance que l’on observe dans de nombreux musées. Il existe même désormais des ordonnances muséales prescrites à certains patients. Car, oui, les œuvres peuvent nous soigner ! Et le soin, c’est aussi de l’attention, que ce soit au corps ou au psychisme. La boucle est bouclée.
Infos pratiques : Festival des attentions, au Mac Val, musée d’Art contemporain du Val-de-Marne, place de la Libération, à Vitry-sur-Seine (94). Samedi 23 et dimanche 24 mars de 11 h à 18 h. Tarifs : de 2,50 € à 5 €. Accès : tram T9 arrêt Mac Val, métro Villejuif–Louis Aragon (ligne 7), gare de Vitry-sur-Seine (RER C). Tél. : 01 43 91 64 20. Plus d’infos sur macval.fr
21 mars 2024 - Val-de-Marne
