Société
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Pour qui votent les Franciliens ?

Bien que le jeu des pronostics soit rendu particulièrement difficile cette année, le géographe Laurent Chalard dresse les tendances électorales en Île-de-France.

Isoloir / © Clémentine Gallot

 

Laurent Chalard, géographe

A moins de deux mois des élections présidentielles, malgré la persistance d’une plus grande incertitude que par le passé du fait de l’affaire Pénélope Fillon, de l’émergence d’un candidat centriste qui pourrait faire un score inédit, et d’une plus forte volatilité de l’électorat, il est néanmoins possible de tenter de dessiner à quoi pourrait ressembler la géographie électorale de la région Île-de-France au soir du premier tour, étant donné l’existence d’une certaine inertie dans les profils de vote des territoires.

La ville-centre de Paris, qui se caractérise par un vote de plus en plus à gauche depuis les années 1990 devrait, sans surprise, de nouveau reporter ses voix vers des candidats de gauche, mais probablement beaucoup plus vers Emmanuel Macron, dont le programme libéral-libertaire correspond pleinement aux élites mondialisées très présentes dans la capitale, que vers Benoît Hamon, qui incarne un socialisme plus étatique, plus susceptible de séduire les petits fonctionnaires, moins représentés dans Paris intra-muros.

Dans les banlieues « chics » de l’ouest et du sud parisien, principalement concentrées dans les Hauts-de-Seine, les Yvelines et l’Essonne, ainsi que dans « l’espace périurbain choisi », le candidat de droite du parti des Républicains devrait faire son meilleur score, car ces communes concentrent les retraités aisés et la bourgeoisie catholique traditionnelle, qui constituent son socle électoral. Cependant, le candidat du centre-gauche, Emmanuel Macron pourrait faire une percée, en particulier dans les communes de proche couronne limitrophes de Paris, où son discours pourrait séduire les jeunes cadres sans enfants, bien insérés dans la mondialisation et moins à cheval sur les traditions que leurs aînés, qui y sont surreprésentés.

Dans le reste de la banlieue (principalement la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et le Val-d’Oise), qu’elle soit socialement mélangée ou « populaire », la gauche est traditionnellement dominante aux élections nationales, que ce soit le parti socialiste ou l’extrême-gauche, héritage de la « banlieue rouge ». En conséquence, il y a de fortes chances pour que les candidats Benoît Hamon, bien implanté en banlieue, et Jean-Luc-Mélenchon y fassent leurs meilleurs scores, d’autant qu’ils sont bien perçus par les Français d’origine étrangère, dont le poids dans l’électorat de ces communes s’accroît d’année en année. Cependant, il convient aussi de garder en tête la traditionnelle forte abstention dans ces territoires, faisant bien souvent des abstentionnistes le premier « parti ».

Un vote FN dans le périurbain subi

Enfin, dans l’espace périurbain subi, qui correspond à une large partie de la Seine-et-Marne et aux franges rurales de l’Essonne et du Val-d’Oise, les forts taux de vote pour le Front National devraient s’accentuer, étant donné la montée globale du vote d’extrême droite sur l’ensemble du territoire national. En effet, ces territoires concentrent les populations d’ouvriers et d’employés d’origine européenne qui ont du mal à joindre les deux bouts et qui ont, bien souvent, fui la mixité ethnique des quartiers populaires de banlieue du fait d’un rapport conflictuel avec les nouveaux arrivants. Le discours de Marine Le Pen y prend donc très facilement.

En définitive, la géographie électorale de la région Île-de-France ne devrait pas être grandement chamboulée, la seule principale interrogation concernant la géographie du vote pour Emmanuel Macron, qui dépendra beaucoup des performances du candidat de droite.