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Les JO, élixir d’amour pour Paris et la banlieue depuis 2000

Plan des sites pour la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2008 / DR
Plan des sites pour la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2008 / DR

Si la Seine-Saint-Denis est au coeur du projet pour les JO de Paris 2024, l'alliance entre le 93 et la Ville Lumière remonte à la candidature infructueuse aux Jeux olympiques de 2008. Un rapprochement qui doit permettre de redéfinir les rapports entre Paris et la banlieue selon Pierre Mansat, conseiller d'Anne Hidalgo pour le Grand Paris.

 

En 2000, une équipe d’architectes, d’urbanistes et de paysagistes avait été missionnée pour imaginer les sites olympiques en vue de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2008. Et comme pour les JO 2024, la banlieue était au cœur de leur vision…

Pierre  Mansat : Tout à fait. J’étais élu de l’opposition et je suivais de près notre candidature aux JO de 2008. Si le dossier était globalement assez moyen, il était passionnant de voir à quel point les architectes s’étaient lâchés. Ils avaient su insuffler une vision urbanistique au projet sportif en faisant des propositions pour redessiner le Nord-Est de Paris et la plaine Saint-Denis. Ce qui aurait permis de jeter les bases d’une pensée nouvelle dans le rapport entre Paris et la banlieue. Il était d’ailleurs déjà prévu d’établir le village olympique à Saint-Denis, le long du canal. L’architecte Yves Lion, qui en avait eu l’idée, prévoyait de l’accompagner d’un plan de réhabilitation du quartier. Parmi les autres propositions, un grand « boulevard des sports » devait relier Paris à Pantin, via les maréchaux et le canal de l’Ourcq. C’était l’épicentre du projet olympique. L’architecte Patrick Berger avait quant à lui imaginé un « anneau hydrographique » constitué par la Seine et par le canal de l’Ourcq et le canal de Saint-Denis. Il aurait servi de parcours pour le marathon et aurait permis de réaménager les berges pour les rendre accessibles aux habitants.

Les architectes du projet pour les JO 2008 étaient-ils porteurs d’une vision métropolitaine ?

Ils ont vu en effet que les Jeux pouvaient réconcilier Paris et la banlieue, et qu’il était possible de faire de l’aménagement urbain grâce aux grands événements. Une dizaine d’années plus tôt, en 1988, certains d’entre eux avaient d’ailleurs signé « L’Appel pour une métropole nommée Paris », un manifeste d’urbanisme publié par l’association 75021 qui regroupait quinze architectes reconnus comme Christian de Portzamparc, Yves Lion, François Leclercq, Claude Parent et Claude Vasconi. Ils y déclaraient que « Paris ne peut plus seulement être pensée par rapport à son centre et à son histoire », et que « la mise en valeur du paysage naturel, le rôle majeur de la Seine dans son parcours métropolitain, l’extension des grands parcs urbains vers le Nord et l’Est font partie de la nouvelle identité de Paris ». Ce manifeste est aujourd’hui complètement oublié mais on y trouve des idées qui ont fait leur chemin.

Après l’échec de la candidature pour 2008, toutes ces idées sont restées sur une étagère…

La candidature pour 2012 était intéressante mais très centrée sur Paris. Le village olympique devait être installé aux Batignolles. Cette concentration était d’ailleurs vu comme un atout pour la candidature parisienne, qui au final a perdu de très peu face à Londres. C’est avec la candidature pour 2024 que l’on retrouve une ambition vraiment métropolitaine. Dès le début, Anne Hidalgo a pensé la candidature pour 2024 comme une alliance entre Paris et la Seine-Saint-Denis. Si Paris est la ville candidate, le projet qui a été conçu est un magnifique levier de développement pour le 93 qui souffre sur le plan social. Pourtant, c’est un territoire qui a des atouts exceptionnels : deux aéroports, plusieurs autoroutes, des voies ferrées, une grande proximité avec Paris, une réserve foncière importante, des transports en plein développement avec le futur Grand Paris Express et une population jeune et dynamique.

N’y a-t-il pas un risque que les JO soient un facteur de « gentrification » de ce département populaire ?

C’est la grande question mais les élus de la Seine-Saint-Denis portent une vision de la ville suffisamment inclusive et solidaire pour prévenir ce phénomène. Par ailleurs, il s’agit de faire en sorte que les JO laissent en héritage des équipements de qualité utiles au plus grand nombre. La plupart des principales infrastructures sportives étant déjà existantes, il va être possible de se concentrer sur les transports et sur l’aménagement des portes comme celles de la Villette et de la Chapelle afin d’effacer les coupures entre Paris et la banlieue. A ce titre, il existe une carte très parlante, établie par les architectes Bernardo Secchi et Paola Viganò, connue sous le nom des « propriétés de Lucifer ». Elle montre les quartiers enclavés par les voies de chemin de fer, les cimetières, les autoroutes, les dépôts et les ZAC. Ce sont des problèmes caractéristiques de la métropole parisienne et les JO devraient permettre de s’y attaquer dans le Nord-est. Il existe d’ailleurs une convention particulière entre la ville de Paris et les collectivités de la Seine-Saint-Denis pour travailler sur les franchissements, l’accessibilité et les pistes cyclables dans la perspective des JO. Cet accord porte également sur les questions de formation des jeunes et sur le recours aux travailleurs du 93.

Carte des "propriétés de Lucifer" / © Equipe Studio 09  Secchi-Viganò
Carte des « propriétés de Lucifer » / © Equipe Studio 09 Secchi-Viganò

 

Les JO de 2024 signent-ils l’avènement du manifeste de 1988 ?

Trente ans plus tard, l’esprit est là. On ne peut que constater la diffusion de la vision métropolitaine au-delà des cercles intellectuels et des élus. L’idée du Grand Paris a progressé et nourri le projet de candidature olympique pour 2024.  En 2015, au moment d’annoncer la candidature de la Paris, Anne Hidalgo avait parlé de “récit à construire entre Paris et la Seine-Saint-Denis”. Pour elle, les JO sont clairement un accélérateur de développement pour l’un des départements les plus jeunes, les plus pauvres et les moins bien dotés en équipements sportifs de la métropole. Elle fait le lien entre l’avenir du Grand Paris et le devenir de la Seine-Saint-Denis. Force est de constater depuis l’échec de Paris 2008 que l’idée d’un destin métropolitain commun a formidablement progressé.