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Le label Happy Milf fait mousser la funk à Montreuil

Luca, Hugo, Amadeo et Davjazz, le crew Happy Milf / Beers and Records presque au complet - Montreuil / © Jean-Fabien Leclanche
Luca, Hugo, Amadeo et Davjazz, le crew Happy Milf / Beers and Records presque au complet – Montreuil / © Jean-Fabien Leclanche

Funk is not dead ! A Montreuil, les Happy Milf font bien mieux que de la maintenir en vie. En plus d'éditer des vinyles, ils lui consacrent une boutique, Beers and Records. Le photo-reporter Jean-Fabien Leclanche est parti à leur rencontre.

Il fait grand beau sur Montreuil en ce début de semaine et j’ai donc décidé d’aller taper la tchatche avec les piliers de la funk montreuilloise. Tour à tour animateurs du shop Beers and Records, entertainers des mensuelles Happy Milf à La Marbrerie, prêcheurs de grooves à grosses basses et de claviers boogie sur l’antenne de Radio Campus avec le Groove Blaster Show mais aussi parrains de l’Atomik Funk Fest, ces gars-là ont discrètement déployé un véritable écosystème dédié à leur passion pour la culture du vinyle et la funk sous pression.

On s’est donné rendez-vous à 16h00 pétantes au Petit Pub, situé pile en face de la poste centrale. Beaux jours obligent, Les Tatas Flingueuses viennent de rouvrir l’Annexe, un shop déco d’inspiration rock’n roll dans lequel on trouve aussi bien le 33 tours de Johnny Montreuil que du jus de gingembre de production locale. De la bière aussi, même si c’est plutôt le rayon des gars de Beers and Records, situés à 50 mètres à peine de l’enseigne bobo vintage.

 

« Le seul truc qu’on veuille vendre, c’est du bon vivre, du bon boire, de la bonne écoute »

 

Ponctuel, Davjazz est arrivé le premier. Imperturbable, il tourne à l’allongé, le regard vaguement perché. Ses yeux brillent de fatigue. Avec ses 25 ans d’expérience dans le monde du disque et de la radio, c’est le vieux sage qui sait parler utile et donner le bon tempo. Il m’annonce d’une voix calme et posée que le reste de la bande arrive dans deux minutes, le temps de parquer correctement la caisse et d’éviter la ronde des poseurs de prunes en série. Échapper aux amendes et aux fourrières privées est devenu un sport national à la Croix de Chavaux, surtout les jours de marché où la municipale ratisse large.

Hugo, Luca Afroriot et Amadeo 85 finissent par débouler avec de chouettes surprises sous le bras : un exemplaire de l’affiche neotrash de l’Atomik Funk Fest 3 et surtout une copie de “Narvaloid From Cosmos”, LP sorti en 2014 chez Happy Milf Records, désormais épuisé.

Des tracks jusqu’à la pochette, tout est signé Amadeo 85. Derrière ses shades, sa barbe bien taillée et son faux air bourru, Amadeo Da Silva, aka Amadeo 85, jongle avec les casquettes comme avec les vinyles. C’est le boss, certes, mais un boss qui partage largement les responsabilités et la prise de parole. “C’est vrai que l’esprit est familial, on aime avant tout travailler avec des gens qu’on apprécie. C’est un confort que l’on peut aujourd’hui se permettre. Ça fait aussi enquiller des potes, justement parce que je ne peux pas être partout.” Hugo de renchérir : “Luca est à la boutique. Il est dj, conseiller disque et conseiller bière. Moi pareil, je commence un peu à mixer, j’ai découvert cette année que j’étais bon vendeur… Un bon vendeur c’est quelqu’un qui connait les produits, qui a une bonne tchatche mais qui n’est pas non plus là pour pousser les gens. Il n’y a même pas de minimum requis pour les cartes bleues. Tu viens avec 3,50 tu prends une binge et puis c’est réglé.” Devant sa SuperBock, Amad conclut “Le seul truc qu’on veuille vendre, c’est du bon vivre, du bon boire, de la bonne écoute, du bon feeling aux soirées.”

 

« Ici, c’est pas encore le Grand Paris »

 

Un peu plus d’un an après l’ouverture discrète de Beers and Records, une boutique grande comme une boite de Kellogs qui s’est mise en tête de proposer du vinyle funk et de la bière locale, les gars affichent une grosse banane et s’apprêtent à inaugurer d’ici quelques semaines une seconde adresse enfin digne de leurs ambitions funkadéliques. “On a trouvé un spot de 140 m2 rue de l’église à Montreuil, avec 90 m2 de local au rez-de-chaussée, une courette privative, 15 m2 en mode bureaux qui nous serviront à bien préparer les skeuds pour la VPC. On est royal au bar, franchement c’est un bon plan. À l’entrée il y aura l’open space avec d’un côté les disques, de l’autre les bières comme dans le premier shop, mais en plus grand. Et puis, derrière, ce sera le petit coin chill out, avec des banquettes, pour déguster la bière du mois à la cool. On était un peu saturés par la quantité de camelote par rapport au peu de place dont on disposait rue de Vincennes, et là, on va vraiment avoir de l’espace pour respirer. Créer plus de bacs, musicalement parlant. Et puis, la rue de l’Église est une zone en développement. Il faut y aller maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. Ça nous permet de verrouiller un peu le quartier histoire de ne pas se retrouver avec un autre caviste à bière à proximité comme on s’est mangés avec le mec du Drunken. C’est un putain de surfeur qui possède deux gros shops en mode bières artisanales dans Paris qui marchent plutôt pas mal. Et il est également fournisseur, donc grossiste. Il est d’ailleurs venu me taper au carreau pour me proposer sa came, trois mois après mon ouverture. Impossible de parler 5 minutes, il y avait du monde tout le temps. Le mec était égaré genre “ je comprends pas, Montreuil… Mais c’est dingue !” Puis plus aucune nouvelle… À l’époque, je ne l’ai pas relancé parce qu’il vendait à des prix prohibitifs. Je veux absolument maintenir des tarifs corrects pour les gens du coin. Clairement, ici, on n’est pas à Châtelet. Plus de nouvelles donc jusqu’au jour où, via une amie, je découvre un briefe sur “le paradis de la bière à Montreuil : 170 mètres carrés, open platine djs set, épicerie funk”… Je me suis dit “putain l’enculé ça y est on est morts. C’est fini, fin de chantier”. En vérité ils s’y sont très mal pris. Ils sont arrivés les deux pieds devant, ils ont fait des soirées et collectionnés autant de plaintes de voisinage. Bon c’est vrai qu’on leur a pas passé une bonne pub, ils n’étaient pas spécialement les bienvenus. T’arrive comme ça et tu fais l’enfoiré à 200 mètres de chez moi ? Le mec est venu, il ne connaissait même pas le quartier, il l’a faite à l’envers en se disant que ça allait passer comme à Paris. Mais non, ici c’est pas encore le Grand Paris. Malheureusement c’est en cours mais ça ne l’est pas encore. Ici, c’est Montreuil et on ne fait pas n’importe quoi.”

De gauche à droite : Luca Afroriot, Hugo et Amadeo 85 / © Jean-Fabien Leclanche
De gauche à droite : Luca Afroriot, Hugo et Amadeo 85 / © Jean-Fabien Leclanche

 

Montreuil est certes devenue une jolie terre d’accueil bobo hipster mais c’est aussi une ville de fiertés, avec ses réseaux, ses grandes figures, les gens qui comptent, petits ou grands. Y poser ses bagages n’est pas suffisant ; il faut savoir s’y faire une place, devenir un acteur de la ville, parier sur la proximité, créer du lien, jouer la concurrence solidaire. Et c’est d’ailleurs pour ces raisons que ça a si bien matché entre les mad dogs de la funk et l’équipe de La Marbrerie. “C’est vrai, on se bat aussi sur la fierté montreuilloise. Les nouveaux montreuillois sont là, ils viennent de s’installer avec tous les nouveaux bâtiments qui fleurissent un peu partout. On s’en aperçoit au magasin, il y a constamment de nouvelles têtes qui cherchent des disques et de la bière. Beaucoup font la démarche de s’intégrer en fréquentant justement les petits business de proximité. »

« Avec les mensuelles Happy Milf, on affiche 600 personnes à chaque soirée, sans faire spécialement de com' »

 

Une septuagénaire à hublots double foyers qui devait écouter notre conversation d’une oreille faussement distraite s’approche doucement au moment de quitter les lieux et coupe net le fil de la conversation. Je vois soudain mes quatre lascars se mettre illico en mode gendre idéal lorsque la dame à l’échine courbée nous félicite, à la découverte pas bien assurée du design explosif de la pochette du 33 tours posé sur le coin de la table en formica usé.

  “C’est son album, madame, c’est son album”, lance Hugo. “C’est bien fait, les coloris sont beaux, c’est pas triste. Il y a beaucoup d’idée, surtout à l’heure actuelle, bravo… Allez, au revoir et bonne journée”. Tous saluent poliment la dame un peu trop myope ainsi que son mari prudemment resté en retrait quand apparaît à son tour Hakim, un des plus vieux piliers de bar de la Croix de Chav,’ qui se lance à son tour dans une distribution de bises automatiques. Ce délicat équilibre de la vie du quartier, tous le chérissent et le nourrissent. Et, à Montreuil, la culture de bar y est pour quelque chose.

Amadeo 85, Davjazz aux platines et Dj Az Groove au bonnet à pompon / © Jean-Fabien Leclanche
Amadeo 85, Davjazz aux platines et Dj Az Groove au bonnet à pompon / © Jean-Fabien Leclanche

 

Alors qu’Hakim inaugure sa bière de 17h00 au comptoir, la conversation s’oriente du côté de la rue Alexis Lepère, où se trouve La Marbrerie, un lieu culturel ouvert dans un ancien local industriel. « À La Marbrerie, ils ont été plutôt malins, juge Amadeo. Ils ont su faire appel aux acteurs locaux comme nous, des enfants de la ville. Qui sont les collectifs qui font bouger les choses musicalement dans le secteur ? Ils ont vus les Demolisha qui sont reggae et hip hop. Ils ont aussi vu que, via le shop, on était bien dans le truc. Ils avaient dû entendre parler du label et nous ont donc proposé de faire un test. Ce qu’on apprécie, c’est qu’ils veulent pouvoir s’intégrer sur le long terme. Les gens de La Marbrerie ne sont pas arrivés les deux pieds devant comme d’autres structures – des Parisiens notamment – ont pu le faire en s’installant à Montreuil. Ils ont eu le recul de se dire : “On va y aller tranquille au début, même si les gens ne sont pas forcément toujours contents. Ça fini tôt, il n’y a pas encore trop de son.” Mais ça nous a aussi permis de tâter le terrain. Avec les mensuelles Happy Milf, on affiche 600 personnes à chaque soirée, sans faire spécialement de com’. La participation est libre, à partir de 2 euros. C’était une volonté, pour que cela reste populaire ». Amadeo raccroche un souvenir à la volée : “ Quand on était gamins on rentrait à 15 à la Flèche d’Or… Casquettes, baskets, trous de boulettes. C’était participation libre à partir d’un ou deux balles et ça se passait bien”… “Chez nous il n’y a pas d’exclusion, personne ne se sent rejeté. Il n’y a aucune forme d’élitisme ni de choix. Pas de reluquage déplacé non plus. Quand on te fouille 40 fois à l’entrée, qu’on te regarde et qu’on te dit “tu rentres, tu rentres pas”, tu arrives déjà crispé, tu te sens exclu. Tu demandes pourquoi ça va galérer. Et une fois enfin à l’intérieur, ça te fait déjà chier. Alors qu’avec nous c’est bon. Tu te fais fouiller à l’entrée, comme tout le monde, de façon normale car il faut assurer une certaine sécurité.”

« Je suis fier de voir le sourire des gens lors de nos soirées »

 

Les Happy Milf Parties ne sont pas uniquement les meilleures soirées Funk d’Île-de-France, animées par des Dj’s aux sets 100 % vinyles . Elles réussissent ce que nombre de politiques locaux comme nationaux revendiquent à grands renforts d’éléments de langage sans toutefois parvenir à un résultat probant sur le terrain. Les soirées Happy Milf créent de la mixité sociale, du lien et du dialogue. “Je suis fier de voir le sourire des gens lors de nos soirées. Tu sais je tourne à 1000 balles par mois, on ne sera jamais riches avec ça. T’es aussi fier de vendre une bière locale ou un bon disque, de produire un 45 ou de voir le sourire des gens en soirée. C’est un tout. Donner de l’amour et en recevoir en retour.” Et c’est vraiment ce que l’on ressent à La Marbrerie quand s’organisent des battles de danse dans un coin de la salle autour d’un petit groupe réunit en cercle improvisé, quand les quinquas branchés kiffent le son avec les mômes des quartiers dans une ambiance Blacks, Blancs, Beurs tellement évidente que tout le monde s’en fout. Personne ne le remarque. Et pourtant…

Happy Milf Party 6 à La Marbrerie avec Amadeo 85 et Dj Az Groove/ © Jean-Fabien Leclanche
Happy Milf Party 6 à La Marbrerie avec Amadeo 85 et Dj Az Groove/ © Jean-Fabien Leclanche
Happy Milf Party 6 à La Marbrerie avec Amadeo 85 et Dj Az Groove/ © Jean-Fabien Leclanche
Happy Milf Party 6 à La Marbrerie avec Amadeo 85 et Dj Az Groove/ © Jean-Fabien Leclanche
Happy Milf Party 6 à La Marbrerie avec Amadeo 85 et Dj Az Groove/ © Jean-Fabien Leclanche
Happy Milf Party 6 à La Marbrerie avec Amadeo 85 et Dj Az Groove/ © Jean-Fabien Leclanche
Happy Milf Party 6 à La Marbrerie avec Amadeo 85 et Dj Az Groove/ © Jean-Fabien Leclanche
Happy Milf Party 6 à La Marbrerie avec Amadeo 85 et Dj Az Groove/ © Jean-Fabien Leclanche

Alors c’est cet esprit que l’on espère retrouver le 28 avril, toujours à La Marbrerie, à l’occasion de la 3eme édition de l’Atomik Funk Fest qui déploie un line up boogie, hip hop et new funk glocal et festivement radical. “On a conçu l’Atomik dans l’optique de réunir le milieu Funk et New Funk et avec l’envie d’inviter les Dj’s de notre entourage pour créer une sorte de salon du Boogie. Ce festival a permis de connecter tout le monde dans la mesure où beaucoup de ces artistes et de ces labels collaborent aussi ensemble, souvent par mails interposés, ce qui fait qu’ils ne se rencontrent pas vraiment”…“Ça m’a permis de rencontrer Funkmaster Ozone pour la première fois en 2016 alors que j’avais travaillé avec lui à distance sur un album en 2014”, renchérit Amadéo. “En 2011 on avait également collaboré sur un label qui s’appelle Funkysize. C’était d’ailleurs un peu ma mise à l’étrier avec la sortie de mes tous premiers morceaux. Il y a eu ensuite les compilations des Battle of the Year. De la Breakdance, avec Dominance records, donc vraiment un gros truc. Malgré tout je n’avais jamais rencontré ces mecs-là. Donc je me suis dit : Funkmaster Ozone est en Allemagne, Dogg master à Grenoble, Ameega est sur Montpellier alors il faut faire un festoche. Un truc à la montreuilloise, amical et bonne ambiance. La première a eu lieu fin mai 2016, la suivante en septembre 2016. On a produit les éditions, avec l’appui de l’asso Lez’arts dans les murs, sur l’idée de l’entrée et de la sortie de l’été. C’était assez sportif, on a charbonné. En plus, comme les premières éditions étaient en extérieur, on a tout fait nous même, on a monté un chapiteau. Il y avait de tout : des gens qui vendaient des T-Shirts, une dame africaine du quartier proposait son mafé. Les Belleville Lowriders étaient aussi de la partie. On est plutôt contents d’avoir pu attirer du monde sur un terrain situé à plus de 20 minutes à pieds du métro Mairie de Montreuil. On a quand même eu 450 personnes sur la première édition et 600 sur la deuxième. Certains sont venus de Lyon, de Belgique. En fait, on s’est aussi aperçu qu’il y avait une demande. Du coup on s’est dit : “Allez cette fois on va organiser le truc en intérieur, direction La Marbrerie. Il faut dire que l’organisation et la mise en place d’une formule en plein air est particulièrement fatigante, la météo n’est jamais certaine en cette période de l’année. C’est aussi pourquoi on a avancé les dates à la fin avril, afin d’avoir un peu de marge et de respiration pour préparer l’édition de la fin septembre.”

 

« Pendant pas mal de temps les States sont restés autocentrés, dans une posture très nombriliste »

 
Et ce n’est pas parce que l’Atomik Funk Fest est l’occasion pour des artistes qui se connaissent et qui s’apprécient de passer une nuit ensemble que la programmation donne dans la facilité de l’entre soi. Au contraire, l’affiche est aussi impressionnante que variée du point de vue des styles et des approches. Il y a les godfathers comme Dee Nasty bien sûr, mais aussi les américains Moniquea ou Xl Middleton, dont c’est la seconde apparition à Montreuil : “Xl Middleton n’est ni plus ni moins qu’un ancien rappeur californien qui s’est plutôt mis à chanter sur sa musique avec une production plus aboutie que la norme. Il a donc commencé avec une série de 45 tours en pressage limité à 500 exemplaires et qui a cartonné direct. Voyant ça, pas mal de labels sont restés sur le créneau. Ils ont produits à leur tour des séries limitées, avec parfois des petits goodies. Ainsi la surenchère des skeuds a commencé. C’est vrai que pendant pas mal de temps les States sont restés autocentrés, dans une posture très nombriliste. Ils ne voulaient absolument pas écouter ce qui se passait en Europe. Omega, Voltaire et MoFunk se contentaient de se renvoyer la balle. Quand XL Middleton et Moniquea sont venus à l’Atomik Funk Fest, c’était leur première date en Europe et c’était chez nous. Ça les a tellement branché qu’ils refont une tournée en Europe et c’est pourquoi ils figurent à nouveau dans le line up du 28 avril à La Marbrerie. Ce sera la seule date française. David Zylberman, aka Dj Ghost, sera également avec eux. Ghost c’est un jeune français qui a longtemps évolué sur Paris en mode scratch / rap. Il est parti sur Los Angeles avec sa femme et du coup il a cherché à rencontrer les gens là-bas. Il a réussi à faire son trou avec des gens comme XL Middleton et maintenant il fait partie du crew de MoFunk Records ».
 

Parmi les régionaux de l’étape on retrouve aussi les excellents labels d’astract hip hop Tha Recordz et Stillmuzik, avec des productions lowfi intrigantes et soignées, que les fans de Dj Krush ne renieront pas. Cette histoire de festival est tout sauf un egotrip monomaniaque drivé par un petit comité de funksters élitistes. Il est à l’image d’Happy Milf et du crew : ouvert et généreux.

Amadeo 85 / © Jean-Fabien Leclanche
Amadeo 85 / © Jean-Fabien Leclanche

 

« On a observé un regain d’intérêt pour le vinyle à partir de 2007 quand les Dj’s se sont remis à en jouer en soirée »

 

Amadeo et ses associés Alban et Roméo sont arrivés au moment adéquat avec la bonne proposition. Il n’y a pas si longtemps la Funk, voire un certain hip hop, étaient retournés dans le ghetto et ne concernaient finalement qu’un microcosme. Le retour du vinyle, l’intérêt récents pour les circuits courts et les productions locales ont largement fait bouger les lignes. Avec leur bières artisanales made in Montreuil et leur bacs remplis de pépites old school, la petite bande à involontairement bénéficié de cette dynamique nouvelle. “On a observé un regain d’intérêt pour le vinyle à partir de 2007 quand les Dj’s se sont remis à en jouer en soirée. Ça a pas mal fait gamberger les mômes qui se sont mis à en acheter à leur tour. À l’époque c’était surtout l’electro qui primait. Les kids sont descendus dans les caves chez leurs parents, ils sont retrouvés des platines. À cette époque je vendais un peu de disques et quand ils venaient écouter de l’electro nous on leur faisait écouter de la funk ”, se souvient Davjazz. “Paris est devenue la capitale de l’electro en 2015, après avoir dépassé les allemands et Ibiza, notamment grâce à la Concrete et au Weather Festival. À force de toujours écouter les mêmes sons, le public a eu envie d’entendre autre chose. Ce qui est bien c’est qu’ils sont arrivés au bon moment, en même temps que la G-Funk. Du coup c’était plus happy, plus festif. Bon maintenant, avec l’attrait du bel objet et de la belle pochette, ça s’est un peu boboïsé. Ce sont surtout des gens qui ont de la thune qui achètent des vinyles parce que ça coûte assez cher.” Et Amadéo de modérer : “Bon c’est vrai que les nouveautés sont chères mais tu trouves des maxis super bien pour mixer en soirée pour 5 ou 6 balles. J’en ai plein dans les bacs chez Beers and Records. On a des classiques qui tuent tout le monde en sélection vinyle, pour vraiment pas cher.”

© Jean-Fabien Leclanche
© Jean-Fabien Leclanche
Et puisque nous sommes dans les bacs, la rentrée Happy Milf s’annonce maousse. “Ça ne va pas débander jusqu’en octobre.”, annonce Amadeo avec gourmandise. “J’ai l’allemand Funkmaster Ozone qui n’a rien sorti depuis presque une dizaine d’années qui nous fait le plaisir de nous lâcher deux titres en exclusivité. On va donc produire un 45 tours dont la release party aura lieu le 24 juin. Il viendra spécialement de Cologne pour un live. On produit également le repress d’un disque nigérian ultra rare qui s’appelle Hotline. C’est du nigerian boogie, de la grosse funk synthé, de l’electro funk. Ça date de 1986, c’est une frappe et un disque ultra rare qui vaut actuellement dans les 1000 balles en bon état. Tout le monde le veut. Regarde sur Discogs, pour une vingtaine à l’avoir il y a plus de 1000 personnes qui le cherchent. Je suis tombé sur une copie ultra propre et j’ai contacté un bon pote spécialisé dans le clearing des droits d’auteurs. Il retrouve les artistes, leur propose les bons contrats et les paient. Comme ça les choses sont carrées. Il faut être respectueux des droits d’auteurs, c’est le fer de lance de la repress, sinon tu fais autre chose. Du coup on a signé un contrat d’exclusivité avec les mecs à Lagos. C’est une très très belle histoire. Ce disque c’est le Holy Graal du boogie nigérian. C’est le skeud sur lequel tout le monde bave depuis des années sans que personne ne l’ait. On va enfin pouvoir populariser le truc. On a aussi un 45 tours à sortir avec Pimoh qui est un artiste montreuillois et un résident Happy Milf qui suit le label depuis ses débuts. Grosse dédicace car il nous a apporté énormément de force. Un deux titres donc, avec un morceau à moi et un morceau à lui qu’on va clipper. On va se faire un petit roadtrip dans Montreuil, ça va être assez marrant. Et enfin un LP qui sera une combinaison d’artistes français avec Mofak, Doggmaster et Busta Brown. Au début, ils voulaient autoproduire ce nouveau projet mais ils n’ont pas eu les fonds. Alors je leur ai dit “les gars, c’est pas grave, on va le sortir quand même, avec le label on va vous donner de la force pour faire les choses.” Ils seront certainement présents à l’Atomic Funk Fest d’octobre.”

Infos pratiques : Beers and Records, 7 Bis rue de Vincennes, Montreuil (93). Et aussi sur Facebook 

© Jean-Fabien Leclanche
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