Culture
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« Le Grand Berlin existe… depuis 1920 »

Alors que l’Allemagne commémore ce week-end les 25 ans de la chute du Mur de Berlin, nous nous sommes demandés quels rapports entretenait la capitale allemande avec sa banlieue.

Dans le flot de livres sortis pour célébrer l’anniversaire de la chute du Mur, celui-ci tire admirablement son épingle du jeu. Plus largement, il risque de devenir un incontournable dans la bibliothèque de tout « Berlinophile » qui se respecte. De par sa richesse, « Berlin » (ed. Bouquins/ Robert Laffont), dirigé par David Sanson, nous a bluffés. Tour-à-tour recueil d’articles, anthologie, dictionnaire, il englobe toutes les facettes de la ville de cette façon amoureuse – mais pas bêtement sentimentale – et érudite – mais pas pédante – qui caractérise les ouvrages de cette collection. Cela nous a donné envie d’interroger David Sanson sur la banlieue de Berlin. Mais existe-t-elle ?

En lisant ce « Berlin » que vous avez dirigé, on se rend compte que le Grand Berlin existe… depuis 1920 ?

C’est exact. À la fin du XIXème siècle, la ville connaît une croissance incroyable. Seule Chicago peut se prévaloir, à la même époque, d’un tel développement. Au 1er octobre 1920, sont donc adjointes au Vieux-Berlin 87 communes rurales et 7 villes proches, parmi lesquelles Schöneberg ou Spandau. Ces 94 localités donnent le Grand Berlin divisé en 20 arrondissements. La ville passe ainsi de 6700 à 87 000 hectares, dont 1/5è de forêts. C’est d’ailleurs l’intelligence de ce projet : avoir su sanctuariser et intégrer la nature. On voit donc que la question de la qualité de vie urbaine se pose très tôt et que le projet est très visionnaire. Notons aussi que la population est doublée et, avec ses 4 millions d’habitants, Berlin devient la deuxième métropole après Londres. Paris n’en compte même pas 3 millions.

Donc en fait, Berlin n’a pas de banlieue…

Effectivement, en un sens, elle n’en a pas puisque dès que vous quittez Berlin, vous vous retrouvez à la campagne.

Mais pourtant, si on prend un arrondissement comme celui de Marzahn, il possède les caractéristiques de certains « quartiers » français : une image peu flatteuse, de nombreux « Plattenbauten » (sorte de grands ensembles, ndlr)…

Oui, mais rappelez-vous que les histoires de Berlin et de Paris sont très différentes. Marzahn est une construction « artificielle ». C’était un village très pauvre, presque déserté. Dans les années 70-80, les autorités politiques décident d’en faire une coopérative agricole. Delà date la construction des Plattenbauten. Mais effectivement, à Marzahn, comme dans beaucoup de quartiers français, la population est très jeune : 2/3 de la population y a moins de 18 ans en 1989. Dans les années 90, l’arrondissement fut le lieu de violences orchestrées par les skinheads. Donc pendant longtemps, Marzahn n’a pas constitué l’emblème le plus reluisant de la ville. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de banlieue qu’il n’y a pas d’endroits qui cristallisent la misère sociale.

Le Ring berlinois – la ceinture ferroviaire qui encercle le cœur de la ville – ne serait donc pas l’équivalent de notre boulevard périphérique ?

Non, il me semble que le terme est d’ailleurs rarement usité de la sorte, il ne s’agit pas d’une frontière. Ce qui compte plutôt à Berlin, c’est la notion de « Kiez » (quartier, ndlr). En fait, on réentend parler du Ring depuis que la ville suscite un certain engouement. Le Ring va plutôt servir de clivage en terme de prix immobiliers.