Société
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Pantin : coulisses d’un resto solidaire

A la fois centre de formation, traiteur et entreprise d'insertion, le Relais est un restaurant à part. Rencontre avec Belkacem Kheder, fondateur et directeur des lieux.

Au Relais, on voyage en mangeant : France, Sénégal, Algérie, Thaïlande, le monde s’invite à table. Aujourd’hui, un tajine mitonne en cuisine tandis que des élèves passent leur examen : réalisation d’une recette tirée au sort. Car le restaurant est aussi centre de formation et entreprise d’insertion.

 D’une menuiserie à un restaurant

 Installé depuis 22 ans dans une ancienne usine de BTP à Pantin (93), le Relais a gardé son histoire dans ses murs : briques, poulie sur la façade, poutres en acier. La salle à manger est dans son jus. Bien sûr la menuiserie a disparu mais on sent un vécu quand on y pénètre.

 « Ici c’était une friche quand on l’a récupéré en 1991. Cela faisait 10 ans que c’était à l’abandon. Le canal de l’Ourcq est juste derrière : les marchandises arrivaient par là et remontaient tout le complexe industriel au fur et à mesure de la transformation des matières premières », raconte Belkacem Kheder, fondateur et directeur de l’établissement.

 D’ailleurs, ce va-et-vient sur l’eau continue : c’est par là que se fait la livraison de fruits et légumes : « Avec la carte on colle aux saisons, on ne cuisine que des produits frais et on essaye de réduire aux maximum les distances même si ce n’est pas toujours évident. Et on veut être au plus proche des producteurs, que ce soit pour le vin ou les poissons sauvages de Bretagne ».

 Un monde solidaire

 Ce qui fait la spécificité du lieu c’est son histoire bien sûr. Mais c’est surtout son mode de fonctionnement. La fonction première du Relais c’est la formation et l’insertion. C’est Pôle Emploi, les assistantes sociales ou la maison de l’emploi qui envoient les apprentis cuistots : jeunes sortis du système scolaire un peu trop tôt ou retraités qui ne parviennent pas à tenir le mois.

 Cinq mois pour acquérir les bases : la ponctualité et les règles en cuisine et en salle. Pour compléter et assurer une insertion sur le marché du travail, le Relais collabore avec des entreprises et placent ses étudiants en stage.

 Le tajine qui mijote.

 

Le Relais n’est pas seul dans cette aventure. En 1991, une vingtaine de structures s’installent dans les 2000 m² de la friche pour y expérimenter une nouvelle manière de vivre en société : Andine pour le commerce équitable, les Cigales pour l’économie sociale et solidaire et 18 autres structures. Le Relais est immédiatement un centre de formation et devient la cantine du 61 rue Victor Hugo.

Des quartiers à la formation

Algérien de filiation française, Belkacem Kheder a débarqué à Paris à 18 ans et s’est retrouvé très rapidement en banlieue : Massy, Bondy, Montreuil. D’abord comédien dans une troupe de théâtre militant, il devient éducateur spécialisé. Confronté à l’arrivée de l’héroïne, à la montée du racisme et à l’analphabétisme, il se rend compte qu’agir au niveau culturel ou sportif, c’est bien mais ça ne suffit pas. Il faut agir au niveau économique.

Au milieu des années 80, il monte un premier restaurant, un club de jazz à Paris. Le personnel que lui envoie un bureau de recrutement n’est pas formé. De cette expérience, il tire un nouveau constat : « dans la restauration, il faut du personnel et pas seulement celui qui sort de l’école d’hôtellerie ». Il décide donc de former des jeunes des quartiers et bousculer les mœurs. En 22 ans le Relais a reçu 2300 stagiaires, dont la moitié a trouvé un emploi durable.

Dans les cuisines

Un renouveau

En 2012, le Relais s’est refait une beauté : un an et demi de travaux pour avoir une cuisine d’apprentissage et une autre de production. Des vestiaires et des douches sont installés dans les anciennes écuries. Les salles de classes et les bureaux sont retapés. Il aura fallu attendre 20 ans pour pouvoir prétendre à cette transformation.

Et quand on demande à Belkacem quelle est la prochaine étape pour le Relais, il répond comme un vieux sage : « renouveler l’équipe de base. Il faut que l’on forme la relève pour que le projet continue à vivre ».