Culture
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De la soul et un peu de Q

«Ah ouais le 9-3: NTM, Grand Corps Malade tout ça quoi…» Allez donc dire aux membres du label Q Sounds qu’en terme de musique, la Seine-Saint-Denis fait dans la monochromie… Vous risquerez fort de vous faire recevoir par ces héraults de la soul séquano-dionysienne.

« Nous sommes du 93 et nous voulons montrer qu’ici, on ne fait pas que du hip hop ». D’un revers de phrase, Ludovic, membre de Q Sounds, balaye les clichés. Depuis 2009, et à l’initiative de trois amis, Antoine Demantké, Ludovic Bors et Chris Thomas, le label fait revivre l’esprit de la grande époque Motown. Et après tout, quoi de mieux qu’une ancienne banlieue industrielle pour ressusciter le groove né à Detroit, fleuron de l’économie automobile made in USA ?

 

Album Q-Sounds Recording / © -Sounds Recording

Dans un studio d’enregistrement en sous sol du centre Pierre Mendès France, l’esprit de Quincy Jones semble avoir frappé à coups de notes bien senties. La musique qui s’échappe des lieux rappelle furieusement la soul mythique des années 60, celle qui fait taper du pied et esquisser un petit mouvement de hanche incontrôlable.

Alors en pleine répétition, un groupe – clavier, batterie, guitare et saxos- accompagne Florence, nouvelle recrue du label. La jeune femme possède un grain de voix à renvoyer les candidates de télé-crochet à leurs sessions de karaoké  dans leur chambre Hello Kitty. À ses côtés, Little Clara, artiste confirmée de Q Sounds, robe et chapeau noirs, fait également preuve d’un sacré coffre. La répétition terminée, le matériel se range tandis que les esprits se délassent à grand renfort de blagues potaches.

Soul made in 93

Q Sounds, ce sont huit chanteurs et groupes (qui travaillent souvent ensemble), mais surtout une autonomie revendiquée. « Notre but était de pouvoir produire tous nos artistes nous-mêmes, en ayant notre propre matériel, et donc faire ce que nous voulions », précise l’un des membres. « Aucune subvention », insiste-t-il également. Ce qui leur permet de garder une totale liberté.

Bien que tous ne vivent pas de la musique et aient un métier à côté – Ludovic est prof – les trois trentenaires à l’origine de Q Sounds peuvent très bien passer cinq à six heures en studio pour peaufiner leurs créations. Et ils n’en sont pas à leur coup d’essai. On leur doit également Qalomota Records, né en 1998, aîné aussi house que son petit frère est soul.

Un son authentique

Chez Q Sounds justement, les enregistrements sont en partie faits dans les conditions du live. Le matériel utilisé (amplis, instruments) est similaire à celui des riches heures de la Motown : « La plupart de la soul faite aujourd’hui est un peu « post-Prince » et se classe en deux mouvances assez divergentes. Nous voulions revenir à un son plus dur, plus rock, celui qu’on écoutait quand on était jeunes ».

 

 

En studio, l’équipe mise tout sur les prises de sons originales : « Nous ne retouchons presque pas aux enregistrements en post-production. Surtout les voix, nous voulons qu’elles restent le plus naturel possible. Si tu achètes un disque qui vient de chez nous et que tu viens ensuite voir l’artiste en concert, tu n’auras pas de surprise, et tu entendras presque la même musique que celle que tu as écoutée chez toi ». Cette similitude entre le disque et le live n’empêche pourtant pas l’effet de surprise lors des concerts : « Nous nous sommes déjà produits dans des lieux à l’esprit pourtant soul où le public se demandait un peu ce qu’on faisait là. C’était assez étrange ».

Une fois n’est pas coutume, nous vous invitons à franchir le périph’ pour retourner dans Paris (mais juste le temps d’une nuit, rassurez-vous), puisque chaque mois, Q Sounds organise « Soul ! », une soirée dédiée à ses artistes, où DJ sets succèdent à de nombreuses prestations live. Le 21 juin, le label sera présent au parc Montereau (Montreuil). À ne pas manquer puisque – chacun le sait – une Fête de la Musique sans un peu de Q ne vaut pas d’être vécue…