Société
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J’ai testé : la vie dans un écoquartier

Quotidien idyllique ou enfumage pseudo-écologique ? Enlarge your Paris m’a demandé de raconter mon année d’expérience dans un de ces quartiers tout neufs et tout verts à Issy.

 Fort d'Issy / © Steve Stillman

 

Il y a un an, j’ai emménagé dans un écoquartier : le fort d’Issy (92). La promesse : un environnement tout beau-tout neuf, sorte de village sorti de terre quelques mois auparavant, incarnant le rêve du couple de trentenaires parisiens fatigués, lestés de deux enfants en bas âge. Un cadre vert, ramassage des poubelles par aspiration, des arbres et des plantes par dizaines, les bâtiments chauffés par géothermie, des jardins partagés, un cœur de quartier exclusivement piétonnier, des façades en bois, une école en paille : n’en jetez plus. Ne manquaient plus que les transports scolaires à dos de poney chaque matin et on tenait le parfait fantasme de l’urbain en mal de verdure (mais pas trop loin des commodités parisiennes, quand même).

Depuis un an, donc, j’ai lâché une barre années 70 à une porte de Paris pour un écoquartier de banlieue coquette. Ça veut dire quoi, en vrai ?

 

 

Chaque matin, je me réveille dans un appartement sans radiateur, chauffé par géothermie, autrement dit par l’eau chaude puisée directement en profondeur dans le sous-sol. On va dire que ça marche plutôt bien. Le système met plusieurs heures à remonter les températures frisquettes lors des frimas d’octobre, mais une fois que c’est lancé c’est plutôt stable.

Bienvenue à Gattaca

Ici, dans chaque logement, un boîtier « domotique » trône dans l’entrée. Bienvenue à Gattaca : vous pouvez contrôler depuis celui-ci la température dans les différentes zones de votre sweet home, fermer ou ouvrir les volets, éteindre les éclairages, et surtout, programmer tout cela à l’avance dans un but écologique. Certes, on ne le fait jamais parce que c’est vraiment trop compliqué, mais c’est sympa à montrer aux amis.

Douchée, habillée, je descends vers ma journée de travail, mes poubelles à la main. Ici, pas de vide-ordures ni de grosse benne au rez-de-chaussée, mais des bouches d’aspiration dans lesquels nous déposons nos déchets – cartons et plastiques côté jaune, déchets ménagers côté vert. Tout cela part sous terre dans des tuyaux d’évacuation et est aspiré chaque matin par des camions à la sortie du quartier. L’avantage ? Vous le connaissez si vous avez déjà été réveillé rien qu’une fois par le passage des camions poubelles sous vos fenêtres à 6h. Ici, point de camion, point de bennes – ça gênerait l’œil écolo. Vous pouvez siroter votre café bio et équitable en écoutant les oiseaux chanter. Ce qu’il vous en coûte, en revanche, est de devoir déchiqueter en petits morceaux tous vos cartons d’emballage avant de les jeter. Et oui, l’écoquartier, ça se paie en petits efforts musculaires.

 

Fort d'Issy / © Steve Stillman

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J’enfourche mon vélo électrique (il faut bien se mettre au diapason du vert, non ?) et me mets en route. Ici, circulation limitée à 20 km/h, c’est une « zone partagée » où piétons et cyclistes sont prioritaires en toutes circonstances. En théorie. Je précise, parce qu’on a beau vivre dans un quartier digne d’un dépliant publicitaire pour urbaniste du 22e siècle, un Francilien au volant reste un Francilien au volant, et rares sont les conducteurs qui respectent cette règle. Difficile de faire passer l’idée de réduire la place de la sacro-sainte bagnole. Ici, les places de parking en surface sont peu nombreuses, la vitesse volontairement très basse, les dos-d’âne installés tous les 100 mètres. Et pourtant, ça râle, et ça roule un peu trop vite à mon goût de jeune maman et d’allergique au bruit de moteurs.

 

Fort d'Issy / © Steve Stillman

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Reste à voir comment vieilliront ces quartiers qui ont pour l’instant l’attrait de la nouveauté. N’oublions pas que dans les années 50, les grands ensembles étaient le summum de la modernité désirable, ça fait réfléchir. En attendant, quand mes amis parisiens qui ne jurent que par «le charme de l’Haussmanien » viennent nous rendre visite, ils sont quand même assez charmés.