Société
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La Grande Parade des fiertés métissées

Romainville: Avant la Gay Pride, place samedi à une joyeuse parade entre Romainville et le Pré-Saint-Gervais pour célébrer la France métissée.

En ce samedi après-midi à Romainville (93), le soleil a imposé son tempo au quartier de la place Carnot. À la terrasse du café du cinéma Le Trianon, les têtes sont renversées en arrière pour mieux attraper ses rayons. Le ronron des bus qui rythme la vie du carrefour s’est assourdi et la porte de la Librairie Les Pipelettes reste ouverte pour accueillir largement la fraîcheur. Pourtant une enclave semble résister encore et toujours à cette indolence généralisée : au 39 rue Carnot, des coups de marteaux, la clameur d’une radio et le va-et-vient de personnes en témoignent.

L’immigration : une chance pour la France

« Il est où le préfet ? » s’impatiente une voix, venue des tréfonds de cette ancienne usine. On cherche des yeux : personne en uniforme avec l’air solennel qui sied à un représentant de l’État. En revanche, des hommes, femmes et enfants qui s’agitent autour de drôles de constructions : les chars qui défileront samedi 24 juin au cours de la première édition de la Grande Parade Métèque.

Une manifestation née d’un constat résumé simplement par Damien Villière, de l’association Un sur Quatre, qui organise l’événement : « L’immigration est une chance pour la France. » Et notre homme de poursuivre : « Cette parole ne perce malheureusement pas beaucoup en dehors du monde associatif. Nous avons souhaité la relayer en disant notre fierté d’appartenir à une société mixte. » Quant au choix d’une parade, il explique s’être inspiré des moyens de communications utilisés par la communauté gay : « En 20 ans, ils ont réussi à retourner complètement l’opinion publique ! »

Le 9-3 en roue libre

Pour ce faire, la journée se déclinera en trois temps. Ou plutôt « en trois P » comme le dit Damien : la Parade, qui partira à 14h de la cité Cachin à Romainville, avant de traverser Les Lilas, Pantin puis Le Pré-Saint-Gervais ; La Parole, au Village installé parc de la Sapinière à Romainville et qui permettra aux associations de débattre et d’échanger avec le public ; Puis le Partage avec, à partir de 21h30, un grand bal, toujours à la Sapinière. « Cela nous semblait naturel de démarrer ce projet en Seine-Saint-Denis, explique Pierre Pezziardi, l’un des organisateurs. Ici, la question de l’immigration est un enjeu conscientisé. Le message part de là où il est fort. »

Un préfet, un caddie et une terre en papier mâché

Entre-temps, le préfet a été retrouvé : il s’agit de la grande figurine en carton qui siégera sur le char réalisé par l’association RESF. Vélos, vieux caddie, poussette… Ici, tout est fait à partir de récup’, avec le soutien bienveillant d’Emmaüs Pantin. Un peu plus loin, une étrange structure hybride, entre le galion et le satellite, attend son heure. Un jardin roulant surmonté d’une multitude de papillons tente une sortie du hangar, encouragé par des accents fleurant bon la Méditerranée ou les bords du Danube.

« Le noyau dur, c’est une centaine de bénévoles qui bossent depuis début mars », explique Pierre Pezziardi. Un peu plus loin, Emmanuel de l’association Les Amoureux au ban public qui aide les couples franco-étrangers, s’active avec d’autres bénévoles sur une terre géante en papier mâché. « Vous vous rendez compte que nous sommes les seuls à qui l’administration se donne le droit de poser une question d’ordre privé : « est-ce que vous vous aimez ? » s’indigne-t-il. Et le militant d’évoquer des futurs mariés cueillis le jour même de leurs noces et envoyés en zone de rétention ou les péripéties administratives vécues avec son épouse malgache. « Certes, la confrontation à l’altérité est toujours compliquée, constate Pierre Pezziardi. À nous de rééclairer le débat. » Samedi, attention les yeux !