Société
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A Villetaneuse, on plante des vignes pour mettre le Grand Paris en bouteille

Déjà à la tête d'un élevage de moutons en Seine-Saint-Denis, l'association Clinamen est en train de planter une vigne sur le campus de Paris 13 à Villetaneuse. Et le 11 mars, on vous invite à venir bêcher avec nous en attendant les premières récoltes prévues en 2019.

Chantier de la vigne de Clinamen à Villetaneuse / © Clinamen

Les bergers urbains de Clinamen ne se reposent jamais. Alors que leur future bergerie est en cours de construction dans le parc de La Courneuve (93), ils vont s’atteler durant le mois de mars à planter des vignes à l’Université Paris 13 de Villetaneuse (93). Un projet qui débute en 2013 quand deux des bergers, Guillaume Leterrier, animateur social reconverti, et Julie Dubreuilh, ex-conductrice de travaux, rencontre Marc Fèvre, ancien imprimeur et grand amateur de vin naturel. A trois, ils se prennent à rêver de renouer avec la tradition vigneronne en région parisienne.

A première vue, implanter des vignes sur le campus de Villetaneuse paraît incongru. Et pourtant, auparavant s’y étendait la plaine des Vertus, réputée depuis le Moyen Âge pour la qualité de ses sols, par chance préservée lors de la construction de la fac. “Ici, le terrain qui entoure le campus n’a jamais été bétonné. Et n’a pas reçu de phyto depuis quinze ans au moins. C’est inestimable  ! », raconte Guillaume. A croire que l’université de Villetaneuse est l’endroit idéal pour développer un projet agricole. Depuis un an, elle abrite une ferme pédagogique qui accueille une cinquantaine d’animaux et qui récupère les invendus des grandes surfaces, ainsi que les restes du resto U, afin de concocter des plats à très bas prix pour les habitants et les étudiants.

Une vigne cultivée par des artisans-actionnaires

Mais revenons à nos moutons, et à leur vigne. Le projet viticole de Clinamen veille à mêler les valeurs de l’agriculture traditionnelle (comme le travail de la terre à l’aide de chevaux de trait) avec des méthodes plus avant-gardistes (la permaculture et l’agro-foresterie). Depuis 2015, les trois passionnés invitent quiconque souhaite donner des coups de pioches à devenir artisan-actionnaire : une heure de jardinage équivaut à un Tampon Usufruit (TU), c’est-à-dire un pourcentage des récoltes d’une valeur de 10 euros. 4 000 TU ont déjà été distribués. Les amateurs de (vrai) vin ont été faciles à convaincre. Reste à élargir le cercle à présent. Le terrain de deux hectares doit accueillir à terme 250 pieds de vignes. Pour les blancs, des raisins de type chenin, Menu-Pineau, riesling et sauvignon, pour les rouges, du pineau d’Aunis, du grolleau et du gamay. Quant aux premières récoltes, elles sont attendues pour 2019.

L’association Clinamen qui élève un troupeau de mouton sur les terres de l’université de Paris 13 laboure à cheval pour y planter de la vigne /

Le mariage d’une production viticole et maraîchère

“Nous souhaitons ressusciter le principe d’une production viticole associée à une production maraîchère, contrairement au modèle de monoculture développé aujourd’hui en France,  explique Guillaume. « Au 15ème siècle, le potager était situé entre les rangs de vigne, permettant le bon développement du raisin et la lutte contre les parasites. Pour nous, c’est aussi un moyen de réfléchir à un mode de production en culture biologique intensive. L’intérêt économique de cultures associées sur un espace réduit est un enjeu fondamental de l’agriculture urbaine. » Le potager prévu sera bien garni et respectera le rythme des saisons. On y trouvera l’équivalent de ce que l’on achète en biocoop, exit les produits importés. Des céréales (lin, lentille, seigle), cohabiteront avec des aromatiques (basilic, oseille, valériane…) et de nombreux légumes (salades, potirons, artichauts, petits pois, poireaux, épinards, topinambours…).

En sus, et grâce aux conseils de l’ingénieur agronome Hervé Coves, Clinamen installe une haie bocagère afin de protéger les vignes du vent et plante des arbres fruitiers. Et comme chez les bergers on n’apprécie guère le gaspillage, fruits, feuillage et branchage serviront à nourrir les moutons et à faire de la vannerie.

Pour les soutenir dans leur entreprise, les néo-paysans de Clinamen sont assistés par des vignerons en vin naturel, d’Anjou et d’Auvergne, amis de Marc Fèvre. Ces derniers se montrent très intrigués par cette aventure de vigne-potager, qui leur serait impossible chez eux, au risque de perdre leur appellation. Le cahier des charges des AOC et AOP est en effet drastique. “Ici, comme nous sommes en banlieue parisienne, et que nous faisons de la vigne patrimoniale, nous ne sommes pas sous le coup de ces appellations”, indique Guillaume. La production sera réservée à une petite communauté de fidèles puisqu’en France, il est interdit de commercialiser de nouvelles vignes pour ne pas faire de l’ombre aux AOC/AOP. Vous savez désormais ce qu’il vous reste à faire pour trinquer un jour au vin du 9-3.

Rendez-vous tous les jours jusqu’au 21 mars de 10h à 18h pour la plantation des vignes de Clinamen sur le campus de Paris 13, 99 avenue Jean-Baptiste Clément, Villetaneuse (93). Les inscriptions s’effectuent via www.framadate.org