Culture
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Le Grand Paris a son roman

C'était un des romans les plus attendus de la rentrée de janvier. Aurélien Bellanger publie "Le Grand Paris", récit à peine inventé de l'invention du plus grand projet d'aménagement urbain d'Europe. Le 16 février, il sera l'invité de la Cité de l'architecture à Paris pour une rencontre où il sera question de... Grand Paris. En attendant de l'écouter, nous l'avons lu.

Grand Paris / © Aurélien Bellanger

Le Grand Paris, c’est un gigantesque projet de transports et d’aménagement lancé sous l’ère Sarkozy. 200 km de métro automatique et des dizaines de plans d’aménagement immobilier. Objectif affiché, maintenir la capitale dans le peloton de tête des métropoles mondiales. À partir de cette ambition politico-économique assez prosaïque, le romancier Aurélien Bellanger retrace dans “Le Grand Paris” (Ed. Gallimard) l’histoire d’un jeune urbaniste ambitieux qui connaît les faveurs du “Prince” (Sarkozy) puis la disgrâce. Sa gloire : d’avoir “imaginé l’un des plus importants réseaux de la capitale, un réseau de transports, mais [dont] la gloire en reviendra à l’homme que [j’ai] servi, avec passion et aveuglement, dont je ne peux plus sans honte prononcer le nom : le Prince, mon Prince, la folle idole de ma jeunesse.” 

 

Plus qu’un roman d’actualité, un récit balzacien

Dans son précédent roman, “L’Aménagement du territoire”, Aurélien Bellanger utilisait le déploiement du TGV pour étudier l’effet de la technologie et de la technocratie sur la vie des gens. Avec “Le Grand Paris”, l’auteur montre qu’à l’ère des métropoles globales, un urbaniste ambitieux et habité peut s’imaginer un destin politique. C’est en cela que “Le Grand Paris” n’est pas un roman d’actualité, tout (très) bien documenté qu’il soit, mais un récit balzacien, narration des ambitions d’une époque vues à travers un itinéraire singulier.

Aurélien Bellanger / © Gallimard

 

Le héros, Alexandre Bellegrand, est l’héritier d’une dynastie d’urbanistes, de ceux qui ont façonné le paysage francilien des Trente Glorieuses, comme son grand-père “qui a dessiné Roissy [et] avait accompagné plusieurs fois Delouvrier [préfet sous De Gaulle, ndlr] dans ses dimanches d’errance à travers la banlieue parisienne, errance urbanistique au terme de laquelle celui-ci avait décidé de construire cinq villes nouvelles autour du Paris historique.” 

Cet ‘“enfant des Hauts-de-Seine triomphants, enfant du 92 destiné à perpétuer, en tant qu’ingénieur, architecte ou cadre dirigeant d’une multinationale, la domination occidentale du monde”, lâche son école commerce pour suivre un prof obnubilé par un projet fou : lutter contre la décadence française en réinventant Paris, épicentre historique et spirituel de la Grande Nation, en le pensant à l’échelle qui est la sienne, le bassin parisien – soit un tiers du territoire. C’est la vision du Grand Paris.

Devenu son mentor, le professeur, qui a des relations, place Alexandre Bellegrand dans la cour du Prince. En le chargeant de réaliser son rêve. “Le président voulait à ses côtés un philosophe, pas un technicien, quelqu’un d’audacieux et de libre, pas un juriste ni un technocrate. Il voulait que je l’aide à dessiner quelque chose qui porterait son empreinte et qui marquerait sa place dans l’Histoire de France.” 

 

Grandeur et décadence

Ascension fulgurante, court état de grâce puis déconfiture sont les étapes obligées que le héros parcourt à fond de train. Après sa chute, le personnage d’Aurélien Bellanger se convertit à l’islam, vend son pavillon des Hauts-de-Seine et déménage dans une cité du 9-3. “J’avais (…) le sentiment de trahir le Prince. Peut-être aussi, de trahir mon camp, et peut-être même de trahir la France – de trahir les miens, quels qu’ils puissent être : mes amis de Colombes, de Rueil et de Cergy, ceux de la campagne de 2007, mes ancêtres chrétiens, du côté de ma mère, ou du côté de mon père cette longue litanie d’ingénieurs secs et froids, républicains et anticléricaux.”

Par-là, Aurélien Bellanger souligne ainsi une bascule historique et géographique, qui constitue la trame de fond de son récit. Le Grand Paris, c’est le passage (de témoin) entre la France post-gaulliste des tours de la Défense, et la France de la fin du Grand Roman national, une France au métissage fortement teinté d’islam. « La Seine-Saint-Denis dévastée était devenue, pour ma génération, le terreau fertile sur lequel venait de naître une nouvelle culture – une culture destinée à mettre fin à notre paisible domination du monde (…) L’histoire s’écrirait dorénavant dans le 93, de l’autre côté de la Seine, et nous ignorions quelle direction elle allait prendre. » Cette conversion-rédemption laisse un peu perplexe, et l’on pressent qu’elle est aussi destinée à relancer un récit trop touffu. Mais avoir injecté du théologico-politique dans une histoire d’aménagement et de transport est la grande et belle intuition de ce roman. 

 

« Le Grand Paris d’Aurélien Bellanger », jeudi 16 février de 15h à 18h30 à la Cité de l’architecture, Paris (16e). Rencontre autour du romancier Aurélien Bellanger, auteur de « Le Grand Paris », avec également Paul Chemetov, architecte, essayiste, Renaud Epstein, sociologue (La rénovation urbaine. Démolition-reconstruction de l’Etat), Catherine Barbé, directrice de la Société du Grand Paris, Pierre Mansat, président de l’Atelier International du Grand Paris, TVK architectes, Léonard Billot, critique littéraire aux Inrocks, Louis Fernandes, architecte, animateur du blog Haussmanhattan, Mehdi Zannad, architecte, artiste.  Information et inscription sur www.citechaillot.fr

 

En bonus, quelques photos du Grand Paris tirées du compte Twitter d’Aurélien Bellanger, @aurelienbel

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter

 

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter

 

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - TwitterGrand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter

Grand Paris / © Aurélien Bellanger - Twitter